Article mis à jour le 1 mars 2021 à 20:22
L’information a été dévoilée ce week-end par le média d’investigation Médiacités : Europe Écologie les Verts suspend de son parti la vice-présidente d’Occitanie Agnès Langevine. La raison affichée ? Une trop grande proximité avec la ligne politique Carole Delga, présidente socialiste de la Région. Une décision qui augure d’un bras de fer entre EELV et le Parti socialiste dans une longue campagne des Régionales 2021.
Retour en témoignages avec la concernée et son ancien parti sur volée de bois vert.
♦ Deux reproches formulés à Agnès Langevine : le manque de transparence et le lien avec Delga
Le parti des Verts se range corps et âme derrière Antoine Maurice comme candidat. Avec sa liste « Archipel citoyen« , le Toulousain était arrivé deuxième aux municipales le 28 juin dernier ; 4,262 voix derrière le maire LR Jean-Luc Moudenc.
Agnès Langevine ne sera donc pas sur la liste EELV. Principal grief de son parti : son manque de transparence. Un cadre régional des Verts s’explique de manière anonyme : « Nous avons eu des informations sur le fait qu’elle partirait au premier tour avec Carole Delga. Elle n’a même pas souhaité candidater aux procédures internes du parti. Ni celles pour les Régionales, ni celles pour les Départementales« .
Avant de préciser : « Lorsqu’on a vu qu’elle continuait à faire campagne pour la Région, et pour Delga, les instances régionales du parti lui ont demandé de s’expliquer. Chose qu’elle n’a pas faite. Agnès Langevine, au contraire, a critiqué notre lancement de campagne.«
« Outre sa volonté d’être avec Delga et le PS, le fait qu’elle ne soit pas claire sur ses intentions nous a obligé à la suspendre« .
♦ Langevine saquée par EELV qui préfère exclure tout rapprochement avec le Parti Socialiste
Pierre Hardy, secrétaire régional d’Europe Écologie Les Verts, commente. « Le 3 octobre, avec nos adhérents d’Occitanie, nous avons voté à hauteur de 90% le texte fixant notre stratégie électorale. Le but est simple : une politique tournée à fond vers l’écologie, et exclure tout rapprochement avec le Parti Socialiste. »
« Agnès Langevine voulait porter une mention quant à un rapprochement avec Carole Delga. Elle montrait bien son désaccord avec nous. Cette situation était ambiguë ; mais c’est bien elle qui s’est mise à l’écart. C’était impossible de continuer« .
Dans un courrier de relance destiné à Agnès Langevine, le secrétaire régional partageait ses doutes sur une probable candidature départementale de cette dernière. « (…) Nous avons des informations issues de plusieurs partenaires politiques, qui ont indiqué que ton nom était évoqué comme possible tête de liste du Parti socialiste, avec Carole Delga, dans le département des Pyrénées-Orientales ».
♦ « On a encore le droit de ne pas vouloir être candidate ! »
La vice-présidente de région, Agnès Langevine, se dit « abasourdie par la décision. Je la trouve injuste au regard du travail que j’ai mené, pendant tout ce mandat, et toujours soutenu par mon groupe écologiste« .
Interrogée sur les reproches qui lui sont faits par son parti EELV, la Perpignanaise se défend. « Je n’ai jamais soumis de candidature en interne. C’est mon choix et mon droit de ne pas être candidate. On a encore ce droit. Surtout lorsqu’on ne partage pas la stratégie de son parti. Je ne vois pas comment on peut me le reprocher ».
Et de dénoncer un certain retournement de veste : « Ce n’est pas parce qu’on sonne le top départ de la campagne électorale, que tout d’un coup, le bilan passe à la trappe ; notamment en matière de transition écologique qui est l’un des meilleurs de France ».
« Tout ça au profit de ce que j’appelle la dérive politicienne : le bal des ego et les jeux d’appareil. Écarter tout dialogue possible avec la majorité, dont nous sommes membres, je rappelle, me paraît complètement déplacé et décalé. D’autant plus en cette période très compliquée. On ne doit pas louper les opportunités pour changer les modèles de développement ».
