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La sécheresse pousse aux interdictions et aux prières dans le Roussillon

Robinet et fontaine d'eau dans le Sud. La sécheresse pousse aux interdictions et aux prières dans le Roussillon ?

Article mis à jour le 23 mai 2023 à 11:44

Nicolas Garcia – maire d’Elne, vice-président du Département des Pyrénées-Orientales et président du Syndicat Mixte pour la protection et la gestion des nappes de la plaine du Roussillon – a récemment fait parler de lui en interdisant toutes nouvelles constructions de piscines, de forages ou de puits privés sur sa commune.

Retour avec l’intéressé, sur un arrêté municipal qui en dit long sur la situation locale placée en « alerte renforcée ». Une sécheresse qui a notamment poussé un conseiller municipal de Perpignan, aux traditions liturgiques les plus anciennes.

Les restrictions en place depuis l’été 2022 sont renforcées et prolongées jusqu’au 30 avril.

Le département et le pays font face à l’une des pires sécheresses jamais traversées. À tel point que Christophe Béchu, ministre de la transition écologique, a dû convoquer tous les préfets de France – qui animent la politique de l’État en matière de gestion de l’eau – face à cette situation alarmante. Un mot d’ordre : « Ne pas avoir la main qui tremble pour prendre des arrêtés »a déclaré le ministre à l’AFP.

« Je n’ai pas de difficulté à expliquer aux préfets qu’il faut être alarmé», poursuit Christophe Béchu dans l’interview datée du 27 février dernier. «En Occitanie, Auvergne-Rhône-Alpes et région sud, le niveau d’humidité des sols correspond à celui observé normalement fin mai ». 

C’est ainsi que le préfet des Pyrénées-Orientales, Rodrigue Furcy, a décidé de prolonger et de renforcer les restrictions d’usage – en place depuis l’été dernier déjà – jusqu’au 30 avril. Le territoire est placé en alerte renforcée.

« Ce qui implique notamment pour les usages économiques un niveau d’effort de 50 % par rapport aux droits habituels« , communique la préfecture sur son site.

Ainsi, et jusqu’au 30 avril, il est interdit aux particuliers : d’arroser les pelouses, de remplir les piscines individuelles, de nettoyer son véhicule (sauf en station de lavage). Ces restrictions concernent également les collectivités locales pour l’arrosage des espaces verts, des stades, et le lavage à grande eau des voiries et des terrasses. « Un nouveau comité ressource en eau se réunira le 21 mars 2023. »

« Imaginez une famille qui ne peut arroser son potager (…) et pourtant son voisin remplit sa piscine » – Nicolas Garcia.

Dans le sens de cette urgence qui est censée concerner tout le monde, Nicolas Garcia (PCF) a pris les devants pour sa commune : le 7 mars, le maire a publié un arrêté municipal interdisant les nouvelles constructions de piscines, de puits et de forages privés.

Il tient cependant à détailler « que les constructions déjà commencées, et les particuliers qui ne sont pas reliés au réseau public d’eau potable, ne sont pas concernés. »

Aucune pluie n’a encore été suffisante dans les Pyrénées-Orientales pour pallier la situation. Nicolas Garcia rebondit sur le sujet : « Tant qu’il y a l’arrêté préfectoral qui détermine « l’alerte renforcée », voir « en crise »; je ne lèverai pas mon arrêté municipal qui est pris jusqu’au 30 avril. » Et d’argumenter quant à cette décision – une première dans le département : « Imaginez une famille qui ne peut pas arroser son potager de jardin, à cause des restrictions en place, et qui pourtant, voit son voisin remplir sa piscine. »

La médiatisation de cette décision municipale n’a pas laissé indifférents les professionnels de la piscine.

Nos confrères du journal L’Indépendant titraient « Ce n’est pas en empêchant les gens de construire leur piscine qu’on va économiser de l’eau » – en citant Mathieu Combes, dirigeant des Piscines Ibiza. Ce dernier, toujours dans les colonnes du journal du groupe La Dépêche, pointant du doigt la gestion des fuites de canalisation. Celles-ci représenteraient « 20% des dépenses en eau, en France », selon lui.

Interrogé sur cette réaction, le maire d’Elne en rigole : « La moyenne est de plus de 20% à vrai dire en France. Je n’ai pas de débat avec les professionnels de la piscine. Ils ont raison : il faut poursuivre les efforts sur la gestion des fuites des canalisations communales. »

Il poursuit : « Ce n’est pas parce qu’il y a ces fuites d’eau, qui sont d’ailleurs très compliquées à gérer et très coûteuses à résoudre, qu’on peut continuer à faire n’importe quoi à côté. À ce stade, l’eau non-essentielle doit être économisée pour nos besoins vitaux : l’arrosage agricole et les nécessités d’élevage. Pourquoi en sommes-nous là ? Parce qu’on n’a pas fait attention collectivement. Effectivement, les piscines ne sont pas responsables de la sécheresse. Mais là, nous devons travailler dans l’urgence ; ainsi que sur l’image, et toute la symbolique qu’une piscine renvoie, en période de sécheresse extrême. »

