Article mis à jour le 15 décembre 2023 à 21:58
L’assemblée générale du mardi 12 décembre 2023 a acté la fin prochaine de l’association le Fil à métisser. Après dix ans de médiation santé et d’écoute auprès des populations, notamment gitanes, des quartiers Saint-Jacques et Nouveau Logis, le Fil à métisser constate avec amertume «le manque de considération» et de «reconnaissance» des pouvoirs publics.
Au mois de juillet 2023, l’association avait tiré la sonnette d’alarme sur la baisse des subventions et le déficit en cours de 10.000€. Depuis cet appel au secours, trois réunions ont été organisées à la préfecture. Ce «comité des co-financeurs» avait vocation à réunir autour de la table l’ensemble des institutions à même de financer les actions de l’association, l’État, via l’Agence régionale de santé ou l’éducation nationale, la Caisse d’allocation familiale, la ville de Perpignan, la métropole ou encore la Région et le conseil départemental.
Marion Hullo, psychologue et coordinatrice nous confiait avec tristesse, «ces réunions avaient vocation à nous sauver, et autour de la table, il y avait dix financeurs. S’ils avaient dit, « on vous donne 1.000 euros de plus chacun toute de suite, le déficit était comblé ». Mais non, à part la Caf, personne n’a pu dire quand et combien ils allaient nous donner pour poursuivre nos actions socles.»
Pour ne pas faire le tri entre les violences conjugales et les tentatives de suicide
L’association revient sur son action socle, le temps d’écoute psychologique auprès d’une population gitane particulièrement refermée sur elle-même. «Sur les temps d’écoute, nous étions passés de 1,7 équivalent temps plein à 1,3, mais ils voulaient encore baisser ! Nous étions prêts à continuer, mais pas en reniant toutes nos valeurs.»
Marion Hullo s’emporte, «c’est inhumain de nous demander de réduire par trois les consultations. Comment faire un tri dans les patients ? Qui devons-nous privilégier ou exclure du dispositif ? Les personnes aux troubles dépressifs, celles qui ont fait des tentatives de suicide, les victimes de violences conjugales, ou les enfants déscolarisés ?»
L’association rappelle encore son action durant la crise sanitaire. En mars 2020, à Perpignan, la communauté gitane fut la plus touchée par le Covid. «Nous avons répondu présents quand les institutions nous ont demandé d’intervenir dans le cadre de la Covid pour enrayer le cluster communautaire.» Aujourd’hui la présidente du Fil ne comprend pas «le manque de dialogue, de considération, de bienveillance, de reconnaissance du travail effectué depuis tant d’années.»
Image d’archives, colloque novembre 2022
Au fil des années, l’association a réussi à tisser de multiples liens avec ces populations particulièrement méfiantes. Le Fil suit 200 personnes aux pathologies mentales complexes à l’image de ces quartiers aux multiples problématiques. Santé, emploi, déscolarisation, les pouvoirs publics ne parviennent pas à répondre aux enjeux. Comment, dans ces conditions expliquer la timidité du soutien envers une association qui a déjà la confiance de la population ? Comment expliquer cela à Cathy, Marion ou encore Aria, cette maman suivie dans le cadre de la scolarisation de ses enfants ?
Incompréhension du côté de la préfecture
Questionnée sur la fin annoncée du Fil à métisser, la préfecture déclare ne pas «identifier les motifs pour lesquelles le FAM préfère arrêter son activité plutôt que de poursuivre ses actions alors même que des financements sont actés, et d’autres en cours de discussion.» En effet, la déléguée en charge du dossier à la préfecture rappelle le soutien financier de l’association qui aurait fortement augmenté depuis 2018. Et les engagements des financeurs pris à l’issue des réunions du comité des co-financeurs.
«Les 3 réunions de travail ont permis d’échanger et d’avancer. D’ores et déjà, des financements sont acquis sur les actions en matière de parentalité et de santé mentale. L’ensemble de ces points ont été partagés avec la direction du FAM qui en a connaissance. Ils ont notamment été réaffirmés par tous les financeurs lors de l’assemblée générale qui s’est tenue le 12 décembre 2023. Les financements discutés sont supérieurs en 2024 à ce qu’ils sont en 2023.»
Malgré ces déclarations, la présidente rappelait lors de l’assemblée générale les difficultés qui ont mis à mal les comptes et surtout le moral des équipes.
Cathy Oustrière de citer pêle-mêle, des «actions partiellement financées», ou des financements non renouvelés, ou notifiés tardivement. Autant d’événements qui mettent à mal le pilotage d’une association qui travaille sur de l’humain et qui a besoin d’une vision claire de l’avenir pour mener à bien ses actions en confiance avec la population.
La liquidation annoncée du Fil à métisser
Après 10 ans de travail auprès des communautés les plus fragiles du département et particulièrement les femmes gitanes, l’histoire du Fil à métisser s’achève par une cessation de paiements, et in fine une liquidation judiciaire. Car oui, dès ce mois de décembre 2023, l’association n’a plus la trésorerie pour faire face à ses dettes et va se placer en cessation de paiements. Ce qui entraînera inexorablement la fin du Fil à métisser.
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