♦ « Si être libre, c’est un motif d’exclusion, ça leur appartient »
Le mariage entre roses et verts ne fonctionne plus. Agnès Langevine insiste : « Le processus qui a été choisi par les instances régionales du parti n’a pas permis ce dialogue pour trouver les termes d’un accord. C’est incohérent d’écarter le dialogue avec notre majorité. Les gens veulent du rassemblement et de l’unité. Je suis particulièrement bien placée pour avoir vécu cette expérience douloureuse des Municipales. Je sais où la désunion nous mène. Les ambitions individuelles ne m’intéressent pas. Je porte l’écologie. Je suis et reste écologiste. Et je suis fière de ce qu’on a fait durant le mandat« .
Avant de relativiser sur une campagne qui n’a officiellement pas démarré : « Aujourd’hui, avec les autres conseillers régionaux, je m’emploie à travailler sur le terrain. Comme la plupart des habitants, je me fous aujourd’hui du second tour des élections régionales ». Agnès Langevine n’a encore rien clarifié quant à sa position pour les élections. « Je ne dialoguerai pas avant le printemps. Je ne suis pas une accro au pouvoir ».
Et la Perpignanaise d’invectiver son parti : « Si parce qu’on est libre, et différente, c’est un motif de suspension, ça leur appartient« .
Ce froid, entre Agnès Langevine et son parti EELV, peut laisser à croire à une dégradation plus en amont. Interrogée si tel était le cas depuis l’expérience des Municipales de Perpignan, l’intéressée, tiède, tente de réfuter : « EELV et ses cadres locaux ont été particulièrement absents à Perpignan. Mais peut-être, le fait que Aliot soit maire – et que l’extrême droite soit créditée dans les sondages sur un socle haut pour les Régionales – n’est-ce pas leur problème ? Moi ça l’est« .
♦ Carole Delga source de tous les maux ?
L’analyse des sondages ne se fait pas attendre. Tout comme les attaques verbales à l’encontre de la présidente sortante. « Carole Delga est une récente écologiste convertie, poursuit, anonymement, un cadre régional d’EELV. Elle communique beaucoup ; mais fait bien moins qu’elle ne le dit, et elle pique souvent nos idées. L’actuelle présidente de région se prétend de la démocratie participative. Or, nous l’avons vu agir, dans le débauchage, dans le vieux socialisme dans ses manières de campagnes. La discussion ne peut être apaisée avec elle. Est-ce que l’on peut traiter avec des partenaires comme ça ? Non, et cela trahit une certaine fébrilité. De fait, Delga est une des présidentes sortantes à partir aussi bas dans les différents sondages actuels. »
Pierre Hardy tient à tenir, à titre personnel, un autre discours sur sa vice-présidente EELV . « Agnès Langevine a fait un gros travail au bénéfice de l’écologie dans la Région. Le bilan global du mandat de l’équipe de Delga est bon ; mais on peut faire beaucoup mieux, avec des politiques différentes. C’est pour cela qu’on s’en écarte. Et ça ne remet pas en cause le travail de Langevine. Et ce n’est pas non plus une attaque personnelle« .
♦ Break ou divorce entre Agnès Langevine et EELV ?
Mais le divorce n’est pas encore acté ; Pierre Hardy le confirme. « Il s’agit d’une suspension : si Agnès Langevine veut revenir, et soutenir la liste derrière Antoine Maurice, la porte est ouverte« . Avant d’envisager une triangulaire avec le RN au second tour : « C’est simple, dans ce cas-là, nous serions dans le rassemblement face au RN« .
Le cadre régional anonyme conclut, en dénonçant la présidente de Région, comme source de tensions : « Bien sûr, nous aurions préféré qu’Agnès Langevine accepte les décisions votées au sein du parti, et éviter la division. »
« Mais Carole Delga débauche chez nous : nos conseillers régionaux ont été approchés à maintes reprises par la présidente. On aurait préféré qu’il n’y ait pas de fissure dans la famille des Verts. Qu’il y ait de la résistance, en disant non à Delga, simplement« .
dixit un cadre régional des Verts
♦ Le mariage EELV – Génération.S officialisé
Les élections régionales semblent très lointaines dans les esprits. Pourtant, sorti confiant des Municipales 2020 à l’échelle nationale, le parti de Yannick Jadot semble foncer tête baissée dans les Régionales d’Occitanie. Le parti de Benoît Hamon, Génération.S, va se solidariser de la liste d’Antoine Maurice.
Pierre Hardy évoque ce nouveau partenaire : « Nous partageons beaucoup d’idées et il y a la possibilité d’avoir une relation très forte avec Génération.S. Mais s’ils viennent avec nous, c’est pour co-construire notre programme, et non seulement pour en bénéficier« .
// En savoir plus :
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