Article mis à jour le 24 juin 2024 à 22:23
Victime de la surpêche, le requin bleu est classé comme étant en danger critique d’extinction en mer Méditerranée. Aperçu sur nos côtes au Barcarès ou à Torreilles en juillet dernier, ce migrateur joue un rôle crucial dans notre écosystème. Le Golfe du Lion serait d’ailleurs une nurserie pour l’espèce. Crédit photos ACN.
« Il faut désamorcer toute crainte que l’homme peut avoir vis-à-vis de ce requin », rappelle Éric Clua, directeur de recherche auprès du Criobe (Centre de Recherches Insulaires et Observatoire de l’Environnement). Ce requin, qui mesure près de trois mètres, vit plutôt au large. « Le requin bleu ne s’approche des côtes généralement que s’il y a un problème », précise le spécialiste. Ce qu’il faut surtout retenir, c’est que ce gros poisson est exclusivement piscivore, il ne se nourrit que de calmars et de petits poissons et ne mordra jamais un humain.
Le Golfe du Lion, véritable nurserie pour le requin bleu
Récemment, 39 requins bleus ont été équipés de balises satellites, dans trois zones de la Méditerranée occidentale. Le scientifique, François Poisson, de l’IFREMER (Institut Français de Recherche pour l’Exploitation de la Mer) a étudié le mouvement de cette espèce, selon le sexe et la taille des individus. « Les requins marqués étaient capables de se déplacer sur de longues distances, entre des régions éloignées, mais ils ne se déplaçaient ni vers les bassins de la Méditerranée orientale ni vers l’Atlantique Nord. Nous avons identifié le Golfe du Lion comme étant une zone d’accouplement et de nurserie », précise l’étude publiée en 2024, dans la revue Fisheries Research.
Ces balises permettent de détecter et d’étudier le mouvement des requins bleus, pendant plusieurs mois. Cette étude suggère l’existence d’une population de requins bleus propre à la Méditerranée occidentale. Ces requins-là sont pélagiques, ils vivent plutôt au large et se déplacent beaucoup. « Le premier constat des chercheurs est qu’il n’y a pas de connectivité marine a priori, ni avec la Méditerranée orientale, ni avec l’Atlantique. Le deuxième point soulevé par les scientifiques est qu’il existerait une zone de nurserie dans le Golfe du Lion, donc sur les côtes françaises », souligne Éric Clua.
Le requin bleu est présent le long des côtes catalanes
Via des vidéos alimentées par des panneaux solaires, le chercheur étudie la densité des requins aux Baléares. Sur les images, les squales se font très rares. Les caméras sont pourtant immergées pendant une dizaine de jours et enregistrent 24 heures sur 24. « Nous apercevons en moyenne un à deux requins par semaine, ce qui est quand même extrêmement peu », se désole-t-il. D’après une étude d’Éric Clua, 40% des requins observés avaient un hameçon dans la gueule, ce qui confirme que le problème de surpêche est toujours une réalité en Méditerranée occidentale.
Autre constat, il y aurait beaucoup moins de requins bleus aux Baléares que sur les côtes catalanes. « Leur présence est beaucoup plus dense en zone côtière, c’est probablement lié à la richesse biologique plus importante sur les côtes continentales que sur les côtes insulaires », explique Éric Clua. « Les fleuves, comme le Rhône par exemple, amènent beaucoup de matière organique qui vient enrichir l’environnement marin. Ce qui contribue au développement de microplanctons. »
La production primaire est donc plus importante sur les côtes continentales. « La reproduction des requins bleus est considérée comme étant marine. Les femelles choisissent des zones de nurseries côtières pour donner naissance à leurs petits », peut-on lire dans l’article scientifique de François Poisson. Dans cette zone, les jeunes requins ont plus de facilité pour s’alimenter. « Les juvéniles se trouvent généralement dans des eaux plus froides et très productives pendant l’été, ce qui suggère qu’ils restent confinés dans une petite zone pour éviter les grands requins, qui sont leurs seuls prédateurs. »
Une espèce menacée en Méditerranée
Le requin bleu est plus performant que ses congénères, en termes de reproduction. « Chaque femelle peut avoir plusieurs dizaines voire une centaine de petits. Dans le classement des espèces menacées de l’Union internationale de la conservation de notre nature (UICN), les requins bleus figurent au statut intermédiaire de « vulnérable » dans le monde. En revanche, en Méditerranée, il est classé en danger critique », explique Eric Clua. « Il persiste un grave problème de surpêche en Méditerranée », poursuit-il.
La présence des individus observés cet été est inhabituelle si près de nos côtes. À première vue, selon le spécialiste, cela n’aurait aucun rapport avec la découverte d’une nurserie, qui a toujours existé. « Ce sont souvent des animaux moribonds qui ont été pêchés et qui ont souffert. Ils ont réussi à se libérer mais ils ont du mal à se nourrir et viennent mourir près des côtes. Leur présence peut aussi être due à des problèmes de maladie, ou parasitisme anormal, ce n’est pas exclu. Le lien avec le changement climatique et la modification des températures de l’eau est néanmoins difficile à établir. »
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