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Procès des faucheurs d’OGM à Perpignan | Yves et le haricot transgénique

15/10/2020, Perpignan, France, Manifestation procès anti-OGM © Arnaud Le Vu / MiP

Article mis à jour le 18 décembre 2020 à 09:27

Jeudi 15 octobre s’est tenue l’audience du communément appelé « Procès des OGM » au tribunal de Perpignan. Au centre de l’affaire : la destruction de trois hectares de tournesols tolérants aux herbicides (des VTH, variétés tolérantes aux herbicides). Les faits se sont produits dans la nuit du 1er août 2016 sur la commune d’Elne et sont revendiqués par le réseau national des Faucheurs Volontaires d’OGM.

Le procès a rassemblé militants et divers soutiens venus de toute la France. Une centaine de manifestants s’était donnée rendez-vous devant le palais de justice où une cinquantaine de comparants volontaires ont défilé devant les juges. Retour sur un procès atypique ; une bataille entre Yves Meunier et la multinationale Nidéra.

♦ Pourtant, seul Yves Meunier se tenait au banc des accusés.

Ce Savoyard de 71 ans – retraité de l’Éducation Nationale – avait oublié dans le champ sa sacoche contenant son appareil photo. « L’objectif, c’est que les juges écoutent tous les comparants volontaires » partage l’avocat de la défense Guillaume Tumerelle.

« Ce serait, théoriquement, la logique du dossier puisqu’ils sont là à revendiquer et à assumer leur participation. Il faut que cette affaire soit étudiée dans son ensemble« . Après délibération, les juges ont décidé de continuer sur le seul cas du septuagénaire.

♦ « Pensez-vous que votre action est légitime? »

Après avoir rappelé sa première condamnation en 2009 dans la région de Bordeaux, le Président de la cour écoute l’accusé. « Mes motivations se traduisent dans mon mode de vie. Je ne suis pas un délinquant destructeur, même si je revendique cette action. Mon métier auprès de mes élèves m’amenait à partager et à faire respecter les valeurs de bien vivre ensemble ». Et Yves Meunier, ému, de préciser:  » Je n’ai aucune animosité envers le monde agricole. Ma haine se tourne vers ces produits génétiquement modifiés« .

Les questions-réponses entre le président et l’accusé s’enchaînent.

  • « Vous imaginez bien que ça ne fait pas plaisir de voir son champ détruit ? C’est une convention entre l’entreprise de semence et l’agriculteur. Ce dernier sert de technicien.
  • Vous ne croyez pas que son champ reste son moyen de subsister ? Je trouve ça dramatique qu’un paysan doive gagner sa vie de cette façon.  
  • Pensez-vous que votre action est légitime ? Oui. En vous répondant, je pense à mes petits enfants que vous avez vu sur mon appareil photo. C’est une défense pour l’intérêt collectif. 
  • Pensez-vous que votre action est légale ? Dans la conscience collective, ces OGM sont illégaux. J’aurais donc détruit quelque chose d’illégal. »

La défense appelle cinq témoins à la barre. Un seul était présent lors des faits ; les autres se présentent comme spécialistes : ingénieur agronome, pédiatre, directeur de recherche, et agriculteur à la retraite. La séance se transforme en tribune ; cherchant à prouver la dangerosité des OGM, et l’arnaque dont pourraient être victimes les paysans.

Yves Meunier enchérit : « Ce n’est pas parce que la science sait faire, qu’elle doit le faire. À nos concitoyens d’en décider« .

♦ « Les débats seront scientifiques ; mais pas ici, pas aujourd’hui »

« Vous avez un délinquant un peu spécial aujourd’hui, martèle dans sa plaidoirie Thierry Carrere, l’avocat du demandeur Nidéra. Je ne pouvais m’empêcher une forme de sympathie en me jetant dans ce dossier. Mais ces gens prétendent avoir raison contre tout le monde. Ce sont des témoins spécialistes de leur conviction. Les débats seront scientifiques ; mais pas ici, pas aujourd’hui« .

L’avocat de la multinationale défend pour sa part la légalité des cultures de son client. « Il s’agit du fruit de la sélection naturelle. Les hommes sélectionnent depuis toujours les variétés en vue du rendement et de la production. Nous achetons ces semences à l’agriculteur avant de les revendre« .

Guillaume Tumerelle de contester son homologue : « Lors de l’enquête, ces tournesols se sont avérés être des VTH. Or, on ne peut pas préciser quelle variété. C’est un enjeu majeur de santé publique. Nidéra contourne les réglementations de l’Union Européenne, pour ses semences, et ne partage même pas les spécificités de celles-ci dans le dossier de la partie civile ». Et qui conclut : « Comment auriez-vous jugé un arracheur de champ de cannabis ?« . 

La partie civile réclame 5000€ de dommages et interêts à l’encontre d’Yves Meunier pour « Destruction volontaire de bien d’autrui ». Le verdict du tribunal devrait être donné le 17 décembre prochain.


À lire : Producteurs des Pyrénées-Orientales, ils ont dit “NON” à Monsanto grâce au troc de graines


♦ Une réglementation encore floue vis-à-vis des OGM

Nidéra Seeds est une multinationale spécialisée dans la conception et la commercialisation des nouvelles variétés de semences. Propriété de Syngenta Group depuis 2018, ce dernier a déclaré au premier trimestre 2020 un chiffre d’affaires total de 5,3 milliards d’euros.

À des fins commerciales, la culture d’OGM en France est interdite depuis 2008, d’après le ministère de l’agriculture et de l’alimentation. Or, beaucoup critiquent le manque de traçabilité des VTH ; dont certaines sont obtenues par mutagenèse aléatoire in vitro ou in vivo. Ces contrôles sont à la responsabilité de l’État.

Le ministère détaille : « Le Conseil d’État considère que les plantes obtenues par mutations in vitro des cellules, parmi lesquelles se trouvent une partie des VTH, doivent être considérées comme relevant de la réglementation sur les OGM, notamment en ce qui concerne l’évaluation des risques associés au VTH avant la commercialisation de ces variétés ». Les VTH représenteraient, en France, entre 20 et 30% des surfaces de tournesol en fin d’année 2019.


A lire : Michel Delseny – La recherche sur le génome des plantes contée à Tautavel

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Idhir Baha