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Confinement total ou simple précision des interdictions ? Éclairage par l’avocate Camille Manya

Illustrations Coronavirus Covid-19 contrôle forces de l'ordre Perpignan France © Arnaud Le Vu / MiP / APM

Article mis à jour le 28 mars 2023 à 19:18

Avocate au barreau des Pyrénées-Orientales depuis 7 ans, Camille Manya répond depuis le début du confinement à des réponses juridiques en rapport avec le Coronavirus. Dans ces quelques lignes, elle nous explique le dernier arrêté rendu par le Conseil d’État sur le « durcissement du confinement ». Le 19 mars, le syndicat Jeunes Médecins avait en effet saisi le juge des référés du Conseil d’État, sur le fondement de l’article L.521-2 du Code de justice administrative.

À lire également sur l’aspect juridique de la crise sanitaire du Coronavirus : Gouvernement et COVID-19 – Responsable mais pas coupable ?

♦ Le syndicat des jeunes médecins demandait un confinement total de la population

Cet article du Code évoque la procédure de référé-liberté, qui permet au juge des référés, lorsqu’une demande est justifiée par l’urgence, d’ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d’une liberté fondamentale, lorsqu’une personne publique y porte une atteinte manifestement grave et illégale.

Dans le cadre de cette procédure, le juge statue dans un délai de 48 heures. Elle présente l’avantage de pouvoir obtenir une ordonnance très rapidement. Par exemple, le référé-liberté permet d’obtenir le concours de la force publique dans certaines circonstances ; ou encore de faire annuler des décisions de réquisition lorsque des agents publics déposent un préavis de grève.

C’est donc sur ce fondement-là que ce syndicat a sollicité, par une requête déposée le 19 mars 2019, que le Conseil d’État enjoigne au Premier Ministre et au Ministre de la santé, d’une part, de prononcer un confinement total de la population et, d’autre part, de prendre les mesures propres à assurer la production à échelle industrielle de tests de dépistage.

Le Conseil national de l’Ordre des médecins est intervenu volontairement dans cette procédure.

♦ Le Conseil d’État enjoint le Gouvernement de préciser la portée de certaines interdictions

Par une ordonnance du 22 mars 2020, N° 439674, le Conseil d’État n’a pas fait droit aux demandes principales du syndicat ; mais a tout de même enjoint au Gouvernement de préciser la portée de certaines interdictions. Dans un délai de quarante-huit heures, le premier ministre et le ministre de la santé devront donc :

  • préciser la portée de la dérogation au confinement pour raison de santé,
  • réexaminer le maintien de la dérogation pour « déplacements brefs à proximité du domicile » ; compte tenu des enjeux majeurs de santé publique et de la consigne de confinement,
  • évaluer les risques pour la santé publique du maintien en fonctionnement des marchés ouverts ; compte tenu de leur taille et de leur niveau de fréquentation.

Sur la demande de confinement total, le Conseil d’État a estimé qu’il n’est pas possible de le mettre en place au plan national ; car il faut assurer le ravitaillement à domicile de la population. Le confinement total risquerait de créer de graves ruptures d’approvisionnement qui seraient elles-mêmes dangereuses pour la protection de la vie et à retarder l’acheminement des matériels indispensables à cette protection.

Par ailleurs, l’activité indispensable des personnels de santé ou aidants, des services de sécurité de l’exploitation des réseaux, ou encore des personnes participant à la production et à la distribution de l’alimentation rend nécessaire le maintien en fonctionnement, avec des cadences adaptées, des transports en commun.

Sur la demande de dépistage généralisé, le Conseil d’État a souligné que l’absence de réalisation de ces tests provenait d’un manque de matériel ; et donc, qu’il ne pouvait en toute hypothèse être mis en œuvre.

♦ Édouard Philippe apporte des précisions au confinement

Néanmoins, le Conseil d’État a relevé certaines imprécisions dans le décret n° 2020-260 du 16 mars 2020.

Par exemple, le terme de « déplacements brefs, à proximité du domicile, liés à l’activité physique individuelle des personnes, à l’exclusion de toute pratique sportive collective, et aux besoins des animaux de compagnie » apparaît, pour lui, trop large, ; notamment en rendant possibles des pratiques sportives individuelles, telles le « jogging ».

C’est la raison pour laquelle il a demandé au Premier ministre et au ministre de la santé de revoir leur copie. Édouard Philippe a donc apporté des précisions au confinement lors de son intervention du 23 mars au soir. Sont désormais interdits les marchés de plein air, la pratique du sport au-delà de 1 km du domicile, toute sortie de plus d’une heure.

Nous sommes actuellement dans un contexte d’urgence, avec des textes adoptés dans des délais extrêmement brefs ; et qui sont bien évidemment perfectibles. Ce référé est un parfait exemple du rôle de gardien de la légalité et de l’interprétation des textes réglementaires, exercé par le juge administratif, et ce, même dans un contexte d’urgence comme nous le vivons actuellement.

♦ Biographie Camille Manya

Camille Manya, 31 ans, est avocate au barreau des Pyrénées-Orientales depuis 7 ans. Elle pratique essentiellement le droit public dans le cadre de son activité professionnelle. Elle est membre du Conseil de l’Ordre depuis janvier 2019, ancienne présidente de l’Union des Jeunes Avocats des Pyrénées-Orientales. Camille Manya est également enseignante vacataire à l’UPVD, en droit administratif.

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Maïté Torres