Article mis à jour le 21 novembre 2019 à 15:14
Vous souvenez-vous de la France de 1975 ? A-t-elle changé par rapport à celle de 2019 ? L’INSEE s’est penché sur cette question et y répond aujourd’hui avec la publication de son « Portrait social de la France ». Un éclairage sur 40 ans d’évolution de la société française. Le premier volet évoqué dans ces lignes concernera le travail et le niveau de vie des Français. Du choc pétrolier aux Gilets Jaunes, un état des lieux de la France du « monde nouveau ».
♦ Les Français travaillent 350 heures de moins par an qu’il y a 40 ans
Progression du salariat, développement des temps partiels et baisse de la durée légale du travail (passage aux 39 heures puis aux 35 heures, et 5e semaine de congés payés) ont contribué à réduire la durée annuelle effective du travail.
Alors que les travailleurs non-salariés travaillent plus que la moyenne, leur part dans l’emploi s’est réduite de plus d’un tiers depuis 1975. À partir du milieu des années 2000, le temps de travail des non-salariés a aussi baissé, et plus particulièrement avec l’apparition du statut d’autoentrepreneur. Pour les cadres, le temps de travail reste élevé et a peu baissé, notamment du fait de l’apparition du dispositif du forfait-jours au début des années 2000.
La part du travail à temps partiel au sein du salariat a triplé en quarante ans. Quatre emplois à temps partiel sur cinq sont occupés par des femmes en 2018. Entre 1975 et 2018, la baisse de la durée annuelle effective du travail est principalement due à la diminution du temps de travail des salariés à temps complet.
♦ Travail de nuit et du dimanche, des horaires moins réguliers et plus contrôlés
Cette diminution du temps de travail s’accompagne d’horaires moins réguliers et plus contrôlés. Les horaires de travail se sont flexibilisés : le travail de nuit et plus encore le travail du dimanche se développent. Plus d’un quart des salariés (28 %) déclarent avoir travaillé le dimanche en 2016, contre 12 % en 1974. La fréquence du travail de nuit habituel s’est accrue. Un contrôle hiérarchique plus étroit de l’organisation du temps de travail est également observé.
Depuis l’avènement des plateformes du type Uber ou Deliveroo, et son lot d’autoentrepreneurs contraints, les disparités face à l’emploi sont de plus en plus évidentes. Entre ceux qui pédalent pour 4€ la course et ceux qui bénéficient des offres d’un comité d’entreprise ou le soutien d’un syndicat, les inégalités se creusent.
♦ Le niveau de vie des Français en stagnation depuis la crise de 2008
En 2008, la crise du secteur immobilier et bancaire américaine a eu des répercussions sur l’économie mondiale. Certains experts estiment que cette crise a coûté à la France, 1.541 milliards d’euros cumulés (entre 2008 et 2018). Une perte calculée par rapport à l’évolution du PIB avant et après la crise de 2008.
C’est aussi ce que constate l’INSEE avec la conséquence logique de cette crise sur le pouvoir d’achat des Français. Si le niveau de vie médian a augmenté de 56% en 40 ans, cette hausse était quasi discontinue de 1975 au milieu des années 2000. Mais depuis 2008, le niveau de vie stagne.
Il n’y a qu’un pas à franchir pour y voir l’un des éléments constitutifs de la crise des Gilets Jaunes. Ces derniers constatant la stagnation de leur pouvoir d’achat ont fini par dire « stop » quand le nouveau gouvernement a instauré la taxe sur les carburants.
♦ Les prestations sociales, amortisseur de la baisse du niveau de vie des Français
L’INSEE observe également que les prestations sociales ont joué le rôle d’amortisseur. Un amortisseur qui a permis de franchir la crise économique avec une casse sociale mesurée. Une casse bien plus importante chez nos pays voisins européens (Espagne, Portugal, Italie…). Ces dispositifs sont aussi ceux qui ont grévé la capacité de rebondissement de l’économie française.
Les inégalités de niveau de vie après redistribution (y compris les prestations sociales et après prélèvements directs) se situent en 2016 à un niveau sensiblement inférieur à celui de 1975. Elles ont diminué jusqu’au milieu des années 1990 puis sont demeurées globalement stables jusqu’à la crise de 2008. Après 2008, les transferts socio-fiscaux ont compensé la hausse des inégalités de niveau de vie avant redistribution.
♦ Les Français pessimistes sur leur futur niveau de vie
En quarante ans, le regard des Français sur leur propre niveau de vie s’est considérablement assombri, notamment au début des années 1980. Si en 1979, 46 % d’entre eux estimaient que leur niveau de vie personnel s’était amélioré « depuis une dizaine d’années », seuls 24 % pensent de même en 2019.
La perception qu’ont les individus des évolutions de leur niveau de vie coïncide fortement avec la situation mesurée au travers des indicateurs macroéconomiques, et notamment de la croissance économique.
En 1979 comme en 2019, un peu plus de la moitié des Français déclaraient s’imposer régulièrement des restrictions sur certains postes de leur budget. Cette proportion est restée stable au cours des quarante dernières années. Le nombre de privations chez les personnes ayant le sentiment de se restreindre est en augmentation.
En 1979, seules 3 % des personnes interrogées déclaraient limiter leurs dépenses de soins médicaux contre 21 % en 2019 ; de même, 10 % estimaient devoir se restreindre sur leur alimentation en 1979, contre 29 % en 2019.
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