Article mis à jour le 20 novembre 2020 à 01:39
Déclarée comme une priorité pour le gouvernement, le Premier ministre et la Ministre du droit des femmes Marlène Schiappa ont demandé aux préfets de lancer une grande concertation. Le « Grenelle des violences conjugales ». Une consultation destinée à bâtir « un plan ambitieux pour améliorer la lutte contre les violences faites aux femmes ». Tel a été le propos introductif du Préfet des Pyrénées-Orientales.
De cette concertation menée localement depuis le 3 septembre, 17 propositions remonteront au gouvernement. Mais, en y regardant de plus près, ces suggestions ressemblent plus un recueil de mesures déjà en place, ou sur le point de l’être. Des mesures qui vont tout de même dans le sens d’une mise à plat des dispositifs existants. Un aménagement nécessaire pour une coordination accrue, une plus grande efficacité, et une meilleure lisibilité pour les victimes.
Pour rappel, en 2018, ce sont pas moins de 387 dossiers de violences faites aux femmes enregistrés en zone police. Le Délégué départemental de la sécurité publique (DDSP), Jean-Marc Rebillat, d’indiquer que sur le début 2019, ce chiffre était en hausse de 12 dossiers.
♦ Gendarmerie et police – Fin des mains courantes et prise en compte spécifique
Depuis 2014, selon le Procureur de la République Jean-Jacques Fagni, la procédure de la main courante est devenue l’exception. Elles seront très prochainement totalement exclues dans le cadre des violences intra-familiales. La main courante pour la police, ou le procès-verbal de recueil judiciaire en gendarmerie, n’était utilisée qu’en cas de refus de dépôt de plainte par la victime. Ces dispositifs seront désormais remplacés par une audition systématique. Dans les commissariats et dès la semaine prochaine, sera mis en place « un circuit court ». Il permettra à la victime d’être entendue par l’unité de protection de la famille, unité spécialisée dans les différends au sein de la famille.
Dans les gendarmeries, le commandant à la tête du groupement des Pyrénées-Orientales, Guillaume Poumeau de Lafforest, insiste sur les procédures déjà en place. Une méthodologie, une organisation, une logique partenariale et une capacité d’innovation spécifiques aux violences conjugales.
« Les enquêteurs disposent d’un cadre avec des types de questions bien précises à poser à une femme. Aucun enquêteur n’est lâché devant ce type de situation. En gendarmerie, on dit qu’il y a toujours un HIC dans ces situations. Le HIC étant l’acronyme de situation Humaine, Intime et toujours Complexe. »
♦ Dispositifs et mesures d’urgences pour les violences conjugales
Selon le Préfet des Pyrénées-Orientales Philippe Chopin, le Grenelle lancé en septembre a permis « de mettre un coup d’accélérateur pour aller plus loin et pouvoir répondre à la très forte volonté et implication gouvernementale ». Ainsi, dans le département, un lieu d’accueil en partenariat avec l’AFED* a été créé avec 5 places dédiées et pérennes. Le lieu, tenu secret pour des raisons de sécurité, permet de mettre à l’abri des femmes en cas d’extrême urgence.
De plus, Jean-Michel Fedon, responsable de la direction départementale de la cohésion sociale, annonçait que 10 places supplémentaires d’urgence hivernales fléchées pour les femmes victimes de violences conjugales étaient désormais disponibles. Au-delà de ces dispositifs, le Procureur, le Préfet et Jean-Michel Fedon insistaient sur la nécessaire souplesse des dispositifs pour répondre au cas par cas aux situations d’urgence.
Jean-Michel Fedon : « Dans notre département, quand tout est complet, les consignes sont de privilégier les femmes victimes par rapport à d’autres types de public pourtant porteur de droit. On est obligé de faire des choix…. Mais les consignes sont claires, une femme victime de violences conjugales, on la prend ! Même si le souhait est de pouvoir augmenter le dispositif au niveau du nombre de places d’accueil ».
Philippe Chopin de relancer, « on ne laisse jamais une femme à la rue ! Il y a aussi le dispositif des chambres d’hôtel financé par l’impôt, mais tout le monde n’est pas demandeur d’hébergement ». Selon le Procureur, bien souvent, le milieu familial pourvoit à l’urgence, et les personnes sont accueillies au sein de la famille ou chez des proches.
♦ Unique en France, la Cellule perpignanaise de recueil et de traitements des informations préoccupantes
Depuis 2014, et à l’initiative d’une magistrate du parquet de Perpignan, a été lancée une cellule unique en France. Elle réunit tous les mois les services de police et de gendarmerie, un magistrat dédié, les associations et le conseil départemental. De l’avis de tous les intervenants, cette cellule est d’une grande efficacité. De fait, l’une des 17 propositions remontées au gouvernement est de la généraliser à l’ensemble du territoire. Pour la déléguée départementale aux droits des femmes, Pascaline Robert-Clément, cette cellule est particulièrement efficiente. Notamment grâce à la quantité restreinte des intervenants et à la régularité des réunions.
Le Procureur de rappeler l’autre vocation de cette cellule. Celle de croiser un certain nombre de renseignements pour traiter et anticiper au mieux les affaires. Mais aussi prendre des mesures préventives. Et notamment lorsque les personnes sollicitent l’octroi du téléphone « grave danger » (TGD).
Pour information, notre département est doté de 4 téléphones « grave danger ». Deux de ces appareils sont actuellement utilisés par des femmes dont l’intégrité physique ou la vie sont menacées.
Pour rappel, le TGD est un téléphone portable muni à l’arrière d’un bouton d’urgence spécial. Cet appareil permet à la fois de joindre directement une plateforme d’assistance dédiée et d’être immédiatement géolocalisé. En cas de menace, la personne protégée peut contacter cet opérateur. Il demandera alors aux forces de police ou de gendarmerie d’intervenir immédiatement à l’endroit où elle se trouve.
♦ Recueillir l’adhésion et le consentement de la victime de violences conjugales
De l’avis général des acteurs présents à la conférence de presse, l’un des enjeux, outre la mise à l’abri de la femme victime, est le recueil de son adhésion. Le directeur départemental de la sécurité publique, Jean-Marie Rebouillat d’insister :
« Il nous faut emporter le combat de la conviction. C’est-à-dire que, même s’il est possible d’initier des procédures sans dépôt de plainte de la victime, il est nécessaire d’avoir son adhésion à la démarche. Car il s’agit d’un processus long, difficile et souvent douloureux. Et on peut difficilement arriver à des résultats sans l’implication de la victime sur tout le long du process ».
En l’absence de plainte, les preuves, et notamment les traces de coups, n’étaient pas ou peu constatées par les services de la médecine légale. Et sans preuves matérielles, les procédures sont plus complexes. Désormais, il sera possible de recueillir des preuves, photos, certificats médicaux et de les conserver durant un délai raisonnable. Ce laps de temps permet à la victime de violences conjugales d’entamer le processus psychologique qui va lui permettre de déposer plainte. Bien après que les traces des coups portés aient disparu, elle sera donc en possession de preuves qui pourront étayer son dossier.
*AFED, association d’aide aux femmes et aux enfants victimes défavorisés.
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