Article mis à jour le 28 octobre 2024 à 16:51
À mi-chemin entre la famille et le corps médical, les aidants occupent une place importante dans la vie des malades. Grâce à l’esthétique, la thérapie et surtout l’écoute, ces professionnelles apportent du réconfort dans la maladie. Crédit photo, Célia Lespinasse.
Bérangère et Gwenn-aël accompagnent les personnes atteintes par le cancer dans leur parcours de reconstruction. La première est énergéticienne, la seconde modèle des prothèses. Grâce à l’esthétique, la thérapie et surtout l’écoute, ces professionnelles apportent du réconfort dans la maladie.
En France, en 2023, la ligue nationale du cancer dénombrait 433.136 nouveaux cas de cancers. Parmi ces patients, ils sont nombreux à avoir recours à des médecines dites complémentaires. Elles apportent un soutien, parfois psychologique, qui permet de mieux supporter les soins médicaux. Si ces pratiques peuvent soulager, l’institut national du cancer rappelle que ces professionnels ne peuvent en aucun cas remplacer les traitements habituels.
À Perpignan, Gwenn-aël aide ses patientes «à se sentir femmes»
Si la majorité des patientes atteintes d’un cancer du sein font le choix de la reconstruction via une chirurgie, certaines choisissent la prothèse externe après une mastectomie. Gwenn-aël est orthésiste et orthopédiste. Depuis une vingtaine d’années, cette professionnelle appareille les personnes de la tête aux pieds. « J’interviens auprès du pôle oncologique de la clinique Saint-Pierre, à Perpignan, entre autres pour l’appareillage des prothèses capillaires et mammaires. » Depuis quatre ans, Gwenn-aël s’est spécialisée dans le sur-mesure.
Les prothèses capillaires de Gwenn-ael sont composées de 30% de cheveux naturels et de 70% de cheveux synthétiques.
« Quand elles franchissent le seuil de mon cabinet, après l’annonce de leur cancer, on leur dit qu’elles vont perdre leurs cheveux, ou alors on leur a fait une mastectomie, donc elles n’ont plus leur sein. Je leur redonne des cheveux, je leur donne des conseils pour le maquillage. Elles arrivent les épaules en avant, elles se cachent de ne n’avoir qu’un seul côté, lorsqu’elles repartent avec la prothèse mammaire, elles bombent le torse ! Elles ont le sourire », se réjouit l’orthésiste.
« Dans le cas d’un cancer du sein, je peux faire de la compression médicale.» Pour le cancer des os, Gwenn-aël propose des ceintures et corsets. Et pour les lymphoedème qui déforment un membre, elle peut mettre en place un manchon compressif. Grâce à ses prothèses, Gwenn-aël réconforte, conseille et aide ses patientes à se sentir femmes. « Je m’adapte en fonction de leur pathologie, de leur dysmorphie et de leur déformation. »
Les patientes sont métamorphosées
En 20 ans d’expérience, Gwenn-aël a appris à se forger une carapace. « Je ne dirais pas que mes patients me voient comme un aidant, mais plutôt comme un professionnel de santé, plus dans le domaine médical que dans le domaine psychologique.»
Au tout départ, lorsqu’elle faisait de l’orthopédie, Gwenn-aël voulait soulager les gens. « J’ai appris à délivrer les prothèses mammaires et je me suis dit « quel bonheur » de redonner le sourire à une dame ! J’adore mon métier parce que je vois les femmes totalement changer. »
Pour une prothèse mammaire, l’orthésiste reçoit une première fois la patiente avant l’intervention chirurgicale, pour mettre en place une prothèse transitoire en mousse. Un mois et demi après l’opération, un deuxième rendez-vous est fixé pour prendre les mesures et déterminer la forme et le volume de la nouvelle prothèse. « Ensuite je passe commande et on se revoit pour l’essayage », explique Gwenn-aël. « Des fois, on tombe dans le mille, l’appareillage leur va parfaitement. Des fois, ça ne va pas du tout, il faut changer la forme. » À la suite de ces essayages, la patiente retourne au cabinet pour choisir un soutien-gorge équipé d’une poche adaptée à la prothèse mammaire.
