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Concertation sur la future prison à Rivesaltes : faible participation pour un projet « globalement bien accepté »

Nouvelle prison à Rivesaltes : ce que révèle le bilan de la concertation

Ce 20 juillet 2025, la préfecture a reçu le bilan de la concertation sur le futur « Centre de détention de La Garrigue », prévu à Rivesaltes d’ici fin 2027. En effet, avec une surpopulation endémique, la seule prison du département est sous-dimensionnée et vétuste. Située au nord de Perpignan, à Rivesaltes, cette nouvelle prison comptera 515 places dédiées aux longues peines pour détenus hommes. Des travaux dotés d’une enveloppe budgétaire de 173 M€. Image de synthèse © APIJ.

Pour ce type de projet urbanistique d’ampleur, la population doit être informée et consultée via un processus bien rodé. Désigné garant de cette consultation, Jean-Pierre Wolff a rendu public son bilan ce 20 juillet. Un document de 89 pages, consultable sur le site de la préfecture. Malgré une grande curiosité du public, le rapporteur estime « faible » la participation via cette concertation.

Selon Jean-Pierre Wolff, le projet d’implantation d’une prison dans l’agglomération de Perpignan est globalement bien accepté. « Le garant, qui a participé à plusieurs réunions toujours houleuses sur des projets de prison, a été très surpris par des échanges fort policés entre les personnes ayant pris la parole et l’APIJ (Agence publique pour l’immobilier de la justice). »

La contestation portée par la Cave Arnaud de Villeneuve traitée par la négociation 

En 2021, lors du lancement des études d’implantation de la nouvelle prison à Rivesaltes, les vignerons de la Cave Arnaud de Villeneuve étaient dans une opposition frontale. Désormais, Jean-Pierre Wolff précise : « La Cave Arnaud de Villeneuve a négocié pour atténuer le préjudice lié à l’installation de la future prison. Le monde viticole, qui était le plus remonté et quasiment le seul à s’opposer au projet, a fini par l’accepter. » Source de contentieux, un chemin rural utilisé par les viticulteurs pour amener leur récolte à la coopérative. Le rapporteur précise que ce chemin va être déplacé, car il se trouve aujourd’hui en plein milieu de la future enceinte.

Si les coopérateurs semblent avoir accepté le principe du projet carcéral, le président de la Cave Arnaud de Villeneuve a pris la parole lors de la réunion publique du 26 mai 2025. « Il a rappelé l’historique de cette opposition et son évolution. D’un conflit majeur, les acteurs ont cherché des solutions de cohabitation. Toutefois, le président de la cave coopérative a toujours des craintes sur la sécurisation de son outil de production et il attend de voir maintenant de ce qu’il en sera, lorsque la prison sera ouverte. »

Il faut plus de compensation pour les espèces menacées par la nouvelle prison de Rivesaltes

Selon le bureau d’études qui accompagne l’Apij sur le volet environnemental, « les espèces faunistiques protégées, au nombre de 66, constituent l’enjeu de conservation le plus important, tant par leur habitat pérenne sur le site que par leur présence temporaire au moment de la nidification et de la reproduction. » Dans son rapport de plus de 400 pages remis au préfet fin 2024, Eco-Méd (écologie et médiation) précise qu’il y a deux espèces avec un enjeu de préservation plus fort. L’outarde canepetière (Tetrax tetrax), figure en effet sur la Liste rouge mondiale des espèces menacées. Et le lézard ocellé (Timon lepidus) est un reptile protégé. Selon Jean-Pierre Wolff, l’outarde (oiseau de 40 à 45 cm et qui pèse moins d’un kilo) « exige des espaces humides mais surtout ouverts pour survivre. »

L’outarde canepetière © Pierre Dalous via Wiki Commons.

Pour le rapporteur, dans les faits, si les travaux d’ampleur ne peuvent se faire sans dommages à la faune ou la flore, il est nécessaire de les compenser via des dispositifs et notamment de nouvelles zones de vie pour les espèces impactées.

« Avec la construction du centre pénitentiaire, la réalisation de la zone d’activités du Mas de la Garrigue Nord et la plantation d’écrans végétaux, des barrières vont morceler et cloisonner cet environnement ouvert qui deviendra, très vite, préjudiciable au maintien de l’outarde canepetière, dans cette zone encore ouverte », rappelle le rapporteur.

Mais selon le GOR, Groupe ornithologique du Roussillon, le compte n’y est pas. Dans son avis négatif annexé au rapport, l’association de protection de la faune sauvage des Pyrénées-Orientales, considère « qu’il y a un déficit considérable entre les sites impactés, tant en surface qu’en équivalence écologique, puisque seules 3 des 58 espèces citées à enjeux font l’objet de mesures compensatoires, qui plus est, concernant l’outarde, sur des emplacements non favorables. » Le rapporteur recommande à l’Apij « d’améliorer » et « d’approfondir » la recherche de mesures compensatoires pour les espèces menacées, en particulier l’outarde ».

Un changement de dénomination pour ne pas réveiller le passé du camp de Rivesaltes 

Si ce second centre pénitentiaire pour les Pyrénées-Orientales doit voir le jour en 2027, il ne devrait pas être équipé de miradors, ni de filins comme la prison de Perpignan. Mais il est d’ores et déjà acté que la dénomination de cette nouvelle prison sera « Centre de détention de La Garrigue ». Il s’agit d’éviter de raviver les mémoires du camp Joffre de Rivesaltes. Pour rappel, de 1939 à 2007, le camp militaire a été utilisé comme centre d’enfermement pour des dizaines de milliers de personnes dans le cadre de plusieurs conflits.

Pour rappel, la nouvelle prison de Rivesaltes s’inscrit dans le cadre du plan 15 000 places de prison. Un projet censé résorber les problèmes de surpopulation carcérale en France. L’établissement de Rivesaltes est le cinquième prévu à l’échelle de la région Occitanie. Le centre pénitentiaire de Perpignan, régulièrement décrié pour sa vétusté et la surpopulation endémique, a été construit en 1987 et comptabilise 333 cellules dans le centre de détention (dédié aux peines de plus deux ans), 132 places pour la maison d’arrêt pour hommes et 28 pour les femmes. Or, ces deux blocs de la prison affichent régulièrement des taux d’occupation supérieurs à 200%, en clair, la totalité des cellules sont doublées, et une centaine de détenus dort sur des matelas au sol.

Mais, selon les syndicats, si elle est nécessaire, la nouvelle prison pour les Pyrénées-Orientales, ne réglera pas à elle seule les problèmes de surpopulation. Même si les 330 détenus pour longues peines du centre Mailloles étaient tous transférés sur Rivesaltes, «très rapidement, les cellules ainsi libérées seraient redoublées, et ces 330 places seront vite comblées», confiait Gérald Taillefer, secrétaire local Force ouvrière personnel pénitentiaire. Même constat du côté de la contrôleuse des prisons, «plus on construit, plus on remplit».

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