Article mis à jour le 19 septembre 2023 à 16:28
À Perpignan, la Casa Musicale, « lieu ouvert de pratiques, de rencontres, et de créations artistiques », concentre nombre d’artistes aux univers distincts et aux parcours singuliers. Qu’ils soient confirmés ou en voie de professionnalisation, éclairage sur quelques-uns des talents que renferment les murs de la Casa.
Malcomix, l’envol d’un enfant de la Casa
Malcomix, tout juste 20 ans, est un beatmaker* mordu de musique et toujours en quête de nouvelles sonorités. Inscrit aux ateliers de musique assistée par ordinateur et de hip-hop de la Casa dès ses 6 ans, le jeune homme s’est construit au cœur de la scène rap locale. « Je me suis toujours fait influencer par le côté hip-hop de Perpignan » nous révèle-t-il. Comme un symbole, alors que nous le suivons dans le studio de la Casa afin d’écouter certaines de ses dernières productions, c’est la voix du rappeur perpignanais Gros Mo qui occupe les enceintes. Mais attention, loin de se circonscrire à Perpignan ou au rap, ses influences sont variées et internationales : jazz, RnB… Malcomix se laisse aujourd’hui séduire par des sonorités davantage afro. Sa dernière découverte ? L’amapiano, style musical venu d’Afrique du Sud, à la croisée de la deep house, du jazz et de la musique lounge.
Après quelques clics démarre l’une des toutes dernières créations du beatmaker. L’effet est immédiat. Au rythme des percussions aux sonorités africaines viennent se superposer les battements type house d’un synthétiseur, le tout dans une ambiance à la fois entraînante, envoûtante et énigmatique. « Je prends plein de sons, des loops de percussions, des voix africaines, plein de trucs. Et je modifie un peu les sonorités pour que ça sonne un peu électrique… », à écouter l’artiste la recette pourrait presque paraître simple.
S’il ne vit pas encore de sa musique, le musicien a de bonnes raisons d’espérer. Effectivement, c’est nul autre que Sony Music qui s’est récemment intéressé à ses productions et celles de l’un de ses collègues. Une aubaine pour celui qui a comme ambition ultime de « créer une nouvelle culture musicale ». Le projet à venir devrait donc prendre une autre ampleur, peut-être de quoi faire découvrir sa musique en France, voir à l’international. Malcomix croise les doigts : « En France il n’y a pas beaucoup de gens qui font ce qu’on fait alors que c’est un style international, donc si on peut réussir à ramener l’amapiano ici… ». De quoi rêver plus fort pour ce jeune artiste perpignanais.
Modwheel, l’EP pour la rentrée !
Créé début 2020, Modwheel est un groupe de pop 100 % perpignanais. Mathilde (au chant et au clavier), Benjamin (à la basse et au clavier), Robinson (à la batterie) et Gary (à la guitare) se sont rencontrés durant leurs études au Conservatoire. « Teardrops », leur premier single, qui compte plus de 15.000 écoutes uniquement sur YouTube, avait pris la forme d’une belle promesse pour eux comme pour leurs auditeurs. À l’heure d’analyser le succès de cette première sortie, le groupe reste modeste : « Il y a eu un petit peu… quelque chose… » reconnaît Mathilde dans un sourire. Il faut dire que le timbre chaud de la chanteuse convient parfaitement à ce morceau qui décrit la souffrance cachée d’une femme battue sur une ambiance funk qui laisse place à une touche de mélancolie.
Depuis, le groupe est rentré en phase de création. Les quatre musiciens ont notamment fait le pari de la langue de Molière pour leur prochaine sortie. Un EP, intégralement en français, verra le jour à la rentrée. C’est aussi l’occasion de travailler leur performance scénique, notamment sous la houlette d’Hassan, accompagnateur d’artistes pour la Casa et MC** de son état. « La Casa nous a toujours soutenus » rappelle Mathilde reconnaissante.
Par ailleurs, Modwheel multiplie les dates sur la scène locale. Le groupe, qui a aussi intégré le PaPA, le pôle d’accompagnement de la salle El Mediator, sera au Greenland Festival le 22 juillet. De même, après avoir fait la première partie de Mika lors de l’édition 2022 de Live au Campo, le quatuor remet le couvert pour l’édition 2023. C’est le 24 juillet, avant Jennifer, que le groupe performera. Toujours par la voix de sa chanteuse, le groupe nous révèle la chance que cela représente : « C’est cool qu’Hassan ait vraiment créé ce lien entre les artistes de la région et le Live au Campo. Ça fait un beau tremplin ! ».
Los Graciosos, le renouveau de la musique gitane à Perpignan
La spacieuse salle de répétition mise à disposition par la Casa Musicale n’est pas de trop pour accueillir Los Graciosos et leurs instruments. Ces sept cousins issus de la communauté gitane de Perpignan, perpétuent la tradition de la rumba catalane à Perpignan, en y ajoutant des influences venues du flamenco ou de la musique cubaine. Hommes de peu de mots, à notre arrivée, le groupe décide de se présenter en musique. Pour cela, quoi de mieux que de reprendre « Les diré » de Peret, monument de la rumba gitane ? Guitare, percussions et palmas remplissent bientôt l’espace sonore dans une fabuleuse démonstration, spontanée et chaleureuse. Regards et sourires disent la complicité du groupe alors que se répondent les voix des différents interprètes. « La musique c’est le partage » ponctue Papito, le guitariste.
Issus d’un environnement où la musique était omniprésente, le nom même du groupe est un hommage à cet héritage familial. « Los Graciosos » est un surnom affectif dont ils ont communément hérité très jeunes alors qu’ils se saisissaient des instruments et faisaient mine de savoir en jouer. Malgré tout, c’est bien à la Casa Musicale qu’a été créé le groupe de leur aveu commun. Papito se remémore : « On s’est toujours dit qu’il faudrait qu’on aille à la Casa monter un groupe», preuve de la bonne réputation de l’association, notamment auprès de la communauté gitane. «C’est une chance qu’on a à Perpignan, vous pouvez aller où vous voulez, vous ne trouverez jamais un endroit comme ici», continue le guitariste.
Intermittents du spectacle, Los Graciosos vivent de leur musique depuis 3 ans. Ils comptent déjà à leur actif de nombreuses apparitions remarquées sur la scène nationale, notamment télévisuelles, à l’image de leur participation au concert en mémoire de Manitas de Plata et de Georges Brassens ayant eu lieu à Sète il y a deux ans. Un évènement diffusé sur Arte et décrit comme « magique » et « exaltant la créativité de la rumba gitane » par nos confrères de Télérama.
Un premier album, constitué de compositions et de reprises, devrait voir le jour très prochainement. En attendant, il est possible de les écouter tous les mercredis de l’été à midi, à l’occasion des « mercredis de la rumba » à l’hôtel Pams.
*Beatmaker : Compositeur de morceaux instrumentaux généralement destinés aux artistes rap, hip-hop ou RnB.
** MC pour maître de cérémonie.
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