« Si ça se voit qu’elle porte une prothèse, je ne lui délivre pas »
En oncologie, un tiers des malades souffre de dépression, dans la salle d’attente de Gwenn-aël, les patientes ont le regard vissé au sol. Lorsque l’orthésiste les accueille dans son cabinet, la première phase est souvent douloureuse. « Elles me racontent leur parcours. Des fois, il y a des larmes, je dégaine vite fait la boîte de mouchoirs », rassure la professionnelle. Au fur et à mesure de la conversation, un sourire se dessine sur le visage des patientes.
Gwenn-aël s’imagine croiser ces femmes dans la rue. « Quand je leur montre les prothèses que je fais, je ne les laisse pas repartir si ça ne leur va pas (…) Si ce n’est pas adapté pour elle, je leur dit tout de suite. Je suis très franche. Si la prothèse est trop visible, je ne lui délivre pas.»
Une rencontre a particulièrement marqué la professionnelle. « J’ai eu une patiente qui a finalement renoncé. Elle était venue une première fois, et quelque temps après elle m’a rapporté la petite prothèse en mousse. Ça m’a mis une boule à la gorge. Je me suis dit que ni les médecins, ni moi n’avions été assez convaincants pour lui expliquer que ce n’était pas fini… », regrette Gwenn-aël.
« Quand j’ai commencé ce métier, je ne pensais pas être en contact avec la maladie »
« Je me considère comme un soutien ». Bérangère est réflexo-thérapeute et énergéticienne. Depuis sept ans, son quotidien n’est jamais le même. « Chaque cas est unique. J’accueille mes patients avec l’envie de leur apporter du bien-être », confie la professionnelle. La réflexo-thérapie est une médecine chinoise préventive, et qui permettrait de prémunir le corps des virus. Le soin énergétique, quant à lui, rééquilibrerait l’organisme.
Selon Bérangère, cette technique permettrait de maintenir le corps en bonne santé. La reflexo-thérapeute accueille dans son cabinet plusieurs patients atteints d’un cancer. « Les thérapies alternatives, c’est beaucoup d’écoute. Je m’aperçois que cela manque parfois dans la médecine ». L’énergéticienne réalise «une prise de soin dans le bien-être.» Bérangère dit vouloir épauler avec bienveillance ses patients, au corps souvent maltraité par les rayons et la chimiothérapie.
Bérangère est aussi magnétiseuse. Une pratique qui fait appel au «pouvoir de l’intention.» « Cela permet au corps de se revitaliser. Avec la radiothérapie et la chimiothérapie, les personnes sont brûlées. Grâce à cette méthode, on coupe le feu sur les cellules saines. » Toutefois, la professionnelle n’intervient jamais sur la tumeur. Elle tente de régénérer les cellules saines touchées par la radiothérapie.
« Quand j’ai commencé ce métier, je ne pensais pas être en contact avec la maladie. Car au final, je ne suis ni psychologue, ni docteur, j’accompagne seulement mes patients dans l’émotionnel (…) Ce qui m’importe, c’est que mes patients ne se sentent pas seuls. »
Les malades abandonnent à Bérangère une part de leur fardeau
Dans son cabinet saturé par l’odeur de l’encens, la musique vibratoire enveloppe ses patients. Bérangère travaille avec des ondes de fréquence. Dans cet espace apaisé, la réflexo-thérapeute tient à placer ses clients dans un cocon. « Je les installe à mon bureau pour faire le point avec eux. La symptomatique, je n’en parle pas. Je les libère », énonce la professionnelle.
« Il y a forcément un choc émotionnel lié à la pathologie. À partir de son propos, j’assiste le patient pendant le soin. Le but c’est de le libérer de toutes ces mémoires qui restent en boucle dans son esprit », souffle l’énergéticienne. L’annonce de la maladie peut être un choc, Bérangère revient sur cet événement et sur le vécu du patient à cet instant. Même si les patients sont le plus souvent accompagnés par leurs familles, parler avec un proche de sa maladie peut s’avérer douloureux. Auprès de la réflexo-thérapeute, les malades se déchargent d’une part de leur fardeau.
« Je veux que mon cabinet soit un lieu neutre où les gens peuvent se soulager. C’est une échappatoire. Je m’aperçois avec d’autres pathologies, comme Parkinson ou la maladie de Charcot que l’entourage est choqué. Ils n’ont pas toujours les moyens d’accompagner leurs proches. Quand on apprend que quelqu’un est malade, on est souvent dans le désespoir. » Selon l’institut Curie, en France, un Français sur dix est un aidant d’un proche atteint d’un cancer.
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