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Sécheresse : faute de fourrage, les éleveurs cerdans forcés d’abattre leurs animaux

Perpignan inaugure sa première Fête de l’Agriculture

Article mis à jour le 26 avril 2024 à 15:23

Aux abois, et en l’absence de réponse de la part du ministère de l’agriculture, les éleveurs cerdans appellent à une mobilisation* à 10 heures ce samedi 16 décembre à Ur.

La sécheresse historique que vit le département des Pyrénées-Orientales contraint les éleveurs à acheter du fourrage pour nourrir leurs bêtes. Malgré le système d’assurance perte de récolte fourrages, pas d’indemnisation pour ces éleveurs. En cause, la divergence de calcul de pertes avec les assureurs. Sans réponse du ministère de l’agriculture, Christian Taillant, éleveur de vaches et de brebis depuis 20 ans à Osseja, envisage de «décapitaliser» dès le mois de janvier 2024. «Décapitaliser», un mot tout en sobriété qui signifie que certaines bêtes seront sacrifiées pour permettre de financer le fourrage pour nourrir le reste du cheptel.

«Certains n’ont pas encore dégoupillé, mais moralement ils sont très atteints»

Si Christian Taillant a pris le dossier à bras-le-corps, il n’en demeure pas moins que – pour nourrir ses 200 vaches et autant de brebis – il devrait acheter pour 180.000 euros de fourrage. Inenvisageable malgré les aides débloquées par la Région en novembre dernier. D’habitude, les éleveurs des Pyrénées-Orientales sont autosuffisants, or la sécheresse a réduit considérablement les rendements des prairies. Avec le fourrage récolté, Christian ne peut nourrir ses animaux que pendant 30 jours. Au-delà il faudra conduire des bêtes à l’abattoir.

«J’ai négocié avec les banques pour échelonner mes prêts et pouvoir acheter un peu de nourriture, mais au-delà je vais devoir décapitaliser.» En clair, Christian envisage sérieusement de vendre 50 de ses 200 vaches. «Alors soyons clairs, nous avons tous déjà vécu des années de sécheresse. Jusque-là nous avions une sécheresse tous les quatre ans, et nous pouvions assumer. Mais là, nous partons sur deux années consécutives, et ce n’est pas possible ! Et le ministère ne nous répond pas.»

Si Christian se montre combatif, ce n’est pas le cas de certains de ses confrères. «J’ai créé un groupe sur Whatsapp avec une quarantaine d’éleveurs, où nous nous relayons les informations. C’est aussi cette solidarité et cette écoute qui fait que certains n’ont pas encore dégoupillé, mais moralement ils sont très atteints. Nous avons besoin de réponses rapides.»

Calcul des pertes : les divergences entre les agriculteurs et les assureurs

Christian Taillant décrypte pour nous le système d’assurance. Selon l’éleveur, l’État a mis en place un système assurantiel qui permet une indemnisation dès lors que la perte de récolte atteint un certain pourcentage. Or, les assureurs se basent sur le site pleinchamp.com qui analyse les pertes selon un satellite. Mais, selon Christian, cet outil ne ferait pas la différence assez finement. Et pour prendre l’exemple du plateau cerdan, sur la commune d’Osseja, le site n’indique que 11% de pertes sur les prairies. Cependant, en montagne, les pertes liées à la sécheresse ne sont pas les mêmes sur les estives que sur le plateau, où justement se cultive le fourrage destiné à nourrir les animaux. «Moi j’ai des parcelles, où j’ai perdu 100% de ma récolte, mais le site m’indique seulement 11% de pertes, et avec une franchise de 20%, je ne suis pas du tout indemnisé,» confie Christian.

Selon Corinne Parassols, elle-même éleveuse de bovins et de porcs, jusque-là les assureurs se basaient sur des estimations de terrains réalisées par des agents de la DDTM**, pratique qui est encore en vigueur pour les céréales. Mais pour les fourrages, depuis cette année, le ministère a mis en place l’analyse des données par satellite. Or, selon celle qui est aussi présidente de la commission montagne-élevage de la FDSEA66***, le satellite ne sait pas analyser la perte quand le terrain est en pente. Et c’est le cas en montagne.

Ainsi les données sont contradictoires : les céréales de Cerdagne analysées par les agents de la DDTM ont bien souffert de la sécheresse, mais pas l’herbe des prairies. «Nous demandons au ministère de se baser sur les analyses de terrain des agents de la DDTM et d’abandonner le système des données par satellite qui n’est pas cohérent. Nous avons plusieurs éléments qui prouvent que les récoltes ont souffert de la sécheresse, mais le satellite ne sait pas lire les pentes.» 

Silence radio du côté du ministère de l’Agriculture 

Depuis le mois d’août, les éleveurs cerdans ont fait appel au sénateur Les Républicains Jean Sol. Les éleveurs exprimaient déjà leurs craintes face à ce nouveau dispositif de calcul des pertes agricoles. Jean Sol s’est mué en porte-parole auprès de la préfecture des Pyrénées-Orientales et du ministre de l’Agriculture, Marc Fesneau. «Dès le mois d’août, j’ai fait part des difficultés des éleveurs et des problématiques des mesures satellite auprès de la préfecture. Déjà cet été, les mesures satellitaires ne correspondaient pas du tout au ressenti des éleveurs sur ces terrains de montagne.» Selon Corinne Parassols, la dernière mesure mensuelle est tombée le 12 novembre, et les écarts sont encore plus grands entre les chiffres fournis par le satellite et la réalité de terrain.

Cheptel de bovins dans les montagnes des Pyrénées-Orientales en juin 2023 © MiP

De son côté, Jean sol a à nouveau sollicité le ministère afin qu’il se positionne face à la situation dramatique des éleveurs. «Il faut soit qu’ils demandent au système assurantiel de dédommager les éleveurs en se basant sur une autre méthode de calcul ; soit créer un fonds pour les soutenir. Parce qu’on ne peut pas leur expliquer que des céréales ont subi des pertes liées à la sécheresse supérieures à 80% et le fourrage sur la parcelle voisine à moins de 30%, ce n’est pas cohérent. Le ministère s’est engagé à me donner une réponse par mail, mais à ce jour, je n’ai rien reçu.»

Jean Sol affirme haut et fort sa solidarité envers les éleveurs qui ne peuvent pas nourrir leurs bêtes et anticipe une nouvelle année sèche. «Le printemps c’est demain. S’ils ont des difficultés pour nourrir leurs bêtes maintenant, qu’adviendra-t-il si l’eau n’arrive pas ? La problématique sera majorée en 2024/2025. Et je serai bien sûr ce samedi aux côtés des éleveurs à Ur.»

Contacté, le ministère n’a pas donné suite à nos demandes.

*Mobilisation le Samedi 16 décembre à 10h00 à UR Ronds-points intersection D68–D30 et D68-N20
** DDTM, direction départementale des territoires et de la mer.
***FDSEA, Fédération départementale des syndicats d’exploitants agricoles.

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