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Perpignan, jeunes et aînés se retrouvent au supermarché pour rompre l’isolement

Un supermarché propose de petits prêts sans intérêt pour de l'épicerie

Article mis à jour le 4 juillet 2024 à 10:58

Limiter l’isolement des personnes âgées tout en offrant une première expérience professionnelle aux étudiants. C’est le pari dans lequel s’est lancée Héloïse Lamotte, présidente et fondatrice de Mains d’Argent. Le principe est simple, des jeunes sont rémunérés par l’entreprise pour accompagner les retraités dans leurs courses, de l’arrivée au magasin jusqu’à la voiture.

Les Compagnons d’Emplettes, comment ça marche ?

Fini les courses en solitaire, Mains d’Argent propose un accompagnement intergénérationnel dans les supermarchés pour les personnes isolées. L’objectif ? La création d’un lien social gratuit. Parmi les ambitions de l’entreprise, donner « plus d’humain » aux grandes surfaces, lieu de consommation laissant généralement peu de place à l’altruisme et au partage. « Les gens ont encore beaucoup à s’apporter les uns aux autres, même dans un cadre comme celui-ci » ajoute la startuppeuse.

Héloïse Lamotte a monté Mains d’Argent en 2021. Depuis, l’entreprise reçoit plus de 300 candidatures étudiantes par mois et réalise 700 accompagnements mensuels grâce aux 150 Compagnons d’Emplettes répartis entre les Pyrénées-Orientales, l’Aude et l’Hérault. Et pourquoi Mains d’Argent ? Le nom vient des mains tendues des Compagnons d’Emplettes et de la « silver économie », c’est-à-dire l’économie autour des seniors, le mot « silver » symbolisant les cheveux blancs, argentés, des personnes du troisième âge.

Jeunes, seniors et grandes surfaces, une histoire d’amour

La jeune entrepreneuse se confie : « Le postulat a été : comment est-ce possible de laisser des humains seuls comme ça ? C’est un phénomène qui nous concerne tous ». Convaincue, elle décide d’agir pour former ce triangle heureux.

Le salaire des aidants est issu de l’investissement des grandes surfaces qui contactent et financent Mains d’Argent. Lors de leurs courses, les personnes âgées sont informées directement par le magasin visité.

Pour les magasins cette collaboration est aussi bénéfique d’abord pour fidéliser une clientèle. Dorénavant, les personnes âgées peuvent déambuler plus longtemps dans le supermarché contre en moyenne 20 minutes. De quoi dépenser davantage. Enfin, cet accord leur apporte une image de firme qui s’assure du bien-être de ses clients. Un fonctionnement qui « serait gagnant pour tout le monde », affirme Héloïse.

« Avec ce service, j’ai retrouvé un nouveau fils »

Certains accompagnés s’habituent à la présence d’une personne, mais la plupart acceptent, et même préfèrent, avoir plusieurs accompagnants différents. « C’est comme une seconde famille pour eux, comme des « petits-enfants », avec chacun sa personnalité et sa façon d’être », raconte Héloïse Lamotte.

Une belle parenthèse pour des seniors souvent contraints aux mêmes rencontres. « Ils sont heureux d’avoir un contact avec des jeunes et pas seulement avec un cadre médical comme c’est souvent le cas à cet âge-là. Ils passent un bon moment et oublient un peu leurs problèmes du quotidien » affirme Héloïse.

À 95 ans, une des anciennes à bénéficier des Compagnons d’Emplettes ne cache pas sa gaieté. « Ce service m’a été très utile, je viens souvent avec mon fils, mais lorsqu’il est occupé, je suis seule. Aujourd’hui, j’ai retrouvé un « nouveau fils » dans les rayons. »

De petites histoires et des grandes affinités

Stessy fait partie des 700 jeunes qui se sont engagés en tant que Compagnons d’Emplettes. Celle-ci ressent également un lien particulier avec les séniors qu’elle accompagne. « J’ai vraiment l’impression d’être avec mes grands-parents parfois. Ce sont leurs rendez-vous de la semaine, mais nous avons tout autant hâte d’y être » explique l’étudiante en stylisme. Un métier fort en émotion pour la jeune Perpignanaise. « Parfois, leurs histoires sont très touchantes. Il m’est même déjà arrivé de pleurer » raconte-t-elle.

