Article mis à jour le 23 août 2024 à 15:44
Les langues régionales sont le reflet du patrimoine français. Si partout la langue de Molière est imposée comme référence, les établissements scolaires des Pyrénées-Orientales tentent de perpétuer le catalan. C’est le cas de l’association d’écoles La Bressola qui établit une pédagogie dite « immersive » où l’enseignement se fait en catalan.
En France, ils sont plus d’une dizaine de milliers d’élèves à étudier une langue régionale. Alors que le patrimoine linguistique n’est pas au meilleur de sa forme, l’engouement pour les écoles semble toujours intact, voire grandissant. À La Bressola, on parle catalan des salles de classe jusqu’à la cour de récréation. L’intégralité du programme scolaire est enseignée en catalan et les échanges entre les élèves et l’équipe pédagogique doivent se faire dans cette langue. C’est ce qu’on appelle la pédagogie immersive.
Une pédagogie dite « immersive » dans les écoles catalanes
L’association transfrontalière compte sept écoles et collèges en France. Près de 1 100 élèves suivent cet enseignement 100% immersif. Les jeunes qui pratiquent le catalan sont âgés de deux à quinze ans. Les élèves sont mélangés entre différents niveaux, afin que les plus chevronnés puissent aider les plus jeunes. « Le problème qu’on a en France, c’est qu’on enseigne les langues vivantes en français, cela ne fonctionne pas », assure Guillem Nivet, président de La Bressola. « Notre objectif, c’est que nos élèves ressortent bilingues de leur cursus. »
À La Bressola, exit les manuels scolaires. « Nous fonctionnons sur un modèle particulier de verticalité. Dans une même classe, on peut retrouver trois niveaux comme des élèves de CP, CE1 et CE2 par exemple. En plus de ça, nous travaillons par projet », explique Guillem Nivet. Chacun de ces projets regroupe en réalité plusieurs matières. Concrètement, si les élèves étudient les volcans, ils vont mobiliser à la fois l’histoire, la géographie et les sciences. Ainsi, les enseignants réadaptent les programmes scolaires de l’éducation nationale à la langue catalane. Un travail titanesque de traduction et d’interprétation pour chaque professeur.
L’enseignement du catalan comme point de départ
Un concept qui semble séduire les parents, puisque les écoles de La Bressola ne cessent de grossir leurs rangs. « Nous avons des listes d’attente qui peuvent atteindre deux ans. Nous sommes obligés de refuser des élèves tous les ans », affirme le président de l’association.
Pour Guillem Nivet, la langue catalane survit en partie grâce à l’enseignement. « Il faut que ceux qui apprennent la langue soient en capacité de parler le catalan dans la vie de tous les jours, cela passe par l’enseignement, mais ce n’est que le premier niveau », alerte-t-il. « 80% des familles de nos élèves ne sont pas catalanes. Il faut qu’ils aient la possibilité de faire vivre la langue en dehors du cursus scolaire. »
D’après Pierre Lissot, directeur de l’office public de la langue catalane, la transmission familiale n’existe plus. « Ce qu’on se doit de faire collectivement dans le département, c’est sortir le catalan de l’école, c’est-à-dire qu’il soit présent dans l’espace public, qu’il ait une utilité sociale. »
« Il y a tout un milieu catalaniste qui essaie de s’organiser autour de la préservation de la langue »
Galdric a suivi une bonne partie de sa scolarité à La Bressola : « Il y a des initiatives pour essayer de redynamiser le catalan. Il y a tout un milieu catalaniste qui essaie de s’organiser autour de la préservation de la langue. » Récemment, le centre de loisirs en catalan Omnium s’est installé rue du Théâtre à Perpignan. L’organisme, très important en Catalogne du Sud, promeut la langue catalane dans le département.
« L’investissement associatif permet au catalan de survivre. L’État n’a pas un grand intérêt pour les langues régionales. Dans les Pyrénées-Orientales, il faudrait plus d’endroits où l’on peut parler le catalan et surtout normaliser la langue pour lui donner du prestige« , explique Guillem Nivet.
Une gymnastique linguistique facilitée
Beaucoup de parents ont fait le choix d’inscrire leur enfant à la Bressola pour réparer une cassure dans la transmission du catalan au sein de leur famille. Les écoles accueillent aussi des familles originaires du Nord, du centre de la France, de Paris, et même de Bretagne. « Ce nouveau public a compris qu’il y a une réalité historique ici. Les parents ont envie que leur enfant parle plusieurs langues. La qualité de l’enseignement joue aussi, certains sont assez déçus du système de l’éducation nationale et surtout de l’enseignement des langues », souligne le président de La Bressola.
« Le français, on commence à l’apprendre en CE2 », explique Galdric. « La pédagogie est différente dans ces écoles, on essaye d’apprendre en s’amusant. Les enseignants développent beaucoup l’autonomie des enfants. » Arrivé au lycée, Galdric a suivi la filière bi-nationale Bachibac. « En ayant appris le catalan assez jeune, j’ai eu des facilités à apprendre l’espagnol. »
« Les élèves qui ont suivi un cursus bilingue, tout au long de leur scolarité, et qui passe le baccalauréat avec mention bilingue, obtiennent en plus de leur bac un diplôme C1 en catalan », explique Pierre Lissot. Cette certification permet, entre autres, d’enseigner le catalan et de rentrer à l’université sans passer d’épreuves de langue.
Le Français érigé comme langue référente ?
Au total, un peu moins de 190 établissements proposent une modalité d’enseignement du catalan. « Nous recensons une hausse du nombre d’élèves qui pratiquent le catalan, ce qui est une bonne nouvelle car nous avons une baisse au niveau du nombre d’enfants scolarisés dans les Pyrénées-Orientales », explique le directeur de l’office public de la langue catalane.
La France commence à découvrir la richesse de ses langues. « Aujourd’hui nous vivons dans un environnement exclusivement francophone. Nous avons cette fâcheuse manière de penser que, parce que l’on apprend une langue, on ne peut pas en apprendre une deuxième. Alors que 60% de la population mondiale vit dans un environnement bilingue. Nous avons une vision très centralisée des choses », poursuit Pierre Lissot.
« Ce qui me gêne, c’est quand on empêche le catalan de vivre ou qu’on le dévalue. Louis Aliot dit qu’on parle le Roussillonnais, pour nous, c’est casser le lien que l’on a avec la Catalogne. On ne peut pas interdire aux gens de parler catalan », revendique Guillem Nivet.
Selon la dernière enquête linguistique réalisée en 2015, les chiffres d’adhésion et de sympathie pour l’enseignement du catalan à l’école sont extrêmement haut pour les parents. Plus de 80% des familles résidents dans les Pyrénées-Orientales souhaitent que leurs enfants aient un enseignement du catalan à l’école.
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