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Vigatane, ronde et bras en l’air : J’ai testé la sardane à Banyuls-sur-mer

Bigatane, ronde et bras en l'air : J'ai testé la sardane à Banyuls-sur-mer

Article mis à jour le 7 mai 2024 à 08:47

Ce dimanche 28 avril, le Foment de Banyuls-sur-Mer organisait « l’Aplec de Sardanes ». Dans la salle polyvalente de la ville, les sardanistes ont dansé au rythme des 11 compositions prévues ce jour. Au programme : danse, convivialité, banquet et, c’est vrai aussi, quelques cheveux blancs.

Pluie oblige, c’est dans la grande salle Bartissol que les Banyulencs et autres passionnés du département se sont rejoints sous la supervision de l’association, le Foment de Banyuls. Plus d’une centaine de personnes étaient réunies pour danser toute la journée, au rythme des trois coblas (orchestre de sardanes).

La sardane pour les débutants, j’ai testé pour vous,

En ce triste dimanche d’avril, moi, jeune étudiant en journalisme, je décide de me rendre à Bartissol avec l’ambition d’y apprendre la sardane. Le rendez-vous est fixé à 11 h pour profiter de « Balenyà, mes de mil anys d’historia », la première des onze sardanes jouées dans la journée. En coulisse, les petites mains de l’association s’activent pour préparer le grand banquet prévu pour le midi. Malgré l’empressement, chacun prend le temps de me partager sa passion. Très vite, on me fait comprendre que cet événement n’est pas vraiment dédié aux débutants comme moi. Bigatanes (sorte d’espadrille catalane) aux pieds, torse bombé, précision dans les mouvements, je constate vite que les participants n’en sont guère à leur coup d’essai. On m’invite à revenir quelques jours plus tard pour une séance dédiée aux non-initiés.

Le rendez-vous est pris pour le mardi suivant. Je me présente au sous-sol de la mairie de Banyuls-sur-Mer avec la ferme volonté de m’initier à cette danse si particulière. Ici, tout est plus calme que durant « l’Aplec de la sardane », chacun prend le temps de me partager ses souvenirs de sardane avec un certain enthousiasme et une nostalgie à fleur de peau. Ici, tous semblent à leur place. Au fond de la salle s’achève le cours de catalan, aussi organisé par le Foment. Puis guidée par Régine, je prends place sur la piste. Par chance, Régine est l’une des bénévoles les plus actives dans le Foment.

Je me suis laissé emporter par la ronde et la musique

Grâce à Régine, j’apprends que la ronde est soumise à des règles bien précises. Lorsqu’une femme est à la droite d’un homme, il est « interdit de se mettre entre les deux ». Si ceci n’est pas respecté, les danseurs peuvent même être repoussés hors de la ronde, « souvent avec politesse, mais parfois plus sèchement » raille Régine. En clair, il est interdit d’intégrer la ronde en rompant le lien d’un duo. Je démarre donc avec quelques difficultés, surtout par rapport au tempo de la musique et à mon manque flagrant de coordination. Si pour un jeune homme comme moi, la sardane ne nécessite pas une grande condition physique, je constate vite qu’avec l’âge, cette danse requiert un peu plus de souffle.

Mais une fois les bases acquises, je me laisse vite emporter par la musique. Rythmé pas la ronde et avantagé par mon 1,86M, j’ai l’impression que l’effort est plus simple. Je me sens léger, comme entraîné par les vagues. Envahi par une soudaine confiance, je sautille maladroitement. Avec un regard désapprobateur, Régine me souffle un simple « non », calmant rapidement mes ardeurs. Bien sûr, je ne tente pas de compter les pas, je risquerai de me ridiculiser. Complexe mais passionnante, je comprends à présent ce, qui dans la sardane, captive tant ses adeptes. Après ma prestation, peu concluante, la parole aux professionnels de la discipline.

La sardane, une danse à la fois populaire et technique

À première vue, la sardane peut paraître simple. Plusieurs personnes en rond se tiennent la main et bougent au rythme du  « pam pam pam » répétitif de la musique, rien de bien sorcier. Détrompez-vous ! Et même si les pas s’apprennent assez vite et ne sont techniquement pas très difficiles à exécuter, le perfectionnement de cette chorégraphie est bien plus périlleux.