« Ce n’est pas un débat philosophique sur les piscines : on demande des efforts de la part de tout le monde. »

Une piscine, lorsqu’elle est remplie, c’est généralement durant les mois qui précédent les premières grosses chaleurs : avril, mai ou juin. Nicolas Garcia avance que « ce prélèvement en eau n’a pas le même impact qu’aux mois de novembre ou décembre. » 

Et de rappeler « que nous sommes dans l’avant-dernier niveau d’alerte, lié à la sécheresse, et ce au mois de mars. Ce n’est pas un débat philosophique sur les piscines : on demande des efforts de la part de tout le monde. Mon arrêté municipal me paraît raisonnable. »

Le maire d’Elne assure avoir été motivé, entre autres, sur le fait que l’eau d’une piscine bien tenue peut tenir plusieurs décennies. Or, toujours selon lui, le forage particulier et ses prélèvements d’eau ne sont pas assez bien comptabilisés.

Quid des fuites d’eau issues des canalisations du réseau communal ; qui représenteraient donc plus de 20% des dépenses en eau en France ?

Du mille-feuille administratif et financier pour la rénovation des canalisations communales en France.

« Nous avons gagné 10 ou 12 points de rendement, après avoir refait des canalisations à l’échelle du département », répond le vice-président des Pyrénées-Orientales. « Ce ne sont plus les communes qui ont la compétence des canalisations, mais les intercommunalités. Ces travaux se font régulièrement. À Elne, deux quartiers importants ont été rénovés à ce sujet et pour gagner en rendement : la ville basse et le quartier à côté de la mairie. »

Ces travaux ont représenté 800,000 euros, selon le premier édile. Toujours d’après lui, l’essentiel des subventions viendrait du Département, de la Région et de l’Agence de l’eau. Cette dernière étant financée par les redevances acquittées par les usagers de l’eau. « L’État, qui a réuni les différents Préfets sur l’urgence de la sécheresse, devrait mettre de l’argent pour la rénovation des canalisations. Ce n’est pas encore le cas. » – Nicolas Garcia.

Car la sécheresse révèle d’autres surprises. Notamment la question de la gestion de l’eau aux différentes échelles. Là encore, un entremêlement d’acteurs : la Préfecture, le Département, la ville, la communauté de communes, les divers syndicats (regroupés ou non), etc.

Qui de mieux placé chez les politiciens pour gérer cet or bleu, vital à chacun ?

Dans un précédent article, Nicolas Garcia – qui est président du Syndicat Mixte pour la protection et la gestion des nappes de la plaine du Roussillon – avait plaidé pour la création d’une entité départementale et indépendante, et au profit de la gestion de l’or bleu. Il avait avancé des pistes de réflexions en se basant sur le fonctionnement du Sydetom 66, le gestionnaire des déchets dans le département.

Relancé à ce sujet, le maire communiste d’Elne apostrophe des acteurs politiques locaux : « Les petits enjeux politiciens de certains bloquent tout, et ils ont essayé de faire capoter cette idée de création. De grosses structures locales ont toujours peur que le Département prenne position ; alors je répète, ce dernier ne veut pas y siéger, mais veut participer à son financement pour son bon fonctionnement. »

Qui est visé ? « Sud Roussillon et Perpignan Méditerranée Métropole ont dit que cette idée n’était pas indispensable. »

Cette brouille politicienne rappelle les négociations mal embarquées sur l’alimentation de la retenue de la Raho. La ville de Perpignan et le Département se chamaillant deux points au sujet de l’alimentation de ce lac ; à relire dans notre article précédent. Mais qu’en est-il de ce dossier ?

« Aujourd’hui, la mairie de Perpignan et certains de ses conseillers municipaux préfèrent invoquer le religieux et le liturgique – plutôt que de chercher des solutions concrètes et des alternatives » ; répond Nicolas Garcia qui a la main sur le dossier côté Département.

Entre appel à la prière pour la pluie, à Perpignan, et tentatives de sensibilisation en vue du tourisme de masse.

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Le maire d’Elne fait référence à la procession de St-Gaudérique ; prévue ce samedi à Perpignan, et organisée par George Puig, viticulteur et conseiller municipal de la ville.

Le tourisme de masse vient, en pleine saison à risques, ajouter un énorme besoin supplémentaire en eau. Si à la fin de l’hiver la question de la gestion se pose déjà, sans la présence des masses estivales, comment y répondre et comment la préparer en amont ?

Dans un communiqué, le mouvement Agissons appelle à « une réflexion en vue de la période touristique estivale – notamment de la gestion de l’eau entre agriculture et tourisme. Le mouvement appelle la priorité aux besoins agricoles, et à une responsabilisation et des efforts des touristes et des professionnels du secteur. »

Nicolas Garcia de rejoindre la proposition du mouvement Agissons : « Aujourd’hui, il faut tout faire pour la priorité alimentaire et ce qui en dépend. Les touristes ne sont pas responsables. Mais l’usage de l’eau à cette période l’est. »

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Idhir Baha