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À Perpignan, le Centre de rétention administrative entrouvre ses portes

À Perpignan, le Centre de rétention administrative entrouvre ses portes

Dans le cadre de ses prérogatives parlementaires, la sénatrice Lauriane Josende s’est rendue au Centre de Rétention Administrative (CRA) de Perpignan il y a quelques mois.

Derrière l’inscription, « Zone protégée, interdiction de pénétrer » se cache un lieu scindé en deux parties. Deux zones qui semblent presque opposées. D’un côté, la partie administrative, de l’autre, les bâtiments sous haute surveillance. Ce vendredi matin une cinquantaine d’hommes* sont retenus en attente d’un renvoi vers leur pays d’origine. Si la rétention administrative ne peut durer que 90 jours, selon les associations, en 2022, la durée moyenne dans le CRA de Perpignan était de 24 jours.

Ici, pas de détenu, mais des retenus. Car oui, malgré les apparences, le Centre de rétention administrative permet, en principe, de maintenir dans un lieu fermé les étrangers qui n’ont pas ou plus le droit de séjourner sur le territoire français. C’est le cas notamment des ressortissants extra-européens faisant l’objet d’une obligation de quitter le territoire français. Les fameux « OQTF ». Immersion dans le Centre de rétention administrative de Perpignan. Un article qui s’insère dans la série, « La France de papiers ».

Le Centre de rétention administrative de Perpignan : 100% de profil TOP

La circulaire Darmanin du 3 août 2022 priorisant les rétentions aux auteurs de troubles à l’ordre public a considérablement changé la donne. Cette nouvelle doctrine a modifié la typologie des personnes retenues à Perpignan. Ainsi, dans le CRA près de l’aéroport, la totalité des personnes sont considérées comme une menace à l’ordre public ou auteurs de troubles à l’ordre public, les TOP. En clair aujourd’hui, le profil des personnes retenues en CRA a fortement évolué, précise le responsable du centre de Perpignan, le capitaine Laurent Boyet.

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Selon la commissaire, cheffe de la police aux frontières des Pyrénées-Orientales , «les retenus ne sont pas seulement des personnes qui ont commis des infractions administratives, mais des infractions de manière générale. Aujourd’hui en CRA on a 100% de délinquants.»

Les CRA ont-ils vocation à devenir des centres de détention ?

Les responsables confirment que le bâtiment n’est pas fait pour cette finalité. « Ce ne sont plus les personnes qui sont en situation économiquement compliquée dans leur pays, ce sont des délinquants, avec des antécédents judiciaires ou en attentes de condamnation », confie la commissaire de police. « La configuration n’a pas été pensée pour cela, le CRA n’a pas été construit comme une prison ! »

Le changement voulu en 2022 par le Gouvernement a eu des conséquences en termes de bâti, mais aussi de méthodes de travail. En effet, en France l’État a des accords avec les géants de la Tech, comme Google. Ainsi, Google Maps ou Google Earth masquent pour des raisons évidentes de sécurité les sites considérés comme sensibles, centre d’entraînement de l’armée ou maison d’arrêt. Mais jusqu’il y a peu de temps, le Centre de rétention n’était pas classé en tant que bâtiment sensible. Pour Google, le CRA était tout comme la Poste ou le Sécu, un lieu administratif, et donc inutile de le flouter. Suite à une demande, c’est désormais le cas et plus de vision claire du CRA de Perpignan depuis l’application Google Earth.

Une configuration du CRA et des méthodes de travail qui évoluent

« Désormais, nous sommes confrontés à une violence que nous n’avions pas. Avant 2022, nous avions des clandestins qui venaient pour des raisons économiques, maintenant ce sont des professionnels de la détention », confirme le chef du CRA.

Le capitaine précise que les locaux seront bientôt sectorisés de façon plus hermétique. Une mesure qui permettra d’éviter la propagation des émeutes, comme celle qui a récemment pris naissance au réfectoire avant de s’étendre à l’ensemble du centre. Les séparations entre les zones, aujourd’hui en grillage, seront dès la rentrée remplacées par des murs pleins.

« Alors oui, nous sommes toujours un CRA ouvert et semi-ouvert, mais dans les faits, nos méthodes de travail évoluent. » Le capitaine revient sur cette émeute partie du réfectoire. « Il y avait 36 retenus face à nous. Heureusement, les renforts sont arrivés rapidement », confirme le capitaine.

La législation sur les Centres de rétention administrative pourrait-elle changer ?

