Article mis à jour le 31 octobre 2023 à 18:01
Ce 29 octobre, le ministère des Armées a lancé une étude afin de localiser le cimetière où seraient enterrées les dépouilles de plusieurs centaines de Harkis décédés lors de leur passage au camp de Rivesaltes.
Une géolocalisation menée par les archéologues qui débutera en mars 2024 et basée en partie sur les recherches des historiens, Abderahmen Moumen et Nicolas Lebourg, publiées aux éditions Trabucaire. Céline Sala-Pons, directrice du Mémorial de Rivesaltes, se félicite de cette décision qui marque les prémices de la reconnaissance et la réparation des préjudices subis par les Harkis.
Des cimetières «perdus» dans les 612 hectares du camp de Rivesaltes
Selon Nicolas Lebourg, le camp fonctionnait comme une ville, presque en totale autonomie du reste des collectivités des Pyrénées-Orientales. En différents points du camp, les recherches ont mis à jour plusieurs cimetières correspondants à chacune des phases d’internement. Céline Sala-Pons confirme qu’entre 50 à 60 enfants harkis seraient enterrés sur une zone de l’ancien camp. Selon les archives, le cimetière « perdu » serait hors du périmètre du mémorial mais sur une zone non-militarisée. À partir du mois de mars 2024, les équipes de l’Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap) vont réaliser des carottages pour mettre à jour ces sépultures et permettre aux familles d’entreprendre un nécessaire processus de deuil.
C’est lors de ses recherches qu’Abderahmen Moumen a mis à jour l’existence de coordonnées exactes du cimetière où étaient enterrées ces personnes. «Selon un courrier du 10 septembre 1981 du maire de Rivesaltes, le cimetière se trouverait aux coordonnées suivantes : Coord. 89/38246.»
Une sépulture digne et un nécessaire travail de mémoire
Lors de la mise à jour des ossements de 27 enfants dans le camp de Saint-Maurice-l’Ardoise, l’écrivaine Houria Delourme-Bentayeb et l’historienne Fatima Besnaci-Lancou, ont signé une tribune publiée dans le monde. Un texte pour interpeller le chef de l’État. «Nous vous demandons de bien vouloir annoncer, de manière aussi solennelle, la découverte de ces corps et votre engagement à dégager les moyens nécessaires à la découverte et à l’identification des restes d’enfants, à la prise en charge de leur restitution aux familles et à leur inhumation dans des conditions dignes en fonction du choix de celles-ci, ainsi que la poursuite des recherches de cimetières sauvages, dont l’existence est désormais attestée, dans les autres camps de harkis.» Pour rappel, Fatima Besnaci-Lancou est également membre du conseil scientifique du Mémorial de Rivesaltes.
Patricia Miralles, secrétaire d’État auprès du ministre des Armées, chargée des Anciens combattants et de la Mémoire, lance une opération de fouilles sur le camp de Rivesaltes. La ministre déclarait, «le camp de Rivesaltes a accueilli près de 21.000 Harkis et leurs familles entre 1962 et 1964, dans des conditions indignes. Il fait partie des sites donnant droit à une réparation dans le cadre de la loi du 23 février 2022 portant reconnaissance de la Nation envers les Harkis, voulue par le président de la République.»
Combien de Harkis au camp de Rivesaltes ?
Les études menées par Abderahmen Moumen et Nicolas Lebourg éclairent sur le nombre de Harkis internés à Rivesaltes, mais aussi sur leurs conditions de vie, le nombre de décès et les pratiques quant à leur inhumation.
Selon « Rivesaltes, le camp de la France de 1939 à nos jours », le 12 octobre 1962, les premières familles, environ 250 hommes, 60 femmes et 120 enfants, en provenance du camp de réfugiés de Tefeschoun (Algérie) et via Marseille, arrivent en gare de Rivesaltes, puis sont dirigées vers le camp de Rivesaltes. Ce sont ensuite près de 4.500 personnes, d’abord internées au camp de Bourg-Lastic (Puy-de-Dôme), qui arrivent. Selon les archives, plusieurs centaines de Harkis accompagnés de leurs familles débarquent directement à Port-Vendres.
«Le 23 octobre 1962, le camp de Rivesaltes compte 9.620 personnes dont 4.660 enfants, 1.910 femmes et 3.050 hommes. (…) Rivesaltes devient très rapidement l’épicentre des structures d’accueil mises en place par les pouvoirs publics, la « capitale des Harkis » en accueillant le plus grand nombre de supplétifs, et membres de leurs familles.» Au total, entre 1962 et 1964, 21.000 Harkis sont passés par le camp de Rivesaltes.
Les conditions indignes du camp de Rivesaltes
Ces milliers de personnes qualifiées de «musulmans rapatriés » par les autorités de l’époque ne bénéficient pas du statut protecteur de réfugiés. Plusieurs rapports montrent des conditions d’accueil déplorables. « Le 15 octobre 1962, il pleuvait sur la région de Perpignan. Tous les harkis, 9.000, sont sous des tentes, le camp est boueux, l’eau coule sous les tentes.» Avec ces conditions de vie rudes, se développent les problèmes sanitaires et plusieurs cas de tuberculose sont détectés ; 136 personnes trouveront la mort entre juillet 1962 et 1964. Les historiens ont pu compiler et publier le nombre et l’âge des décès sur cette période. Les registres font état d’une majorité de décès d’enfants de moins de 2 ans, mais aussi d’enfants entre 2 et 16 ans et sans oublier les personnes âgées.
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