Article mis à jour le 28 novembre 2024 à 12:06
Dans les Pyrénées-Orientales, seul un site est classé au Centre des Monuments Nationaux : la forteresse de Salses. Elle se distingue par son architecture unique, son emplacement stratégique mais aussi son histoire, ce qui en fait un lieu emblématique du département.
Un rôle de protection face à l’ennemi
Construite sur un promontoire rocheux, la forteresse de Salses a été pensée pour surveiller le royaume de France. Pour cela, le choix de son emplacement ne doit rien au hasard : elle est édifiée à l’endroit le plus étroit de la plaine littorale, entre l’étang de Salses-Leucate et les Corbières, véritable point de passage obligé entre le Languedoc et l’Aragon.
Cette position stratégique en faisait un verrou naturel, conçu pour bloquer toute armée cherchant à traverser la frontière entre d’un côté le royaume de France, et de l’autre les couronnes de Castille et d’Aragon désormais unies. La forteresse de Salses devient alors un poste de surveillance et une place d’arrêt face à l’ennemi venant du Nord.
Une architecture militaire pour résister en cas d’invasion
Six années de travaux, de 1497 à 1503, et des moyens financiers considérables furent nécessaires pour bâtir la forteresse de Salses. Sa construction a été décidée en 1496 après la destruction du village et de l’ancien château médiéval de Salses – situé à 250 mètres du monument actuel – par l’armée française, et la restitution des comtés de Cerdagne et Roussillon aux souverains de Castille et d’Aragon. Son architecture devait lui permettre de résister aux invasions et aux attaques de l’artillerie moderne et son fameux boulet métallique. Le roi Ferdinand II d’Aragon confia donc le projet de construction à l’architecte espagnol Ramiro Lopez.
Cet édifice s’impose comme un véritable « vaisseau de guerre ». Il dispose de dimensions impressionnantes, d’une structure fortifiée avec une géométrie régulière, de murailles épaisses, de tours d’artillerie, d’un donjon, de galeries, de centaines de « bouches à feu ». Il pouvait accueillir 1 500 hommes et de 300 cavaliers et son organisation militaire fut conçue pour tenir un siège de 30 jours. Un exemple de transition entre le château médiéval et le fort bastionné.
Un lieu marqué par les conflits entre l’Espagne et la France
L’histoire de la forteresse de Salses est marquée par des affrontements récurrents entre les couronnes espagnole et française. Dès 1503, alors que les travaux ne sont pas encore terminés, elle fait face à son premier siège par les troupes françaises, qui échouent à la prendre. S’ensuit alors une longue période de trêve où la forteresse joue son rôle à la perfection.
Il faudra attendre 1639 – et la Guerre de Trente Ans – pour que les Français se risquent à une seconde tentative et s’emparent de la forteresse au cours de l’été. Mais les 2 000 soldats mis en garnison se retrouvent assiégés par les Espagnols dès le 1er septembre. S’ensuivra un long siège qui prendra fin en janvier 1640 par la reddition des assiégés affamés. Après une courte trêve, Perpignan tombe en septembre 1642 aux mains des troupes de Louis XIII. Deux semaines plus tard, la forteresse de Salses est assiégée et prise. Les troupes françaises s’y installent définitivement.
Le donjon, la cour du réduit et l’horloge
Considérée comme l’une des plus grandes forteresses modernes d’Europe, la forteresse de Salses perd de son importance en 1659. En effet, suite à la signature du traité des Pyrénées, le 16 novembre, le Roussillon est définitivement cédé à la couronne de France. Avec la nouvelle frontière désormais située une soixantaine de kilomètres plus au sud, l’édifice militaire est relégué au rang de place secondaire.
En 1682, après le scandale à la cour de Louis XIV de l’affaire des poisons, la forteresse devient une prison par ordre royal, et 19 condamnés y sont emprisonnés. Les détenus tentent de s’échapper, en vain. Pour éviter les risques de récidive, ils furent emmurés et finirent leurs jours dans l’enceinte de l’édifice.
À partir de 1691, le monument est partiellement restauré et transformé par Vauban. Ce dernier choisit d’en modifier partiellement les fortifications. Si l’idée de détruire la forteresse est émise à plusieurs reprises, notamment en 1718 et 1726, le coût bien trop élevé de cette opération sera son salut.
La place d’armes, le logis des soldats, et la chapelle
Une seconde vie à partir du XIXe siècle
Après avoir été un poste de surveillance et une prison, la forteresse de Salses devient un magasin à poudre en 1817. Les murs sont enduits à la chaux et les sols sont refaits. Elle sera classée au titre des monuments historiques en 1886 et déclassée en tant que place forte en 1889. La forteresse de Salses est ainsi sauvée de la destruction.
Elle sera réhabilitée dans les années 1960 à la demande d’André Malraux, alors ministre de la Culture. Plusieurs artistes ont créé des œuvres dédiées à la forteresse de Salses. Parmi eux, le sculpteur Toni Grand, toujours exposé.
Découvrir la forteresse de Salses autrement…
La partie basse de la forteresse de Salses, qui comporte la place d’armes, le puits central, les arcades, les écuries est accessible à tous. Pour les passionnés de culture, rien de tel qu’une visite guidée de la partie haute pour connaître l’histoire de cet édifice dans les moindres détails. Depuis les terrasses, il est possible d’admirer les étangs, le Canigou, les Corbières et la mer Méditerranée.
Tout au long de l’année, des ateliers sont proposés afin de tester ses connaissances sur les plantes et herbes aromatiques ou de créer des jeux d’antan. Les amateurs d’astronomie à la recherche d’une expérience inédite pourront profiter des ouvertures nocturnes de la forteresse de Salses, certains soirs d’été, pour venir admirer les étoiles. L’occasion de découvrir également les différentes espèces de chauve-souris.
Depuis quelques années, la forteresse de Salses est terre d’écopâturage et accueille des brebis durant une quinzaine de jours.
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