Depuis 2019, le nombre d’étudiants en première année de formation d’infirmier progresse fortement, passant de 31.000 dans les années 2010 à 35.500 en 2021. Pourtant, durant cette même période, le nombre de diplômés chute de 7%.
Comment expliquer ce phénomène ? La pandémie a-t-elle eu un impact sur les abandons durant les études en IFSI ? Un infirmier a accepté de répondre à quelques questions et livre son point de vue.
Plus d’inscriptions en première année
Alors que les quotas sont relativement stables jusqu’en 2019, les inscrits en première année évoluent de manière contrastée entre 2011 et 2021. Les effectifs sont stables jusqu’en 2016 avec environ 31.000 inscrits, diminuent de 3% en 2017 puis de 1% en 2018, mais remontent de 6% en 2019. Ces évolutions sont la conséquence de réorganisations ponctuelles d’IFSI, probablement pour anticiper l’entrée dans Parcoursup en 2019. La forte hausse de cette année-là compense les baisses des années antérieures. En 2021, le nombre d’inscrits en première année progresse de 9%, à un rythme plus élevé que les quotas (+6%).
81% des étudiants sont diplômés au bout de 3 ans
La formation en soins infirmiers dure 3 ans. La promotion de 2018 était constituée de 30.182 étudiants en première année et de 24.557 diplômés trois ans plus tard, soit 81% des inscrits en première année. Comment expliquer les 19% manquants ? L’échec du diplôme ne concerne qu’une minorité d’étudiants, puisque 86% des inscrits en première année ont été présentés au diplôme. L’abandon est la raison principale, mais celui-ci peut s’expliquer par des évènements individuels de scolarité (césure, arrêt maladie, congé maternité, redoublement, passerelle ou équivalence…).
L’écart entre les étudiants inscrits en première année et les diplômés trois ans plus tard était de 16% pour la promotion 2010. Excepté pour la promotion 2017 (diplômée l’année de la crise sanitaire), cet écart augmente depuis la promotion 2012 pour atteindre 19% pour les promotions 2016 et 2018. En revanche, le taux d’obtention du diplôme est relativement stable, oscillant entre 93 et 96%.
Un infirmier sur six de la promotion 2018 a abandonné
Les abandons sur l’ensemble de la scolarité représentent 14% des inscrits en première année de formation en 2018. Ce taux d’abandon par promotion a progressé de 3% depuis 2011. 39% des abandons ont eu lieu en première année, 36% en deuxième année et 25% en troisième année de scolarité. Le nombre d’abandons en première année de formation des promotions 2019 et 2020 (années de la pandémie) progresse fortement : +52% pour la promotion 2019 et +18% pour celle de 2020.
Xavier, infirmier en soins généraux principalement dans les services de médecine, diplômé en 2018, estime que les cours en distanciel liés à la pandémie ont été difficiles à vivre pour beaucoup d’étudiants. Toutefois, pour lui, la pandémie n’explique pas tout.
« La différence entre les étudiants diplômés avant et après est plutôt due aux modalités d’admission. Avant la pandémie, il fallait passer le concours pour entrer à l’IFSI, avec des tests psychotechniques, des épreuves écrites, puis un oral devant un jury ce qui permettait pour les IFSI de sélectionner les profils qui leur semblaient les plus intéressants. Aujourd’hui, la formation fait passerelle avec les formations universitaires ce qui amène des étudiants à se présenter aux IFSI en sachant d’avance qu’ils ne travailleront jamais en tant qu’infirmier et avec la plateforme Parcoursup, il est beaucoup plus difficile pour les IFSI de sélectionner les profils qui correspondent vraiment à la profession d’infirmier ».
Xavier constatait déjà des abandons à l’époque où lui-même était étudiant infirmier. Lui qui a toujours voulu devenir infirmier explique que les désillusions face aux réalités du métier sont peut-être la cause des abandons. Des désillusions qui ne l’ont pas poussé à abandonner sa formation mais qui ont eu raison de nombreux étudiants. Il explique que « la charge de travail demandée et la masse de choses à apprendre et à retenir est beaucoup plus importante que pour le bac général ». Par ailleurs, il avoue que « les expériences de stage qui représentent la moitié de la formation, s’accompagnent souvent d’expériences pénibles ». Pour lui, l’abandon peut s’expliquer par le fait d’être « confronté à la réalité du terrain ». Quelque chose de plus difficile à vivre pour les jeunes.
Plus d’abandons chez les hommes
Bien que le métier d’infirmier soit féminisé et souvent genré au féminin, il ne faut pas oublier les hommes qui exercent ce métier. En 2021, 87% des étudiants en soins infirmiers sont des femmes. Les hommes en formation abandonnent plus fréquemment que les femmes. Le taux d’abandon chez les hommes de la promotion 2018 atteint 19%, contre 13% pour les femmes, et 14% pour l’ensemble de la promotion. Cette proportion a progressé de façon plus importante chez les étudiants que chez les étudiants depuis la promotion 2011.
En tant qu’homme, Xavier confie que ses stages se sont « globalement plutôt bien passés ». De son expérience et en discutant avec ses collègues, il pense même qu’il est « plus facile d’être intégré dans un stage en étant un homme ». Il confie avoir constaté dans sa promotion plus d’abandons chez les hommes que chez les femmes, surtout en première année. Mais pour lui, pas de rapport avec le genre. Les concernés dénonçaient plutôt le comportement des équipes avec les étudiants en stage.
Des différences selon les régions de France
Les taux d’abandon en formation en soins infirmiers sont plus dispersés selon les régions pour la promotion 2018 que pour celle de 2011. Pour la promotion 2011, ils varient de 7 à 13%, hors DROM et Corse, contre 8 à 19% pour la promotion 2018. Le taux d’abandon a augmenté dans toutes les régions entre ces deux promotions, mais pas au même rythme. L’évolution a été la plus importante pour les Pays de la Loire et la Normandie et la moins importante pour la Bourgogne-Franche-Comté et la Bretagne.
L’expérience d’un professionnel
Xavier, qui est régulièrement amené à encadrer des étudiants, n’a pas constaté d’envie d’abandonner de leur part. Il n’a jamais été confronté à des étudiants qui avaient envie d’abandonner. Mais pour lui, « les étudiants n’osent pas verbaliser leur envie d’abandonner la formation ». Il explique « quand un stage se passe mal, la majorité des étudiants attend la fin du stage pour en parler à l’IFSI, quitte à refaire un stage plus tard ». Il encourage les étudiants qui auraient envie d’abandonner à se tourner vers les professionnels qui sont à leur disposition. « Il faut oser en parler », insiste-t-il.
Alors que plusieurs études ont montré que la durée de vie d’un infirmier était de 7 ans, Xavier, avec ses 5 ans d’expérience, ne se voit pas changer de métier. « Je me suis accroché pendant la pandémie, mais je comprends l’épuisement de certains professionnels ». Il dénonce « les fermetures de lit, le sous-effectif, les fermetures de service, les conditions de travail ». S’il avait quelque chose à dire aux étudiants ayant envie d’arrêter leur formation « il faut en parler, parlez de vos expériences, c’est compliqué de se faire entendre, mais il faut se rapprocher des IFSI, des psychologues, des cadres de santé ».
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