Article mis à jour le 9 juin 2023 à 13:20
Les études supérieures. Source d’incertitudes pour certains, cette période – devenue presque obligatoire au fil des décennies – est parfois synonyme d’inégalité voire de discrimination. Parmi cette jeunesse en difficulté dans le grand bain de l’enseignement supérieur, la population étudiante en situation de handicap.
Étudiante dans les Pyrénées-Orientales, Marie est née avec un handicap moteur. Elle témoigne du regard des autres, de l’écartement social qu’elle vit au quotidien ; une mise au ban de la société qui l’a conduite a suspendre ses études.
Selon le rapport 2019 du Défenseur des Droits, pour la troisième année consécutive, le handicap reste le principal motif de discriminations (22,7%) devant l’origine (14,5%) et l’état de santé (10,3%).
Des étudiants en situation de handicap chaque année plus nombreux
En 2018, la France recensait 34.553 étudiants en situation de handicap dans les établissements d’enseignement supérieur public, de la recherche et de l’innovation ; ainsi que dans les formations d’enseignement supérieur des lycées sous contrat. Un chiffre en hausse régulière ces dernières années grâce à la mise en place de nombreuses régulations et mesures ; à l’image de celles du programme PHARES « Par-delà le handicap, avancer et réussir des études supérieures ». Tutorat, accompagnement, et aménagements personnalisables ; le constat d’un chantier d’ampleur s’impose.
Études mais aussi emploi, en dépit de ces avancées, le chemin à parcourir pour changer les mentalités et faciliter l’intégration des personnes en situation de handicap est encore long et semé d’embûches. Comme en témoigne Marie.
♦ « Il faut sans cesse trouver des solutions pour mieux vivre son handicap »
« Je suis née avec un IMC (Infériorité de motricité cérébrale). C’est un handicap moteur engendré par une paralysie des nerfs cérébraux. Je marche avec difficulté et mes jambes manquent de coordination et d’équilibre ; notamment à cause de mes genoux en rotation interne. »
Marie, étudiante dans les Pyrénées-Orientales
« Durant toute ma scolarité, j’ai dû faire appel aux services d’une AVS (Auxiliaire de Vie Scolaire) ; en particulier pour les travaux d’écriture. Je suis assez lente pour recopier du fait de ma motricité défaillante. Autre exemple, j’ai aussi besoin que l’on me décrive ce qui est indiqué au tableau. Sans oublier la fatigue chronique ; un autre obstacle à surmonter. Il faut sans cesse trouver des solutions pour mieux vivre son handicap. »
Un parcours scolaire aménagé … puis le couac dans le supérieur
« Depuis la maternelle, j’ai reçu l’aide d’une AVS. J’ai ainsi pu mieux comprendre les questions qu’on me posait, disposer de cours rédigés et compléter mes contrôles et examens. En CM2, j’ai dû suivre une scolarité à distance suite à une hospitalisation ; une parenthèse de trois mois qui m’a fait accumuler beaucoup de retard. Lors de mon entrée au collège, j’ai pu bénéficier d’un ordinateur ; et la même année le personnel soignant et mes enseignants ont jugé préférable que je me déplace en fauteuil roulant pour éviter les bousculades.
C’est quand je suis rentrée dans l’enseignement supérieur que les choses se sont dégradées pour moi. Bien qu’ayant obtenu ma majorité et possédant un statut d’adulte ; j’ai constaté que mes professeurs et accompagnateurs ne prenaient pas vraiment mon avis en compte. Ils n’étaient pas enclins à m’écouter.
