Article mis à jour le 19 septembre 2023 à 16:31
Pour bien entamer la rentrée, l’Institut Jean Vigo diffusera le 11 septembre prochain Salvador Allende, le documentaire de Patricio Guzmán sorti en 2004. Pour cette séance en plein air, Fabrice Parisot, professeur de langue et de civilisation espagnole, ainsi que Jacques Bidou, producteur du film, seront présents. Ce dernier s’est livré avec passion et a accepté de répondre à nos questions. Photos © JBA Production.
Jacques Bidou, un producteur engagé
Intarissable, Jacques Bidou évoque avec enthousiasme les moments forts de sa vie. « Je suis d’une génération très marquée par le politique » confesse immédiatement celui qui était déjà adulte en 1968. À l’autre bout du téléphone, le récit du producteur trahit une forte envie de transmission. Les films produits sont d’ailleurs pour lui une façon de raconter l’Histoire aux générations qui en sont éloignées.
Jacques Bidou s’est engagé politiquement de façon active dès la fin de ses études et pendant une quinzaine d’années. « Cela a beaucoup marqué ma vie », admet-il. Une envie de militer pour « changer les choses ». Le producteur a également travaillé pour le PCF, une collaboration qui l’amènera régulièrement sur le terrain, dont celui de la Catalogne.
« J’ai donné de grands coups de main pendant la lutte anti-franquiste, envoyé du matériel, des techniciens. J’ai été très actif et engagé en Catalogne, mais aussi très actif en Angola, au Mozambique… Dans toute une série de lieux où il y avait, à l’époque, besoin de soutien à ces mouvements qui essayaient désespérément de sortir du colonialisme et qui menaient des guerres difficiles ».
« J’ai eu une action politique et militante avant de devenir producteur, ce qui m’a marqué doublement », poursuit-il. Une formation qui l’a détaché du cinéma purement fonctionnel. Jacques Bidou vient tout juste de rejoindre le Conseil d’Administration de l’Institut Jean Vigo, un lieu qui lui tient particulièrement à cœur puisqu’il dispose des copies des films de JBA Production.
« Nous ne produisons jamais de cinéastes d’un pays sur un autre pays, mais toujours avec des regards de l’intérieur »
La société de production JBA Production, qui existe depuis 1987, compte à son actif 135 films dont 45 longs-métrages pour le cinéma. Depuis plus de 30 ans, l’engagement de Jacques Bidou est d’apporter son soutien aux populations qui en ont besoin dans leurs actions.
Si la moitié des films soutenus ont été des premières œuvres – « une chose qui me passionne particulièrement », confesse-t-il – aucun long-métrage français n’a été produit, des documentaires en revanche bon nombre. Car le producteur veut « un cinéma du monde ». « Nous ne produisons jamais de cinéastes d’un pays sur un autre pays, mais toujours avec des regards de l’intérieur ».
Depuis plus de 15 ans, la société ne comporte plus que deux membres : Jacques Bidou et Marianne Dumoulin, un vrai choix pour le producteur. « On ne fait pas dans le militant, on fait dans le cinéma engagé mais à condition qu’il y ait des écritures, des cinéastes derrière, de vrais actes cinématographiques. On n’est pas dans le démonstratif, on veut donner la parole à des cinéastes qui ont du talent », précise-t-il. Avant d’insister sur le fait que Marianne Dumoulin est exactement au même niveau que lui, et que le « machisme de ce métier est une horreur ». « C’est extrêmement important d’être deux », conclut-il.
Un attachement à la Catalogne et à Perpignan
D’origine normande, le septuagénaire a parcouru le monde mais c’est en Catalogne qu’il a choisi de s’installer. Jacques Bidou y passait toutes ses vacances après la mort de Franco, il y posera définitivement ses valises pour rejoindre ses anciens camarades de lutte devenus ses amis. « J’ai un lien complètement politique avec la Catalogne ».
Cette vie à Sant Climent lui permet d’être assez proche de Perpignan, une ville « point de chute » d’un point de vue politique et culturel.
Salvador Allende : l’histoire de l’Histoire
Au fil de l’entretien émerge Allende, un personnage important de l’Histoire et qui a marqué sa génération selon le producteur. « Un leader qui avait enfin une vision très démocratique de la conquête du pouvoir pour instaurer le socialisme, ce qui était incroyablement audacieux et très très chargé d’espoir pour tout le monde ».
Ce film fut construit grâce aux archives de Patricio Guzmán qui avait filmé l’expérience de l’intérieur. Des prises de vues qui donneront naissance à La Bataille du Chili, une œuvre majeure du cinéma politique. Patricio Guzmán, véritable témoin de l’Histoire, était totalement impliqué. Jacques Bidou de nous rappeler que les Etats-Unis voulaient éliminer Salvador Allende car il se montrait « dangereux pour les intérêts américains dans le monde ».
Le producteur confie également que ce film a été compliqué à produire, notamment d’un point de vue financier. Du temps s’est écoulé avant de réunir tous les partenaires nécessaires. Mais les financements ont permis de payer les archives – à leur juste valeur – au réalisateur.
Cet acharnement n’a pas été vain puisque Salvador Allende a été présenté en sélection officielle au festival de Cannes et a fait 130.000 entrées en France. Un chiffre plus qu’honorable pour un documentaire à l’époque.
Pourquoi une projection le 11 septembre ?
Diffuser ce film documentaire un 11 septembre n’est pas le fruit du hasard. Les plus jeunes penseront d’abord aux attentats du World Trace Center de 2001 et les habitants de Catalogne feront immédiatement le lien avec leur fête nationale, La Diada. Mais le 11 septembre marque aussi la date du suicide de Salvador Allende, le jour du coup d’Etat de Pinochet, son successeur. Ce 11 septembre 2023 commémorera le 50e anniversaire de la mort d’Allende.
Même si le film date de 2004, « il est toujours d’actualité », rappelle Jacques Bidou. Salvador Allende, « film unique et indémodable », est toujours diffusé aujourd’hui et même loué « une à deux fois par mois ». Le passeur de témoin espère qu’en parler donnera envie à la jeune génération de s’intéresser un peu plus à l’Histoire. Car « l’effacement de la Mémoire est grave », déplore-t-il.
« L’histoire d’Allende résonne encore aujourd’hui : empêcher les expériences originales, démocratiques, et qui ne soient pas dans le giron « américain » a été quelque chose de systématique ».
- Comment les professionnels ont-ils perçu la saison touristique 2024 en Occitanie ? - 18 novembre 2024
- Pyrénées-Orientales : Eus, la capitale de l’agrume et du soleil - 17 novembre 2024
- Idées cadeaux : En quelques clics, l’artisanat des Pyrénées-Orientales s’invite pour Noël - 15 novembre 2024