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Nationalité espagnole : Les demandes des descendants de la Retirada affluent aussi à Perpignan

Nationalité espagnole : les demandes des descendants de la Retirada affluent aussi à Perpignan

Article mis à jour le 16 octobre 2025 à 09:18

Les enfants et petits-enfants d’exilés espagnols ont jusqu’au mercredi 22 octobre pour demander la nationalité. Une démarche permise par la loi sur la mémoire démocratique de l’Espagne votée en 2022 qui vise à réhabiliter la mémoire des exilés de la Retirada. À Perpignan, les dossiers affluent avant la date butoir.

Ils défilent par dizaines devant le consulat d’Espagne depuis plusieurs semaines. Les enfants et petits enfants d’exilés espagnols* doivent déposer leur dossier avant le 22 octobre 2025, date butoir mise en place par la « loi sur la mémoire démocratique de l’Espagne ». Voté en 2022, ce texte permet aux descendants d’Espagnols ayant fui le régime de Franco d’obtenir la nationalité, 80 ans après l’exil.

Rafael Lloveria, 71 ans, est fils d’exilé. S’il vient d’obtenir un rendez-vous de dernière minute pour son fils, lui, a fait sa demande en 2023, sans réponse à ce jour. « On m’a dit que c’était normal, mais je trouve ça un peu long ».  Il attend cette double nationalité comme la reconnaissance de son identité. « C’est cette partie de vie qu’il me manquait. Je serai complet ».

Retracer l’histoire familiale malgré le silence des exilés

Adolescent, les chansons folkloriques de Saragosse l’ennuyaient. Aujourd’hui, le septuagénaire tente de retracer l’histoire espagnole de son père. « Il a fait son service militaire pendant la guerre dans un régiment républicain. Il s’est retrouvé au camp d’Argelès, à la Retirada, en 1939 et a ensuite été envoyé en Gironde, aux travaux forcés sur le mur de l’Atlantique, en 1941. » Un exil qui conduit le père de Rafael Lloveria jusqu’en Normandie, où il participe à la reconstruction, après la Seconde Guerre mondiale.

« C’est une histoire qui n’était pas transmise. Il n’en parlait pas beaucoup, ou seulement par bribes », regrette Rafael,

Né à Caen, ce dernier s’est rapidement installé à Perpignan. « J’ai rencontré ma compagne en Normandie. Ses parents aussi étaient d’origine espagnole. Une coïncidence ! Sa famille a déménagé près de la frontière. On les a rejoints à Perpignan. »

Une fois en pays catalan, Rafael s’inscrit à des cours de langue, se rapproche du Centre espagnol du département, voyage en Espagne. C’est à la retraite qu’il se plonge dans les archives de la Retirada, l’exil espagnol en France pendant la guerre civile. Un parcours de mémoire qui aboutit aujourd’hui à cette demande de nationalité. « C’est une autre partie de soi-même qui remonte à la surface », reconnaît-il.

Retirada : « Les enfants et les petits enfants veulent savoir, comprendre, chercher »

Il est loin d’être le seul à avoir saisi l’opportunité de cette loi. En juillet dernier, près de 900 000 dossiers avaient été déposés dans le monde selon le gouvernement espagnol. Deux fois plus que lors de l’adoption de la « loi sur la mémoire historique » de l’Espagne. Elle permettait d’enclencher les mêmes démarches entre 2008 et 2011. Pour faire face à l’afflux de demandes, le consulat de Perpignan a ouvert un accueil spécial deux heures par jour dès le début du mois de septembre.

Sur la porte du Consulat d’Espagne à Perpignan, une affiche concernant la loi de mémoire démocratique.

« Les enfants et les petits enfants veulent savoir, comprendre, chercher », observe Emita Diaz de Begar, vice-présidente de la FFREEE, association des Fils et filles de Républicains espagnols et enfants de l‘exode.

« La loi du silence a régné pendant 60 ans, du côté officiel, mais aussi du côté des Républicains. 80 ans plus tard, ils ne sont plus en vie. C’est la génération d’après qui soulève le couvercle. »

« À la victoire de Franco, les Espagnols exilés sont devenus apatrides »

« Avec cette loi, on avance un peu plus dans la légitimité de ce qu’était le combat des Républicains espagnols. » Le texte prévoit la reconnaissance des persécutions subies et déclare le régime franquiste illégal, tout comme les sentences édictées par ses tribunaux.

Emita Diaz de Begar porte le nom que son père a dû prendre à la frontière pour se protéger du gouvernement fasciste. Elle y voit la réparation d’une blessure toujours vive. « Mes parents ont vécu avec une plaie béante dans le cœur qui a saigné toute leur vie. Ils avaient perdu leurs illusions, leur famille, tout. »

« À la victoire de Franco, les Espagnols exilés sont devenus apatrides. Plus d’identité. Aujourd’hui, on reconnaît que l’Espagne est leur pays. Et c’est très important de le dire aussi à leurs enfants et petits enfants », déclare Emita Diaz de Begar, qui espère qu’un délai sera accordé pour les demandes de nationalités.

*Sont notamment concernés les descendants de ceux qui ont dû s’exiler pour des raisons politiques, idéologiques, de croyance ou en raison de leur orientation ou identité sexuelle et qui ont perdu ou dû renoncer à la nationalité espagnole.

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Mona Bru