Article mis à jour le 22 avril 2021 à 18:35
Le contexte sanitaire a accéléré la transition numérique et exacerbé les positions, notamment en termes de commerce électronique. On se souviendra de la polémique en décembre dernier autour de l’arrivée d’Amazon à Rivesaltes. À Perpignan, le 15 mars, un groupe vigie de l’association Alternatiba66 manifeste devant le siège de l’agglomération pour renouveler son opposition au projet de la multinationale (photo de Une).
Cette marche forcée vers le numérique a logiquement suscité de nouvelles interrogations. Quelles en sont les retombées environnementales et sociales ? Quelles en sont les conséquences sur l’organisation du travail et des relations professionnelles ?
Pour tenter de répondre à ces questionnements, Made in Perpignan vous propose une synthèse du récent rapport édité par la Plateforme Responsabilité Sociale des Entreprises (RSE) fondée en 2012. Car si de nombreux avantages étaient attendus du numérique au moment de son déploiement, ses avantages effectifs (productivité, compétitivité, etc.) ne sont pas les mêmes que ceux envisagés initialement.
♦ Intégrer les enjeux sociaux et environnementaux à la responsabilité numérique
La Plateforme RSE a décidé en 2018 de constituer un groupe de travail portant sur la « Responsabilité numérique des entreprises » (RNE). Mais qu’est-ce que la RNE au juste ? La plateforme définit cette responsabilité numérique comme un déploiement nouveau et incontournable de la responsabilité sociale ; fondée sur les mêmes principes de redevabilité, d’éthique et d’échange avec les parties prenantes des entreprises.
La RNE concerne les processus internes à l’entreprise (recherche, production, commercialisation…), la mise sur le marché des biens et services produits par l’entreprise, mais aussi leur utilisation par les personnes tierces. L’exercice, par les entreprises, de leur responsabilité numérique doit ainsi permettre de développer des stratégies et méthodes partagées afin, d’une part, de réduire les impacts négatifs du numérique et, d’autre part, de l’utiliser au service de la transition écologique.
Les impacts environnementaux du numérique sont présents tout au long de la chaîne de valeur des produits des entreprises. Cela concerne également leur utilisation par le consommateur final ; ainsi que les déchets qu’ils produisent. De plus, le numérique a bouleversé le travail dans l’entreprise et donne à celle-ci de nouvelles responsabilités ; notamment dans le contexte de crise sanitaire et de généralisation du télétravail.
Le numérique modifie les relations managériales, les métiers mais aussi les conditions de travail. Il induit de nouveaux risques et nécessite une attention particulière concernant les dynamiques collectives et les pratiques de dialogue social. Les modèles de plateformes numériques créent de nouvelles conditions de travail et soulèvent des enjeux relatifs au droit des travailleurs indépendants.
♦ Apports du numérique à la transition écologique
Le développement du numérique a des effets environnementaux et sociaux ambivalents. La Plateforme RSE recommande d’adopter le principe de sobriété comme stratégie principale et outil de déploiement de la RNE, ainsi que de l’intégrer aux dispositifs législatifs. La sobriété peut se déployer dans la conception des équipements et des logiciels ; mais aussi dans leur utilisation par le consommateur final. Selon le rapport, il est nécessaire de favoriser une conception responsable et d’allonger la durée de vie des produits et des infrastructures ainsi que de lutter contre l’obsolescence logicielle et matérielle.
L’efficacité des infrastructures, qui peuvent, elles aussi, être écoconçues, est un des leviers permettant de réduire l’impact environnemental du numérique. Ainsi, les data centers (centres de données), très énergivores, peuvent aussi voir leur consommation réduite par des techniques telles que le free cooling. Ce système de refroidissement diminue l’utilisation de la climatisation et réorientant la chaleur des data centers.
Pourtant, les apports du numérique à la transition écologique doivent être mis en balance avec l’effet rebond induit. En effet, le gain en efficacité n’est pas automatiquement synonyme de diminution des consommations. Il peut, au contraire, pousser à une utilisation plus extensive de ces technologies, malgré le gain d’efficacité.
♦ Comment mesurer l’impact environnemental du numérique ?
