Article mis à jour le 5 février 2023 à 08:59
Jeudi 17 novembre, le cinéma Le Castillet programmait le documentaire « Riposte Féministe« . À l’issue de la projection, public et militants ont débattu sur le film et la réponse actuelle à la société patriarcale. À quelques jours de la manifestation nationale #NousToutes, localement le Collectif droits des femmes 66, appelle à un rassemblement le vendredi 25 novembre, à 18h, Place Arago à Perpignan.
Malgré le boycott du film à l’appel du collectif « Lesbiennes contre le patriarcat« , le débat est ouvert sur les moyens de lutte ; et notamment l’action de ces groupes qui, la nuit tombée armés de colle et de feuilles A4, collent des slogans sur les murs de nos villes.
« Conspiration Wokiste » ouvre le débat
Dès que la lumière s’est rallumée dans la salle numéro 2 du Castillet, un.e ancien membre du collectif « Conspiration Wokiste« , anciennement « Collages féministes Perpignan« a lu un communiqué. Rappelant l’appel au boycott du collectif, mais aussi les risques judiciaires encourus par les actions de collage sur les murs de Perpignan. Les membres du collectif ont souhaité prendre la parole tout en protégeant leur identité. « Dans nos rangs, nous comptons cis* et trans, nous sommes toutes les lettres de LGBTQA+, nous avons 19, 25, 30, 40 ans et plus. (…). Il est indispensable de rappeler qu’il ne s’agit pas d’une activité de loisir, ni d’un passe-temps sans risques. (…) Il ne s’agit pas d’une nouvelle tendance girly à paillettes, mais bien d’actions qui nous demandent d’avancer dans l’ombre et sans cesse sur nos gardes. (…) Nous collons pour toutes les causes, contre toutes les oppressions, les collages doivent dépasser le féministe d’État blanc, valide, poli, lissé ; toléré par les oppresseurs parce qu’il ne bouscule plus grand-chose ».
Dans la salle, Laurence Jamin, présidente du CIDFF66* pour qui le fait de coller est un « un choix courageux et salutaire. Quand on voit ces collages, c’est quelque chose qui fait du bien ! ». L’ancien.ne colleur.euse*** rétorque que ces messages restent trop peu de temps sur les murs de Perpignan. Les membres qui s’expriment dans le film évoquent aussi ces mots voués à disparaître très rapidement. Une des militantes qui touille la marmite de colle pour le soir même. « On dirait que je fais des incantations. Faites que les gens se posent les bonnes questions en voyant nos slogans. Faites que nos collages durent plus d’une demi-journée« .
Parce que c’est aussi cela, coller les messages, faire en sorte que ceux qui les lisent soient interpellés et s’interrogent sur le fond de ces phrases chocs. « Ils n’ont pas d’autre choix que de les voir. C’est de l’éducation forcée ! ».
Vers une réappropriation de la rue ?
Plusieurs militantes évoquent la volonté de se réapproprier cet espace aux mains, jusque-là, des « hommes cis ». « Le fait qu’on soit présent le soir entre nous et sans la protection symbolique d’un mec cis, tu te réappropries l’espace public ! D’ailleurs, au début, des collages nous avons eu plein de soucis avec les tagueurs. (…) Il n’y a pas que les hommes cis qui ont le droit de marquer leur territoire ! ». L’ancien.ne. membre de Conspiration wokiste met un bémol à ces témoignages.
« Nous sommes loin de la réappropriation de la rue. Et à Perpignan nous avons aussi eu des soucis avec les tagueurs ». Idem pour les policiers, dans le film, une voiture de police s’arrête devant un groupe de colleur.euses en action, et passe son chemin. « À Perpignan, ils ne passent pas pour nous demander comment ça va. Ils peuvent nous mettre des amendes. Et il y a aussi eu des colleur.euses volontairement renversées ». Pour rappel, de nombreuses actions de collages à travers la France ont été verbalisées.
Diviser pour mieux continuer à régner, la base du patriarcat
Le phénomène est à Perpignan, mais il est aussi national. Les mouvements féministes ne s’accordent pas. Déjà sur le simple terme de lutte féministe. L’ancien.ne colleur.euses de s’insurger, « les mots ont un sens, quand on parle de femmes et minorité de genre, je pense qu’il faut ouvrir tout cela. Pourquoi ne parler que de femmes ? On peut parler de personnes sexisées. Pourquoi confiner aux seules femmes ? ».
Selon Laurence, « lutter contre des violences faites aux êtres humains, c’est lutter contre tout type de violences. Cela n’enlève pas les autres combats. Quand on est face à un oppresseur, on a tout intérêt à lutter chacun depuis son point de vue avec ses moyens, mais je trouve toujours un peu dommage de perdre de l’énergie à lutter entre nous ». Aline venue avec son compagnon rétorque, « la base du patriarcat, c’est bien de diviser pour mieux continuer à régner ! »
À Perpignan, pas de mouvement #NousToutes, mais plusieurs collectifs dont le « Collectif des droits des femmes 66« ou « Idem question de genre » présents dans la salle. Des militant.es qui appellent à un rassemblement pour la journée internationale de la lutte contre les violences faites aux femmes.
Amnesty International était également présent. « Nous nous voyons les choses de manière plus large. Nous défendons les droits humains, de tous les êtres humains de quelque genre qu’ils soient, de quelques lieux qu’ils viennent. Et nous travaillons dans les collèges du département où nous faisons de l’éducation aux droits humains ».
Synopsis du film « Riposte Féministe »
« Riposte Féministe » est un film réalisé par Marie Perennès et Simon Depardon. « Élise à Brest, Alexia à Saint-Etienne, Cécile à Compiègne ou encore Jill à Marseille : elles sont des milliers de jeunes femmes à dénoncer les violences sexistes, le harcèlement de rue et les remarques machistes qu’elles subissent au quotidien. La nuit, armées de feuilles blanches et de peinture noire, elles collent des messages de soutien aux victimes et des slogans contre les féminicides. Certaines sont féministes de longue date, d’autres n’ont jamais milité, mais toutes se révoltent contre ces violences qui ont trop souvent bouleversé leurs vies. Le sexisme est partout, elles aussi !
*Cis ou Cisgenre : La cisidentité, ou cissexualité, est un néologisme désignant un type d’identité de genre où le genre ressenti d’une personne correspond au genre assigné à sa naissance, la personne est alors cisgenre ou cissexuelle. Le mot est construit par opposition à celui de transgenre.
** Cidff, Centre d’Information des Droits de la Femme.
*** Colleur.euses, mot-valise pour désigner les colleurs et colleuses.
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