Les autorités ont tenu à présenter à la sénatrice, les problématiques qui se posent concrètement au niveau des locaux. Aujourd’hui encerclé d’un chemin bordé d’une haute clôture surmontée de barbelés, le centre est mitoyen d’un local désaffecté. « Il y a quelques jours, nous avons trouvé sur ce toit un tuyau d’arrosage de 20 mètres de long qui montrait clairement une volonté d’évasion. »

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La sénatrice Lauriane Josende au Centre de rétention administrative de Perpignan

La sénatrice, juriste de formation confirme que même si la catégorie d’un CRA est différente par nature de celle d’un centre de détention, il faudra une adaptation de la législation à la réalité des faits. Lauriane Josende prend acte des effets concrets de la circulaire Darmanin, et constate les conséquences sur les personnels, mais aussi sur les retenus eux-mêmes.

Le CRA de Perpignan vu par les associations

Si les services du contrôleur des lieux de privation de liberté décrivent un fonctionnement « qui privilégie une qualité relationnelle et le souci d’un apaisement à mesure des situations de tension », les associations, elles dénoncent des « pressions » et « des entraves » quant à l’exercice des droits des personnes retenues. Et notamment dans le droit d’accès à une assistance juridique.

Dans leur rapport de 2022, les collectifs dénoncent, de la part de la préfecture des Pyrénées-Orientales, un recours trop systématique à l’argument de la menace ou du trouble à l’ordre public ; « y compris lorsqu’il n’y a aucune poursuite ou condamnation pénale antérieure ». « Il semblerait qu’un simple signalement au fichier automatisé des empreintes digitales suffit désormais à caractériser un comportement comme menace ou trouble à l’ordre public, » précisent France Terre d’asile ou la Cimade.

De leur côté, en 2022, les contrôleurs de lieux de privation précisent que, malgré un fonctionnement adapté du greffe, les droits des personnes retenues ne sont pas pleinement exercés et constatent une absence de confidentialité dans les échanges avec l’Ofpra, organisme chargé de la protection des réfugiés et des apatrides.

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Selon le rapport des Centres de rétention administrative, le centre de Perpignan compte 48 places de rétention, uniquement pour des publics masculins. En 2022, 401 personnes ont été retenues au Centre de Perpignan. Sur les 401 personnes passées par le CRA, près de la moitié étaient de nationalité algérienne. 123 avaient été interpellées dans le cadre d’une effraction, 68 lors d’un contrôle en gare, 44 lors d’un contrôle de police sur la voie publique et 56 sortaient de détention.

Des procédures longues et complexes et 44% de reconduites

Au sein du centre, le greffe s’occupe du dossier administratif du retenu et fait le trait d’union avec les différents interlocuteurs, juridictions et consulats. Ce personnel organise les rencontres avec les juges de la détention et de la liberté. Au greffe, les agents se félicitent du bon taux de reconduite des personnes contraintes de quitter le territoire. Pour rappel, en 2022, le taux de personnes éloignées était de 33,4%. (Source « Rapport Centre et locaux de rétention administrative »)

Mais les agents déplorent d’être loin de la Cour d’appel ou du tribunal administratif de Montpellier. En effet, quand le retenu fait un pourvoi pour réexaminer sa situation vis-à-vis de son séjour en France, une escorte est mobilisée pour le conduire. Selon le greffe du CRA, cette contrainte géographique peut mettre à mal le bon fonctionnement du centre dans son ensemble.

Pour pallier ce problème, les autorités du CRA ont sollicité la mise en place d’une salle d’audience délocalisée. « Ce serait un vrai plus, ça soulagera les escortes, et nous aussi », confirme le greffier. « Chaque fois que les collègues partent à Montpellier, ils quittent le département, on est obligés de préparer l’ordre de mission, de gérer les effectifs, de se réadapter. »

La sénatrice à l’écoute des irritants de la Police aux frontières 

En effet, une visite parlementaire est aussi l’occasion pour les services de tenter d’appuyer des demandes faites auprès des ministres et qui tardent à se concrétiser. Parmi les demandes de la PAF, la difficulté de dialoguer avec les sociétés d’autoroutes qui pour un demi-tour au niveau de l’échangeur facture un trajet plein, soit 45 euros. Et ce malgré une loi qui prévoit la gratuité des autoroutes pour les policiers en mission, mais non appliqué faute de la publication du décret.

*Le Centre de rétention administrative de Perpignan n’accueille que des hommes.

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