Plusieurs professeurs allaient à l’encontre de mes choix qu’ils ne prenaient pas au sérieux ; souhaitant par exemple me faire passer mon diplôme en trois ans au lieu de deux. Je voulais faire comme tout le monde et je me sentais capable en dépit de l’avis de l’équipe pédagogique. Je me sentais ni écoutée ni respectée ; alors j’ai mis fin à mes études pour chercher une autre formation.«
Un manque criant de considération des enseignants et des autres étudiants
Reconnaissante de l’aide dont elle a bénéficié lors de son parcours, Marie revient sur l’attitude discriminatoire de certains professeurs. « Il n’y a eu aucun manque selon moi ; à l’exception de celui de la considération de mon opinion. On ne prenait pas vraiment ma parole en compte, ce qui est frustrant lorsque l’on est un adulte au cours d’une formation professionnelle. »
Idem du côté des étudiants. « Je dois admettre qu’en dépit de leur majorité, beaucoup manquaient de maturité. J’ai essayé d’aller vers eux à de nombreuses reprises sans grand succès. Il a fallu attendre l’intervention d’un professeur pour que quelques-uns viennent me voir ou me parler. Malgré tout, les élèves en grande majorité, étaient assez distants ; peut-être à cause de leur regard sur mon handicap ou bien par immaturité. »
Malgré cette expérience, Marie adresse un message encourageant à destination des futurs étudiants en situation de handicap. « Un bon conseil serait de ne pas écouter ses peurs, car les études supérieures peuvent en terroriser plus d’un. C’est notamment mon cas ; j’ai préféré me rabattre sur un cycle court plutôt que d’aller à l’Université. Le fait de poursuivre mon parcours académique dans un lycée m’a semblé plus rassurant, même si aujourd’hui je regrette un peu cette décision.«
« Il ne faut pas se laisser diriger par ses craintes car elles vous mènent à l’erreur ; ne jamais faire quelque chose par dépit même à cause de son handicap. Il faut parfois faire preuve d’audace et se lancer dans l’inconnu. »
L’écartement social : des études supérieures au milieu professionnel
Malgré les diverses campagnes de sensibilisation, les préjugés envers le handicap ont la vie dure. Dans notre article fin 2019, nous révélions les chiffres de l’agence QAPA. 45% des Français confient avoir du mal à accepter un collègue handicapé ; et 52% des recruteurs pensent que les personnes handicapées ont des compétences inférieures aux autres. Considérées comme trop ambitieuses dans leurs objectifs professionnels, quand elles ne sont pas tout simplement infantilisées, les personnes en situation de handicap sont doublement touchées par le chômage ; 19% au lieu de 9% de la population active en 2019 en France.
Atteinte de surdité, Jade témoignait en 2019. « Je n’avais pas particulièrement d’appréhension. Pour moi, mon handicap n’en est plus un, il ne me gêne plus. Mais voilà, je suis revenue à la réalité quand j’ai commencé à chercher un poste de stagiaire. Je m’y suis prise tôt, dès octobre. Mais arrivée en janvier, je n’avais toujours pas de réponse positive. J’avais des appels pour passer un entretien. Mais comme je ne pouvais pas répondre directement au téléphone, je passais par l’intermédiaire de ma mère ou d’un ami.«
« À chaque fois, c’était le même scénario : explication, questions de l’interlocuteur, réticence et retrait de l’offre. Rien à faire, même en disant j’étais en bac +4, que je bossais dur, que j’étais motivée… C’était décourageant.«
Comme à l’université de Perpignan, certains tentent de faire bouger les lignes
Parmi les actions de l’Université, la mise à disposition de tuteurs qui accompagnent l’étudiant en situation de handicap. Le tuteur, lui-même étudiant, propose son aide durant et après les cours. Plusieurs événements sont organisés pour financer les divers dispositifs, et notamment Run My UPVD. Cette course solidaire permet notamment le financement de matériel adapté aux divers handicaps ; mais aussi d’heures de tutorat encadrées par des étudiants-tuteurs, des prises de notes et des secrétaires d’examen.
En 2017, l’université de Perpignan comptait environ 200 étudiants en situation de handicap suivis par son service BAEH (Bureau d’Accueil des Étudiants en situation de Handicap). Un service qui permet à l’Université de fournir des solutions et des aides adaptées afin de répondre à chaque situation et à chaque handicap ; qu’il soit physique ou mental, visible ou invisible.
– Temps supplémentaire lors des examens
– Agrandissement de la police d’écriture des documents à destination de l’étudiant
– Accès aux places de parking réservées
– Transcription des sujets en braille
– Pour les examens : prêt d’ordinateurs, de loupes électroniques, de chaises ergonomiques, etc.
– Tuteurs, prise de notes
– Secrétaires d’examen
– Interprètes en langue des signes française (LSF), codeurs en langue française parlée complétée (LFPC)
– Reformulation des consignes, etc.
// En savoir plus sur le thème du handicap :
- L’Université de Perpignan défie les inégalités lors d’une journée handi-citoyenne #RunMyUPVD
- Et si vous aviez expérimenté le quotidien d’une personne handicapée pendant le confinement ?
- Emploi et handicap – La discrimination à l’embauche a la vie dure chez les recruteurs
- Rentrée des classes dans les Pyrénées-Orientales, l’inspection académique répond
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