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Perpignan : quand les élèves de collèges prennent le micro contre le harcèlement

Perpignan - Des collégiens réalisent un émission radio en direct depuis la Casa Musicale

Article mis à jour le 18 mai 2023 à 13:44

Notre reporter est intervenue plusieurs heures pour des ateliers radio auprès de classes de collège des établissements Albert Camus et Jean Moulin de Perpignan, en marge du spectacle Bonnes Ondes de la Compagnie Alma, qui traite en partie du harcèlement scolaire.

Les productions sonores des élèves ont été diffusées lundi et mardi dernier, lors d’une grande émission en direct organisée à la Casa musicale, en présence de quelques parents aux yeux brillants de fierté.

Les premiers à avoir inauguré ce temps de restitution sont les élèves du collège Camus.

Deux classes de cinquième pleines d’audace et d’énergie, qui n’ont cessé de nous surprendre à mesure que nous avancions sur ce projet. L’objectif était clair : réaliser des productions radio qui seraient diffusées en direct lors d’une émission réunissant tous les élèves, leurs parents, les profs, mais aussi les comédiennes de la pièce ainsi que ma coéquipière Barbara et moi-même.

L’actualité, qui ne traîne jamais trop loin ses guêtres, nous a d’ailleurs rattrapés à quelques minutes du lancement de l’émission. Soudain, ils sont une quinzaine d’ados à avoir eu besoin de s’hydrater. Malheur, l’eau manque… aucune bouteille à l’horizon, et les lavabos des toilettes les plus proches sont coupés. J’ai lu dans cette agitation le trac qui montait. Car parler dans un micro devant les copains, ce n’était déjà pas une mince affaire ; mais alors entendre sa voix résonner devant ses propres parents, d’autres élèves, et des inconnus, c’est carrément la honte pour certains. Je me rappelle qu’il m’a moi-même fallu plusieurs années pour accepter ma voix à la radio, et pour m’écouter sans grimacer et fermer mes yeux. Ouf, Claire, l’une des comédiennes, revient avec trois grandes bouteilles. Les verres se remplissent, et nous commençons.

Assise derrière ma régie, j’observe la cinquantaine de personnes présente, et notamment les parents.

Nous nous rendons vite compte qu’ils n’ont presque aucune idée de ce sur quoi leurs enfants ont travaillé pendant les six heures d’intervention. C’est tout juste s’ils leur ont dit qu’il avait fait de la radio. Aussi, petit à petit, au fil des écoutes et des discussions au micro, les visages s’ouvrent et les sourires apparaissent. Les micros-trottoirs (format adoré par les journalistes radio, au caractère davantage illustratif qu’informatif) révèlent des élèves courageux, peu timides, prêts à aller à la rencontre d’un ou une inconnue dans la rue pour poser frontalement des questions sensibles, du style « avez-vous vécu des discriminations ? », ou « est ce que pour vous l’origine définit la religion d’une personne ? ».

Un père s’exclame « Ils nous avaient caché ça ! ». Plusieurs filles prennent la parole pour dire que cet exercice les aura aidées à sortir de leur zone de confort, à progresser à l’oral. Ces mêmes filles qui, lorsque les comédiennes jouent le spectacle, osent peu donner leur avis devant les autres. Ces mêmes élèves, dont on ne savait pas ce qu’elles avaient retenu de l’expérience, peu bavardes sur elles-mêmes et leurs émotions, les voilà qu’elles nous laissent entrevoir leur fierté et leur joie. Mes yeux s’embrument, c’est exactement pour ce genre d’instants que je fais ce métier.

Les thèmes abordés sont plutôt denses: le harcèlement, le racisme, les discriminations…

Dans les enceintes, des mots d’inconnus, de passants arrêtés dans la rue pour l’exercice, qui abordent les stéréotypes qu’ils constatent au quotidien, sur les femmes, sur les Noirs, les Arabes, les hommes à cheveux longs, ou les garçons qui portent du rose. Ces mots recueillis par le seul engagement des élèves, leur seul travail, parce qu’ils ont su poser les bonnes questions, être à l’écoute et se rendre disponible. Les chroniques enregistrées par les élèves, fruit de longues heures d’effort, font aussi leur petit effet.

Les réactions seront semblables le lendemain, date de la restitution du travail des classes de Jean Moulin. Devant un public moins nombreux mais tout aussi attentif, les conversations s’étirent autour de l’amitié au collège, des expériences de chacun à propos des réseaux sociaux, ou des relations qu’ils entretiennent avec leurs paires. Nous permettons à ces jeunes de faire entendre les sujets qui les tracassent, leurs rêves et leurs craintes. « L’objectif est atteint, se réjouit Claire, de la compagnie Alma. Ça les a fait grandir dans leur réflexion. Ce sont de futurs citoyens, et le regard que nous portons sur eux est politique. Ils ont pris leur place, au sein du groupe, dans leur classe mais aussi dans la société. » Nos interventions ont même eu l’air de susciter des vocations. Un des gamins s’approche à la fin. Il veut devenir journaliste. On n’en demandait pas temps !

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Alice Fabre