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Sant Jordi 2024 : Les chroniques littéraires du prix Mare Nostrum

Sant Jordi 2024 - Les chroniques littéraires du prix Mare Nostrum

Article mis à jour le 17 avril 2024 à 16:27

Ce mardi 23 avril 2024, les Catalans fêtent la Sant Jordi 2024. L’occasion de célébrer l’amour et la littérature. Mare Nostrum et Jean-Jacques Bedu, son fondateur, nous livrent leurs dernières recommandations pour offrir un livre et, comme le veut la tradition, une rose rouge. Mare Nostrum publie son premier trimestriel, Mosaïques culturelles. Plus de 180 pages dédiées à la littérature et aux auteurs.

Les Mystiques méditerranéennes de Thierry Grillet, volume 2, « L’histoire oubliée de notre civilisation » parue aux Presses littéraires

Journaliste et photographe, Thierry Grillet explore dans son ouvrage « Mystiques Méditerranéennes » les strates enfouies du passé méditerranéen. Ce second tome approfondit sa quête érudite et intime, croisant la grande Histoire et les destins individuels, les idées et les lieux. Le livre s’ouvre sur le catharisme, ce christianisme méconnu et réprimé que l’auteur replace dans la longue tradition des hérésies gnostiques. Avec rigueur et subtilité, Grillet évite les pièges de l’ésotérisme factice pour nous livrer une leçon de métaphysique de la liberté intérieure. Le judaïsme est l’autre grand filon spirituel exploré, à travers la vie des communautés juives catalanes au Moyen-Âge.

Entre créativité intellectuelle et persécutions récurrentes, c’est un âge d’or paradoxal que ressuscite l’auteur. De retour sur ses terres d’élection de l’Aude, Thierry Grillet exhume les traces des Templiers et des seigneurs protégeant le catharisme, avant de s’intéresser aux mystérieux pouvoirs du sel, du jais et de l’ambre. Un réenchantement des hauts lieux de notre mémoire. Enfin, une galerie de portraits dessine une cartographie intime de l’espace méditerranéen, de l’écrivain Joseph Delteil au chanteur Camaron de la Isla, en passant par le psychiatre François Tosquelles. Érudit et passionné, Thierry Grillet invente avec ce livre inclassable une nouvelle manière de faire de la micro-histoire. Il se fait le passeur inspiré d’une Méditerranée porteuse d’avenir, où de grands rêves continuent de naître sur les décombres des illusions perdues.

Mohammed Aïssaoui, Dictionnaire amoureux d’Albert Camus, avec la complicité de Catherine Camus, dessins d’Alain Bouldouyre, aux éditions Plon

Mohammed Aïssaoui nous offre un magnifique hommage à Albert Camus dans son Dictionnaire amoureux. Véritable compagnon de route depuis l’adolescence, Camus est pour Mohammed Aïssaoui un « frère » qui l’accompagne et l’inspire. Richement documenté grâce à l’accès à des archives inédites, l’ouvrage dresse le portrait intime et fraternel d’un Camus profondément humain. À travers les entrées qui épousent les méandres d’une vie et d’une œuvre indissociables, se dessine la figure d’un homme habité par ses blessures d’enfance, un amoureux transi, un ami fidèle et un militant engagé contre toutes les oppressions.

La pensée de Camus, fondée sur le constat de l’absurde et la nécessité de la révolte, est brillamment exposée, notamment lors de la genèse tourmentée de L’Homme révolté. Mais c’est aussi le Camus algérien qui nous est rendu dans des pages vibrantes, révélant un écrivain amoureux des paysages de son enfance. Loin d’être une simple compilation érudite, ce dictionnaire ressuscite Camus dans une langue inspirée. Il nous dépeint un homme en proie au doute mais toujours fidèle à son éthique humaniste. Par-delà la légende, Mohammed Aïssaoui parvient à nous rendre proche et familier un Camus éternellement vivant, qui continue d’éclairer nos consciences. Une invitation à lire et relire cette œuvre universelle et intemporelle, pour s’approcher un peu plus de cet écrivain fraternel qui nous tend encore la main.

Metin Arditi, L’Île de la Française, aux éditions Grasset

Metin Arditi nous offre avec « L’Île de la Française » un roman dense et mystérieux, explorant les thèmes de l’exil, de l’art et de la quête identitaire. L’intrigue se déroule sur l’île grecque de Saint-Spyridon, où la photographe parisienne Odile est profondément attachée malgré les blessures du passé. L’île devient une métaphore puissante de l’exil et de la nostalgie, ce « nostos » douloureux qui étreint Odile et donne au roman une résonance universelle. Autour d’elle se nouent des relations filiales complexes avec sa fille Pénélope et la jeune Clio, devenue moniale. La photographie, art de prédilection d’Odile, est au cœur du roman. Lorsque Clio introduit un appareil photo au monastère, c’est tout l’ordre établi qui vacille.

L’art devient un ferment de libération, un souffle de vie qui balaye les interdits. Arditi explore avec justesse le poids des secrets et des non-dits qui façonnent la communauté insulaire. La disparition de Pénélope agit comme un révélateur des drames enfouis, faisant basculer les destins. Avec une écriture intense et envoûtante, Metin Arditi touche à l’universel en explorant les blessures intimes qui font notre humanité. Au-delà de son ancrage grec, « L’Île de la Française » est une méditation sur la condition humaine et cette quête éperdue de sens qui fait notre grandeur et notre misère. Un roman bouleversant qui résonne longtemps après sa lecture.

Azza Filali, Malentendues, publié par les éditions Elyzad

Azza Filali, figure de la littérature tunisienne contemporaine, explore avec finesse dans « Malentendues » la condition féminine dans la Tunisie d’aujourd’hui. Le roman suit Emna Laamiri, brillante avocate chargée d’évaluer l’autonomie des femmes rurales à Djerba, dans le village traditionnel de Tezdaïne. Cette immersion confronte Emna, femme moderne et émancipée, à une réalité où les rôles genrés sont strictement définis. Ce décalage est source de malentendus mais ouvre aussi la voie à un dialogue fécond entre deux univers opposés. Loin des clichés, Azza Filali dépeint une galerie de personnages féminins forts et divers, reflétant la complexité des expériences féminines tunisiennes.

Le roman explore le choc des cultures et la confrontation modernité-tradition. Emna incarne une modernité qui se heurte aux coutumes ancestrales. Mais l’auteure nuance, montrant que tradition ne rime pas avec immobilisme. Elle invite à repenser les préjugés, à trouver un équilibre où les femmes s’émanciperaient sans renier leur identité culturelle. Au-delà de son ancrage tunisien, « Malentendues » porte une réflexion universelle sur l’émancipation et la quête identitaire. À travers Emna, Filali montre la complexité de ce processus, les obstacles extérieurs et intérieurs. Cette quête de soi, si intime soit-elle, touche à la condition humaine. Avec une écriture ciselée et empathique, Azza Filali signe un roman d’une grande finesse, entre justesse psychologique et portée universelle. « Malentendues » est appelé à devenir une référence de la littérature tunisienne contemporaine.

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