Au fil des années, de petites histoires et de grandes affinités se sont créées autour des Compagnons d’Emplettes. Certaines d’entre elles ont particulièrement marqué la fondatrice de l’association. Elle se rappelle spécifiquement d’une universitaire qui avait postulé en septembre 2023. À la suite de son expérience, elle en avait parlé à sa mère. Six mois plus tard, la quarantenaire adhérait à Mains d’Argent.

« Maintenant, elles le font toutes les deux ensemble » se réjouit Héloïse Lamotte. « Ce qui me plaît et me satisfait le plus c’est d’avoir une activité utile. J’ai la sensation que nous avons un réel impact positif sur la vie des gens » se félicite la cheffe d’entreprise avant d’ajouter que « certains avaient perdu espoir en toute vie sociale et l’ont peut-être retrouvé grâce à nous. »

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Un nouveau défi d’accompagnement des jeunes dans le monde professionnel

En 2024, forte de son expérience avec les Compagnons d’Emplettes, Héloïse Lamotte se lance dans un nouveau projet professionnel. Elle a décelé dans le rapport continu de l’entreprise la difficulté que représente l’entrée dans le monde professionnel pour les jeunes.

« J’ai remarqué un grand écart entre les attentes des étudiants pour la vie professionnelle et la réalité une fois qu’ils y entrent. » Par cette démarche, elle souhaite donner aux futurs adultes de nouvelles manières d’appréhender la vie active. « Plutôt que de leur imputer la faute, il faudrait leur montrer la voie, la bonne façon d’être en entreprise. » Son objectif est de faciliter la transition entre l’école et le monde de l’entreprise pour les futurs actifs.

Le mot d’ordre de cette jeune startuppeuse « cultiver l’ambition ». Concrètement, l’entreprise rencontre des étudiants lors d’interventions dans les écoles du supérieur. « Les retours que j’ai eus pour l’instant m’encouragent à continuer. Le fait que je sois jeune leur permet de se sentir plus concernés, d’avoir quelque chose de plus concret. » Bien que la première rencontre étudiante à Groupe Alternance soit une réussite pour Héloïse, cette dernière a encore du mal à trouver des universités partenaires. « Les écoles ont du mal à faire confiance à un profil un peu atypique comme le mien. »

« Les gens ne disent plus aux jeunes d’être ambitieux, mais de rentrer dans une case »

Si l’entrepreneuse encourage l’ambition, elle les engage également à se montrer exigeants et à ne pas abandonner leurs passions. Selon Héloïse, la crainte et l’incertitude du monde du travail poussent ceux qui sortent des bancs de l’école à réduire leurs ambitions et à agir davantage par nécessité. Même s’ils doivent accepter un poste qui ne leur plaît pas vraiment ou qui manque de sens pour eux. « Quand on demande à quelqu’un pourquoi il a postulé, c’est la question qui bloque ».

Cette situation serait provoquée par une société qui ne « valorise plus le fait de choisir », assure la fondatrice de Mains d’Argent. « En continuant comme cela, de plus en plus de jeunes arrêtent leurs contrats avant leur terme. Aujourd’hui, on ne leur dit pas d’être ambitieux, mais de rentrer dans une case. »

Mais que disent les chiffres à ce sujet ? Selon un rapport de l’INJEP datant de 2023 réalisé auprès de 4 500 personnes âgées de 15 à 30 ans, le travail serait « un moyen de gagner sa vie » pour 57 % des personnes interrogées. Seulement 31 % d’entre eux perçoivent la vie active comme « une source d’épanouissement et de fierté ». En revanche, cette même étude montre que 59 % des jeunes souhaitent un poste à forte responsabilité contre seulement 41 % des plus de 30 ans.

« Plaire à tout le monde, c’est plaire à n’importe qui » affirme la jeune entrepreneuse. Selon elle, plus les jeunes « savent ce qu’ils veulent », plus ils seront pertinents dans leur approche et dans leur démarche. Mains d’Argent souhaite se concentrer concrètement sur le fait de pousser les futurs actifs à mieux « valoriser » leurs expériences.

Elle s’appuie notamment sur l’exemple d’une universitaire dont le rôle était de traiter le drive d’un McDonald’s. « À première vue, c’est pas incroyable. Mais en mettant en avant son autonomie, sa gestion du temps et de la pression, on peut montrer toutes les compétences acquises. Le recruteur ne doit pas tout deviner ». L’entreprise souhaite aussi accompagner les jeunes dans leur production de CV, leur manière de se présenter et de se mettre en avant.

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Florian Salvat