La Plateforme RSE rappelle que les émissions de gaz à effet de serre ne sont pas les seuls indicateurs à prendre en compte. En effet, elle retient quatre indicateurs environnementaux majeurs, proposés dans l’étude « Empreinte environnementale du numérique mondial» de GreenIT.fr ; indicateurs qui vont représenter partiellement l’empreinte environnementale du numérique :
1. Épuisement des ressources abiotiques (minerais principalement) ;
2. Changements climatiques (émissions de gaz à effet de serre) ;
3. Énergie primaire (énergie non transformée telle que disponible dans la nature – pétrole
brut, énergie hydraulique, gaz naturel…) ;
4. Consommation d’eau.
♦ Responsabilité numérique des entreprises : dimension sociale
Le numérique demande l’acquisition de nouvelles compétences et entraîne la transformation du modèle managérial, qui a modifié l’organisation du travail. Les conditions de travail évoluent également avec le numérique, engendrant des risques, tant psychosociaux que « classiques ». Les frontières sont de plus en plus floues entre la vie professionnelle et la vie privée ; notamment par la connexion professionnelle sur des outils personnels. Ainsi, le droit à la déconnexion est un levier nécessaire pour protéger la vie privée des salariés et leur temps de repos.
Par ailleurs, les auditions conduites par la Plateforme RSE ont montré que les personnes âgées ne sont pas les seules exclues du numérique ; les jeunes et les qualifiés peuvent aussi l’être. Aux difficultés du numérique, de nombreuses problématiques se superposent : accès au numérique (défaut d’équipement, accès aux infrastructures de réseaux), à l’emploi (manque de formation), à l’information (acculturation aux outils).
Par ailleurs, ces inégalités peuvent se renforcer dans le cadre de l’exercice de l’activité professionnelle. L’usage et la maîtrise des outils numériques peuvent être des facteurs de sélection et d’inégalité pour l’entrée et le maintien dans l’emploi. Selon le rapport, les projets de médiation et d’accompagnement vers le numérique doivent ainsi être encouragés, sur l’ensemble du territoire.
La Plateforme RSE estime par ailleurs que des politiques de télétravail permettant de préserver le collectif de travail et le travail collaboratif doivent être définies par les entreprises. Ces politiques doivent protéger de l’isolement en favorisant les équilibres des relations de travail. Doit également être portée une vigilance particulière sur les conditions de travail dans les lieux collectifs (tiers-lieux, espaces partagés etc).
♦ Transformation de l’économie par le numérique : les plateformes numériques
L’implémentation du numérique dans l’économie crée également de nouvelles formes de travail. L’économie des plateformes constitue un élément disruptif et clivant ; notamment en raison des problématiques relatives au droit des travailleurs qu’elles soulèvent. En particulier, la jurisprudence française et internationale autour de l’entreprise Uber fournit de nombreux éléments de réponse à ces questionnements.
Le droit reconnaît ainsi peu à peu les travailleurs de plateformes comme des salariés. Pourtant, une difficulté réside dans l’équilibre entre indépendance et sécurité de ces travailleurs. Ainsi, dans le rapport Réguler les plateformes numériques de travail, la solution du « tiers statut » semble écartée ; et une qualification de travailleurs indépendants est explorée, assortie d’avantages particuliers.
Dans le contexte du développement des plateformes numériques, la Plateforme RSE recommande d’établir très rapidement des conditions sociales décentes et des modalités de représentation satisfaisantes pour les travailleurs de plateforme.
♦ Formation, éducation et information : principales solutions aux enjeux environnementaux et sociaux ?
Pour faire face à ces enjeux environnementaux et sociaux, la formation, l’éducation et l’information apportent une réponse à l’appréhension des impacts du numérique. En particulier, les entreprises ont une responsabilité quant à la formation de leurs collaborateurs, leur permettant d’obtenir un socle commun de connaissances et de compétences relatives au numérique responsable. Une telle formation est nécessaire pour favoriser l’employabilité des salariés.
En conclusion, la Plateforme RSE estime fondamental de renforcer, pour tous les citoyens, les connaissances et les compétences liées au numérique dans les formations initiales et continues afin de sensibiliser sur les enjeux sociaux et environnementaux du numérique.
♦ Les dispositifs locaux d’aide à la numérisation
- À l’image de la plateforme dédiée aux commerces alimentaires TousOccitariens.fr, la présidente de la Région Occitanie a lancé le 12 novembre “Dans ma zone” ; un site dédié aux commerces de proximité et ceux produisant des produits 100 % Occitanie tels les jouets, vêtements, artisanat d’art…
- La Chambre de Commerce et d’Industrie des Pyrénées-Orientales a également mis en place un portail de géolocalisation Géo’Local66 ; référençant les professionnels proposant un service de vente en ligne ou un drive.
- L’État met en place un site qui compile des solutions, les aides en fonction de la demande et de la typologie des besoins et des commerçants. CliqueMonCommerce.Gouv.fr
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