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Nocturnes du Palais à Perpignan : deux siècles séparent ce même procès

La justice d’hier et d’aujourd’hui mise en scène lors des Nocturnes du Palais de Perpignan 

Article mis à jour le 12 octobre 2023 à 22:29

Le samedi 14 octobre, le Tribunal de Perpignan accueille un public un peu inhabituel. Celui venu assister aux Nocturnes du Palais, un évènement durant lequel des comédiens rejouent deux procès. Cette 4e édition met en scène l’évolution de la justice de 1842 à 2023.

Dans les deux cas, les faits sont identiques : une jeune femme accuse un homme de l’avoir violée. Mais qu’en sera-t-il du verdict ? Les reconstitutions sont plus que réelles, les comédiens vêtus en costume d’époque interprètent les minutes* du procès conservé dans les archives départementales.

La place et l’image de la femme en 1841 au cœur de ces Nocturnes du Palais

Le premier procès rejoué est celui de 1842. La jeune Marie Soula accuse Hippolyte Andreu, de l’avoir violée au cours des vendanges l’année précédente. Le trentenaire comparaît libre devant la Cour. Quant à la jeune Marie Soula, elle semble désemparée face à son agresseur.

La journaliste Joséphine Perrot, déambule dans la salle d’audience et permet de contextualiser l’affaire. Elle rappelle qu’avec le sacre du roi Louis-Philippe en juillet 1830 et la réforme du Code Napoléon, la loi a un peu évolué, mais que cela n’est pas suffisant. « J’ai acquis la conviction que nous autres les femmes on n’était vraiment pas des sujets de droit comme les autres ». Mais surtout, la journaliste fait bien remarquer que la seule femme présente devant la Cour est Marie Soula, la victime. « Et oui ! C’est bien la réalité de notre justice en 1842… cela fait déjà 53 ans qu’on a fait la Révolution en France, mais les rois sont de retour et on est encore bien loin d’être tous égaux ! ».

À cette époque, les femmes ne peuvent être ni avocate ni juge. Joséphine Perrot déclame, « Moi je crois que j’aurais fait une bonne avocate, et je me serai battue pour Marie et les autres femmes victimes ». Accusée de mentir, la jeune Marie Soula semble bien seule dans cette situation. Seul son avocat la soutient.

Une reconstitution en 2023 pour répondre à la demande du public

En 2022, les Nocturnes du Palais avaient remporté un franc succès auprès du public en mettant en scène l’affaire opposant Marie Soula à Hyppolyte Andreu. Cette année encore, les deux séances proposées sont d’ores et déjà complètes. Une nouveauté a cependant vu le jour. En effet, les comédiens joueront une reconstitution moderne de l’affaire. Pour Pierre Viard, président du Tribunal de Perpignan cela permet « de voir la comparaison, l’évolution, à la fois sur les professions judiciaires et puis sur la procédure ».

L’année précédente, le public avait eu l’opportunité de poser des questions au procureur, au bâtonnier et au président du Tribunal. Cette année encore, les acteurs de la justice seront présents pour répondre aux questions du public et expliciter les nouveautés procédurales. Et notamment la Cour criminelle départementale. Pierre Viard nous confie qu’un « viol classique** est passible de la cour criminelle » puisque celle-ci juge les personnes accusées de crimes punis entre 15 à 20 ans de prison.

Parmi les acteurs de la justice présents en 2023, Adeline Boudry, vice-présidente au Tribunal de Perpignan, Jean-David Cavaillé, procureur de la République, Jacques Malavialle, bâtonnier de l’ordre des avocats du barreau des Pyrénées-Orientales, Hélène Castello Picard, vice-bâtonnière de cet ordre et Marie Landelle, directrice des archives départementales des Pyrénées-Orientales.

L’évolution de la justice : une réalité bien relatée

Le président du Tribunal de Perpignan précise que la première affaire est « totalement historique ». Certains textes ont même été repris des archives. En revanche, la deuxième affaire, n’est pas réelle, mais relativement proche de ce qu’il se passe aujourd’hui. Pierre Viard précise qu’elle a été réalisée pour « montrer que certaines choses n’ont pas évolué, comme le comportement humain, mais que procéduralement et techniquement il y a d’autres outils ».

Cette version 2023 du procès est utile pour montrer que « la place de la victime est un petit plus aisée à assumer » confie Pierre Viard. Ces évènements au Tribunal sont l’occasion « d’ouvrir les portes avec un aspect un peu plus ludique et artistique qui en facilite l’approche ».

Cette fois le journaliste, Emilien Maubert, qui prend la parole avant le faux procès, se veut plus encourageant « Depuis le 1er décembre 1900 les femmes sont admises à prêter le serment de la profession d’avocat. Depuis le 11 avril 1946 une loi permet à l’un et l’autre sexe de rendre la justice, et donc devenir juge. Aujourd’hui  il y a d’ailleurs 70 % de femmes sur les 9.000 magistrats exerçant en France. Depuis le 1er janvier 2023 la cour d’assises a été remplacée pour certains crimes dont les crimes de viol par la Cour criminelle départementale : pour ces crimes, exit, les jurés qui sont remplacés par quatre juges professionnels autour du président. »

Il ajoute également que la victime peut également compter sur de nouveaux modes de preuve, à savoir la téléphonie, l’ADN ou encore la vidéosurveillance. Des preuves qui seront utilisées contre l’accusé, qui s’appelle désormais Kévin Dufrais. La victime, qui porte le nom de Sofia Rabeni, a bien plus de considération qu’en 1841.

*La « minute » est le nom donné à l’original d’un document émanant d’une juridiction ou d’un officier public.
**Des circonstances aggravantes peuvent porter la peine maximale pour viol à 20 ans et donc amener l’auteur présumé devant la cour d’assises.

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Pauline Garnier