Première difficulté, cette danse peut raviver les pires souvenirs de cours de maths. Point de géométrie ou de formules alambiquées, mais la concentration est de rigueur quand les initiés calculent la durée de la musique. En clair, pendant plusieurs minutes, les danseurs se préparent et écoutent attentivement l’harmonie. Chaque son est composé de temps longs et de temps courts, différenciés par leur durée. Par exemple, un temps court peut durer 20 secondes et un temps long 50 secondes. « C’est cette durée qui est comptée par les danseurs » nous précise un habitué. Afin de simplifier la tâche, une personne par cercle est désignée pour compter et mener la ronde. L’objectif est de finir même temps que la musique.

Deuxième difficulté : l’endurance. En effet, les sardanes sont parfois longues et les danseurs doivent sautiller avec une énergie qui demande un certain souffle. Les adeptes doivent aussi garder les bras levés tout le long de leur chorégraphie. Pour tenir la distance, certain ont leurs petites techniques : « Je ne fais que bouger mes bras, comme ça je n’ai pas à sauter » confie cette danseuse aguerrie.

Pour informer les danseurs de la fin de la sardane, les musiciens jouent leur dernier accord très fort et de manière brève et sèche. Les danseurs vont alors étendre leurs bras vers l’avant d’un coup sec, pour clôturer la danse à l’unisson des musiciens. Chaque journée s’achève par l’une des plus célèbres des sardanes, La Santa Espina.

La cobla est l’orchestre associé de la sardane

La cobla est le nom donné à l’ensemble instrumental, composé de 11 musiciens, chargés d’orchestrer la sardane. Parfois, deux coblas s’associent pour jouer une sardane à 22 interprètes. L’instrument le plus important de la cobla est la contrebasse. « Une fois, le contrebassiste a eu un accident et la cobla était incapable de jouer sans lui. Tout part de là » raconte Philippe, président du Foment de Banyuls-sur-Mer depuis 23 ans. C’est ce dernier qui joue le « pam pam pam » caractéristique de la sardane et rythme le pas des danseurs.

Le « flaviol« , comme le « tambourin catalan », sont des instruments spécifiques à la sardane. Le premier est une sorte de petite flûte servant à jouer les transitions entre chaque boucle. Le deuxième est un instrument à percussion suspendu au bras de l’instrumentaliste.

« Il faut que cette culture soit ouverte à tous »

Jean-Paul, trésorier et membre du Foment, retrace l’histoire de l’association créée il y a 75 ans. « Ce sont les Catalans de l’autre côté des Pyrénées qui, avec la Retirada et plus tard en venant chercher du travail, ont fait venir la sardane en Catalogne française. Les familles au complet venaient ici et cherchaient autre chose à faire que juste bosser. Alors ils ont créé les Foment ».

Pour le président de l’association, la sardane doit être « une danse de la fraternité ». Elle doit permettre à « tout le monde de rentrer dans la ronde », même sans avoir de cavalier ou de cavalière. « Qui que tu sois, même si tu ne viens pas d’ici, tu peux apprendre la sardane et faire partie de la vie du Foment. Moi par exemple, je n’ai rien à voir avec la sardane, c’est ma femme qui m’a donné cet amour de la Catalogne » explique Philippe.

L’étonnant regain d’intérêt pour la sardane

Chaque année, les différents Foment organisent diverses célébrations en terres catalanes, dont une dizaine par le Foment de Banyuls. Festival de la Sardane, Festa major ou Vendanges en Fête ; tous les moyens sont bons pour perpétuer les traditions. Pour 2023, l’association proposait aux touristes des initiations sur la place de la ville « sans trop savoir ce que ça donnerait ». Les adhérents ont vu le nombre de curieux s’agrandir de jour en jour. « Au début, nous étions plus nombreux à organiser que de danseurs. Mais pour la dernière soirée de sardane, nous étions plus de 300. Cela n’était pas arrivé depuis des décennies » déclare Philippe avec contentement.

« Ce qui nous a le plus touchés, c’est qu’il y avait des gens avec des a priori. Ils ont essayé et au final, ils sont restés. Je me souviens de ces étudiants italiens venus pour s’amuser et faire n’importe quoi. Nous sommes allés les voir pour leur montrer, ils se sont pris au jeu et sont revenus à chaque fois », précise Jean-Paul. Le succès rencontré par la première édition de ces cours de sardane a encouragé l’association à reconduire le dispositif pour la saison 2024.

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Florian Salvat