En 2023, la réserve naturelle nationale de la forêt de la Massane fête, notamment ce samedi 8 juillet à Valmy, son cinquantième anniversaire. Mais ne nous y trompons pas, la forêt est bien plus ancienne.
Selon Diane Sorel, chargée de communication scientifique, la forêt de hêtres inscrite au patrimoine mondial de l’Unesco s’est maintenue malgré les premiers défrichements datant du néolithique. On y trouve plusieurs centaines d’arbres de plus d’un mètre de diamètre dont l’âge dépasse les 300 ans. Le plus haut hêtre mesuré atteint 32 mètres, et le plus gros 1,80 mètre de diamètre. Crédit photos : Réserve de la Massane.
La forêt de la Massane en libre évolution depuis 150 ans
Depuis un siècle et demi, les 336 hectares de forêt sur le versant nord du massif de l’Albère évoluent sans intervention de l’Homme. En clair, nous explique Diane Sorel, il n’y a ni plantation, ni exploitation, ni nettoyage. «Ici, nous laissons la forêt et la nature s’exprimer librement. Nous n’intervenons pas non plus sur ses processus de sélection naturelle. On voit bien que la population de hêtres est génétiquement très diversifiée, elle est donc très résiliente et robuste.» D’après la scientifique, les études montrent que la forêt s’en sort mieux sans intervention de l’homme. «Nous avons une forêt qui visiblement est plus résistante aux changements. Parce que quand l’homme va couper un arbre, cela fragilise la dynamique forestière.»
Une préservation née de la volonté d’un ingénieur du 19e siècle. Paul de Boischaut a perçu bien avant l’heure la nécessité de préserver cet espace naturel. Son intervention a conduit à acter la fin de l’exploitation forestière par arrêté municipal.
Étonnamment, la Massane ne cache pas ses arbres morts. La scientifique s’explique. «Nous avons une mortalité qui est visible parce qu’on laisse nos arbres mourir quand ils arrivent en fin de vie. On laisse aussi le bois mort au sol, car les études ont montré que 50 % de la biodiversité d’une forêt est rattachée au bois mort. Si vous enlevez ce bois mort, vous appauvrissez aussi vos sols.»
Par ailleurs, l’idée selon laquelle, le bois mort pourrait favoriser les incendies est fausse. Ici ce n’est pas le même bois que vous entreposez au fond de votre jardin. Non, ce bois tombé des arbres de la Massane est en décomposition. Il y a plein de champignons, de petites bêtes qui vont creuser des tunnels. Cela en fait des sortes éponges, des ressources en eau extrêmement importantes. Bien avant nous, la forêt a inventé le principe du paillage que l’on met sur le sol de nos potagers pour éviter l’évaporation.
Le laboratoire à ciel ouvert de la forêt de la Massane
Des scientifiques du monde entier viennent étudier l’évolution de cette forêt affranchie de l’intervention de l’Homme. «Ils mènent des études sur du long terme. Certaines études comme celle portant sur la régénération forestière durent depuis plus de dix ans.»
Les scientifiques profitent également du caractère exceptionnel de la forêt pour étudier et comprendre le fonctionnement des écosystèmes forestiers et inventorier la biodiversité du site. À ce jour, de la bactérie microscopique à l’arbre de plusieurs mètres de haut, plus de 10.000 espèces sont répertoriées sur les 336 hectares que compte la forêt.
Comment réagit la forêt de la Massane à la sécheresse historique que vivent les Pyrénées-Orientales ?
Même si le hêtre est ultra-dominant, la forêt de la Massane compte de nombreuses autres espèces comme de l’érable. « Dans un contexte de réchauffement climatique et de sécheresse, c’est très important d’avoir ces autres essences. Si le hêtre souffre trop, ce sont peut-être ces essences qui se développeront dans les siècles à venir.»
Comment une forêt peut-elle se protéger de la sécheresse ? Selon Diane Sorel, la forêt réagit en deux temps. Dans un premier temps, les arbres peuvent sacrifier quelques branches, ou faire redescendre leur cime. Depuis 20 ans, sur un espace plus réduit (30 hectares), les scientifiques ont cartographié tous les arbres, ils suivent l’évolution détaillée de 50.000 arbres.
«Numérotés, nous savons comment ils grandissent, comment ils meurent parfois. En période de sécheresse ou de canicule, on voit des réactions immédiates pour se protéger. Cela peut aller du dépérissement et l’abandon d’une branche à, dans des cas les plus extrêmes, la descente de cimes. C’est-à-dire qu’ils vont redescendre un peu leur cime pour transpirer un peu moins face au soleil.» Sur le temps plus long, «on va constater une augmentation de la mortalité, mais plusieurs années après la période de sécheresse.»
Le programme de la journée anniversaire de la réserve de la forêt de la Massane
La journée anniversaire de la forêt de la Massane se déroulera le samedi 8 juillet dès 10h au Parc du château Valmy à Argelès-sur-Mer. L’évènement est gratuit et ouvert à tous. Cette journée sera aussi l’occasion de rencontres et d’échanges avec les agents des réserves naturelles catalanes. Parmi les activités au programme : l’inauguration de l’exposition « Au rythme de la forêt », mais aussi un concert immersif dans la Massane par Matéo Langlois et Joseph Garrigue.
Les animations du matin :
– Les insectes de la forêt – Carabus,
– Balade ornithologique – Groupe Ornithologique du Roussillon,
– Hector l’arbre mort – Fédération des Réserves naturelles catalanes.
Spectacle RoZeo par la Compagnie Gratte ciel. «Juchées sur de frêles tiges de métal, portées par un souffle imperceptible, elles oscillent doucement. Elles remuent le ciel et dansent dans l’air agité. RoZéO est une installation vivante à observer lentement, une respiration profonde avec le ciel pour horizon. La bande-son de RoZéO est issue d’une exploration sonore de la Massane.»
Diane Sorel nous confirme que les 336 hectares sont accessibles au public via des sentiers balisés, mais insiste sur la nécessité que les publics préservent les lieux en empruntant les sentiers balisés.