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La malterie de Belesta fait germer une filière dans les Pyrénées-Orientales

La malterie de Belesta fait germer une filière dans les Pyrénées-Orientales

Article mis à jour le 11 février 2023 à 07:45

Le maltage artisanal est un savoir qui s’est perdu au fil des décennies et au profit de l’industriel. Dans le département, Nicolas Gasnier, un ingénieur de formation, s’est lancé dans l’aventure. Depuis Belesta, il développe son projet Maltn’co – lauréat de l’appel à projet régional « Ma solution pour le climat » en 2020 ; il prône, éco-responsablement, un retour au circuit court. Situé entre le producteur et le brasseur, il nous explique la malterie. Photos © Nicolas Gasnier.

Le maltage est un procédé quasi inchangé depuis l’antiquité. Il permet de transformer les céréales en malt. En soi, il libère les enzymes nécessaires à la transformation de l’amidon des grains, en sucre. Ce dernier, par la suite et lors du brassage, sera entre autres à l’origine de l’alcool. Le malteur est donc à l’étape cruciale entre le producteur de céréales et le brasseur de bières.

Nicolas Gasnier est diplômé des Mines de Nancy en 2004, avec un cursus en géologie, et des axes sur l’environnement, le recyclage et les industries propres. Il est aujourd’hui consultant indépendant en environnement.

À côté, et après de nombreuses années à se former, et à « professionnaliser ce hobby » – comme il aime le dire – il installe dans son garage une petite malterie.

Il commente : « Je réfléchissais à un projet alternatif et avec une thématique alimentaire. Mon ami Patrick Rodriguez, œnologue et qui brasse de la bière, m’a dit qu’il avait du mal à trouver du malt local. Je me suis penché là-dessus. J’y ai trouvé un challenge : tout était à faire. Le paysage du maltage local était quasi inexistant. Alors que côté brasserie, il y avait déjà eu un réveil local.

J’ai obtenu une subvention de 120.000 euros de la Région Occitanie, qui m’a permis de lancer une étude de conception, et les achats de cuve et de tous les outils de maltage. Le maltage n’est pas forcément évident : c’est un processus long, intermédiaire et dépendant du produit. Le métier artisanal a été délaissé à la faveur de l’industriel après la deuxième Guerre Mondiale. On redécouvre le maltage artisanal petit à petit. »

De parole de malteur, comment se fait le maltage ? « On fait germer une céréale avec de l’eau, et dans de bonnes conditions, comme des températures contrôlées. On la sèche – c’est l’étape du touraillage – en conservant les propriétés du malt produit, et tout en développant des arômes. Donc à partir d’une même germination, on peut avoir différents types de malt. Libre aux brasseurs de faire leur mélange. »

De citer quelques malts utilisés dans les bières et produits chez Nicolas Gasnier :

  • Pilsen : le type de malt le plus utilisé et le plus complet dans les bières ;
  • Munich : plus aromatique que le précédent, avec plus de force et de rondeur. Il provient d’un séchage à plus haute température ;
  • Dark malt, ou malt chocolat : utilisé pour le stout – comme la Guiness par exemple. Très aromatique, il joue également sur la couleur de la bière. C’est un malt de spécialité qui est présent en petite quantité dans la bière.

L’orge, le blé et le seigle sont les céréales les plus utilisées pour la brasserie. Si la malterie Maltn’co de Belesta est basée dans le garage de Nicolas Gasnier, ce dernier offre déjà la « possibilité pour les brasseurs, d’avoir du malt de céréales locales et bio. » C’est un point très important dans ses valeurs.

Il développe : « C’est la première année que je fais avec des céréales des Pyrénées-Orientales. Je veux structurer de bonnes habitudes. L’orge qui pousse ici est la variété Calypso et elle est bien adaptée au territoire. » Nicolas Gasnier semble bien parti.

Depuis novembre dernier, il malte l’orge de Cerdagne et des Aspres pour le Parc Naturel des Pyrénées Catalanes, qui développe une appellation « Bières de Pays ».

De même, un certain nombre de vignerons du département – en cultures naturelles ou bio – s’ouvre à la microbrasserie dans leur cave. Parmi eux, certains font même déjà pousser leur propre céréale, entre les rangs de vignes. De quoi motiver et confirmer la filière 100% locale pour le malteur de Belesta : « On fait un circuit court, pour des bières d’ici, de la céréale à la brasserie, en passant par le maltage. Le circuit local fonctionne déjà. Mais de chez moi, je n’ai pas la capacité de remplacer les quantités du maltage industriel, dont a besoin un gros brasseur. »

Le territoire traverse une sécheresse historique et les effets du réchauffement climatique sont là. Nicolas Gasnier est très sensibilisé à la question. Le malteur est alerte : « On n’est pas un département très céréalier ; mais il y a des zones comme Elne ou Pia où ça peut pousser. Il va y avoir une adaptation nécessaire des variétés. J’aimerais rechercher, avec des agriculteurs voisins, quelle autre variété de céréales serait encore plus adéquate à la région que la Calypso ; et même si elle a moins de rendement, ce n’est pas grave. C’est un suivi de variétés comme pour la vigne. »


Le consultant environnemental commente – concernant l’adaptation du maltage face à l’urgence : « L’utilisation de l’eau est clé, puisque le maltage est un procédé qui en dépend. Il faut limiter sa consommation avec l’adaptation de nos machines. Personnellement, dans mon garage, j’ai déjà réalisé un prototype qui va en ce sens. »

Et au sujet des dépenses énergétiques ? « Il faut arriver à un maximum d’isolation ; puisque le maltage doit contrôler les températures pour les bonnes germinations et séchage. Cela consomme beaucoup d’énergie. Donc il faut éviter la passoire énergétique, pour une régulation thermique optimale, et le moins de déperdition possible. »

Et de conclure : « Si demain il y a des sacrifices à faire, face à la gravité de la sécheresse, et de l’urgence climatique : la céréale réservée au maltage et à la brasserie n’est pas prioritaire. Il faut prioriser la production de céréale pour l’alimentation. »

Nicolas Gasnier

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Idhir Baha