Article mis à jour le 28 août 2023 à 13:13
Ce 22 août 2023, le tribunal administratif a rendu sa décision sur la requête déposée, notamment, par l’Observatoire Internationale des Prisons à l’encontre du centre pénitentiaire de Perpignan et des conditions de détentions indignes rendues publiques par le rapport du CGLPL*.
Si la juge des référés a refusé de donner suite au «stop écrou», elle a en revanche ordonné que soit diligentée une enquête interne sur le comportement des surveillants du quartier disciplinaire du centre pénitentiaire de Perpignan. Si l’avocat de l’OIP se dit satisfait sur ce point, Maître Quinquis indique vouloir faire appel du refus d’enjoindre l’administration pénitentiaire à suspendre toute nouvelle incarcération. Lire ou relire notre interview de l’avocat de l’OIP.
Après le séisme provoqué par la publication du rapport du CGLPL, les déclarations de Dominique Simonnot et le rapport d’urgence n’en finissent pas de générer des secousses. Après la requête devant le tribunal de Montpellier à l’encontre de l’administration pénitentiaire et en particulier le centre de détention de Perpignan, c’est désormais une nouvelle enquête, interne cette fois-ci, qui est ordonnée par la juge des référés.
La juge rejette le «Stop écrou» pour la prison de Perpignan
Le tribunal administratif de Montpellier a rejeté mardi la demande de deux associations de suspendre les incarcérations de nouveaux détenus au centre pénitentiaire de Perpignan, tout en ordonnant l’amélioration des conditions de détention. Selon la juge, l’administration pénitentiaire ne dispose d’aucun pouvoir de décision en matière de mises sous écrou, lesquelles relèvent exclusivement de l’autorité judiciaire. La juge indique également que le centre pénitentiaire de Perpignan, et plus largement la direction régionale d’Occitanie, ont déjà alerté «les autorités judiciaires sur la situation de surpopulation carcérale et des conséquences d’un tel surencombrement sur la dignité des personnes détenues hébergées.»
Pour justifier de son refus d’ordonner la mesure du «stop écrou», le tribunal de Montpellier rappelle les données fournies par l’administration pénitentiaire pour la prison de Perpignan. «Sur les 1.202 dossiers examinés par la commission d’application des peines au centre pénitentiaire de Perpignan, 79,8 % des dossiers ont donné lieu à des réductions supplémentaires de peine.»
«Le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a confirmé le caractère indigne des conditions de détention au centre pénitentiaire de Perpignan et ordonné au ministre de la Justice d’engager plusieurs mesures pour préserver les droits des personnes détenues. Il refuse toutefois de prendre toutes ses responsabilités et d’ordonner la suspension des affectations dans l’établissement», a réagi l’Observatoire international des prisons (OIP) dans un communiqué.
Le tribunal ordonne plusieurs mesures pour faire «cesser tout danger pour la sécurité des personnes détenues»
Dans sa décision, le tribunal souligne notamment qu’à la date de la visite de la CGLPL, en avril, l’espace personnel des détenus au sein du quartier maison d’arrêt hommes était de 0,84 m2 pour les cellules «triplées», inférieur «au seuil de 3 m2 défini par la Cour Européenne des Droits de l’Homme». En France, le nombre de détenus a atteint un nouveau record historique, avec 74.513 personnes incarcérées au 1er juillet. Une surpopulation chronique qui a valu au pays une nouvelle condamnation de la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) le 6 juillet.
Parmi les 35 injonctions présentées au tribunal, le tribunal a ordonné des mesures urgentes pour «améliorer les conditions matérielles d’accueil» avec notamment l’élimination des punaises de lit, l’aménagement de la cour de promenade, la distribution de kits d’hygiène ou encore la prévention des risques d’incendie. Toutefois, pour nombre de requêtes, la juge a considéré l’administration avait apporté la preuve que nombre d’entre elles étaient déjà mises en place ou prévues.
Pour le syndicat, les témoignages des détenus de Perpignan ne peuvent constituer «des preuves irréfutables»
Les recommandations urgentes de la contrôleuse des prisons de juillet 2023 faisaient état d’un recours à la force et des moyens de contrainte en détention non tracés, mais aussi un recours aux menottes systématique dans le quartier disciplinaire de Perpignan. Se basant sur les témoignages des détenus, le CGPL dénonçait une mise en quartier disciplinaire systématique en cas de refus de réintégrer. Alors même que ces refus sont, selon le rapporteur, «destinés à protester contre l’indignité de leurs conditions de détention ou les risques encourus d’atteinte à l’intégrité physique.» «Pour la première fois dans la jurisprudence, le juge des référés a sévèrement apprécié les mauvais traitements infligés par les personnels pénitentiaires au quartier disciplinaire, privation de douches, de nourritures, brimades, etc.», a réagi l’OIP.
Si l’OIP se dit satisfait par cette demande d’enquête, le discours est tout autre du côté syndical. Le secrétaire départemental de l’Ufap-Unsa Justice diffusait ce 24 août un tract de soutien «sans faille» aux surveillants du quartier disciplinaire de Perpignan. Pour Pierre Grousset, «le quartier disciplinaire et d’isolement représente l’un des défis les plus ardus dans la gestion carcérale. Les détenus présents dans ces quartiers sont souvent sanctionnés pour des comportements tels que des agressions, des insultes envers le personnel, ainsi que des trafics illicites. En outre, le quartier d’isolement abrite des détenus dangereux, susceptibles de mettre en péril leur propre sécurité, celle des autres détenus et du personnel.» Pour le syndicaliste, les témoignages des détenus ne peuvent constituer «des preuves irréfutables».
*CGLPL, contrôleur générateur des lieux de privation de liberté.
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