Article mis à jour le 14 mai 2023 à 13:57
Au pied du mur, les Pyrénées-Orientales doivent désormais faire face aux enjeux du grand âge. Les enfants du baby-boom vieillissent et arrivent désormais à des âges avancés. D’ici 2040, il y aura deux fois plus de seniors âgés de plus de 85 ans en Occitanie, soit 204.000 personnes supplémentaires. Les Pyrénées-Orientales dénombrent 25 places en structure pour 100 personnes âgées dépendantes. Quand la Lozère en compte presque le double… La région Occitanie et les Pyrénées-Orientales se préparent-elles de la même façon aux enjeux du grand âge et surtout de la dépendance ?
L’âge moyen auquel le Français doit faire face au décès de ses parents est de 63 ans. Que cela signifie-t-il pour les jeunes seniors ? Qu’ils devront simultanément gérer leur emploi (réforme des retraites oblige), s’improviser aide-soignant pour personnes âgées dépendantes, et subvenir aux besoins de leur fille de 40 ans en difficulté après son divorce ? Ces questions et ces doutes préoccupent de nombreux habitants du département.
Dépendance des seniors, chacun pour soi et domicile pour tous ?
Car deux discours se font entendre aujourd’hui sur ce thème de la dépendance. Celui qui impliquerait une action gouvernementale forte et des moyens importants au titre de la solidarité nationale. Et ce, notamment, pour que les EHPAD* n’explosent pas demain comme les Urgences aujourd’hui. Une anticipation sur les besoins en infrastructures et en personnel qualifié. Car les pathologies liées au vieillissement, comme Alzheimer, sont complexes et nécessitent des connaissances spécifiques. Ne serait-ce que pour comprendre certains comportements et avoir les réponses adaptées.
Mal maîtrisé, ce système conduira rapidement à une maltraitance institutionnelle. Une situation qu’évoquent déjà les soignants dans certains établissements. À l’inverse, et tout en gardant à l’esprit l’idée de réforme, il peut apporter aux aînés la fin de vie qu’ils méritent dans un pays comme la France.
Parallèlement une petite voix, plus libérale, plus anglo-saxonne diraient certains, tinte de plus en plus. Celle-ci laisserait sous-entendre que chacun, responsable de lui-même, doit d’ores et déjà préparer sa potentielle dépendance. Un avenir qui passerait par un environnement d’aidants, le plus souvent familiaux. Mais aussi un cadre de vie adapté et sécurisé. Fini le pavillon avec les chambres à l’étage, la maison de village étriquée, la jolie baignoire à l’ancienne. La maison du futur jeune senior doit être de plain-pied avec une douche à l’italienne pour un éventuel accès en fauteuil roulant.
Cette perspective est-elle réellement égalitaire ? Peut-on vraiment prendre en charge dignement la dépendance d’une personne grabataire avec un bref passage à domicile d’une auxiliaire de vie et d’une infirmière ? Sans oublier les décisions familiales arbitraires et les chantages affectifs…
60% de seniors dépendants de plus à l’horizon 2040
Le nombre de seniors dépendants augmentera de 60% d’ici 2040 en Occitanie. Les départements où cette hausse sera la plus importante sont le Gard, la Haute-Garonne et l’Hérault. Entre 2015 et 2040, l’Occitanie comptera 472.000 seniors (de 75 ans et plus) supplémentaires. Cette tranche d’âge représentait 11% de la population régionale en 2015, en 2040 ce chiffre passerait à 16%. La génération baby-boom forme désormais le papy-boom : dès 2022, les baby-boomers auront au moins 75 ans.
L’évolution sera encore plus forte pour les personnes âgées de plus de 85 ans. La région en comptera deux fois plus entre 2015 et 2040. La hausse serait encore plus importante à partir de 2032. Cette année-là, la région comptabilisera 18.500 seniors de plus que l’année précédente. Au niveau national, le nombre de seniors de plus de 85 ans doublera en 25 ans.
Des seniors dépendants qui requerront de l’aide
On considère qu’un senior sur trois serait en situation de dépendance. Un senior considéré comme dépendant demande de l’aide pour réaliser des gestes de la vie quotidienne. Le vieillissement de la population s’accompagnera donc d’une progression du nombre de seniors dépendants, puisque la dépendance augmente avec l’âge. En 2015, 191.000 seniors de plus de 75 ans étaient dans ce cas en Occitanie. D’ici 2040, ils seront 306.000, soit 115.000 de plus.
La dépendance dite sévère, souvent liée à une perte totale de l’autonomie mentale et/ou motrice, concernerait 86.000 seniors en 2040. Ils étaient 20.000 de moins en 2015. Le nombre de seniors sévèrement dépendants progresserait moins vite que le nombre total de seniors.
Cela pourrait s’expliquer de deux manières. Le nombre de seniors de plus de 75 ans augmente considérablement mais la dépendance sévère concerne des seniors encore plus âgés. Et, il ne faut pas oublier les moyens mis en œuvre pour améliorer l’état de santé des personnes âgées, leur offrant la possibilité de garder leur indépendance plus longtemps. De cette manière, le taux de dépendance sévère diminuerait, passant de 11% des seniors en 2015 à seulement 8% en 2040.
Des seniors sévèrement dépendants moins nombreux en Pyrénées-Orientales
Le papy-boom sera plus marqué dans les départements où se situaient le plus de « jeunes seniors » (âgés de 60 à 75 ans) en 2015. Le Gard, la Haute-Garonne et l’Hérault connaîtront une hausse importante du nombre de seniors dépendants. Dans le Gard, le nombre de seniors sévèrement dépendants augmenterait de 50%. Dans le reste de la région, l’évolution ne serait que de 19%. Entre les départements d’Occitanie, le taux de dépendance sévère est très variable : 14% pour la Lozère et 9% pour les Pyrénées-Orientales et l’Aude.
En Occitanie, on dénombre 61.000 places en EHPAD ou en USLD**. Elles permettent d’y héberger un senior dépendant sur quatre et un senior sévèrement dépendant sur deux. En moyenne, il y a 32 places pour 100 personnes âgées dépendantes. Mais là encore, des inégalités au sein de la région sont présentes. Dans les Pyrénées-Orientales, il n’y a que 25 places. En Lozère, c’est presque le double : 48 places. Si aucune nouvelle place n’est créée d’ici 2040, le nombre moyen chuterait alors à 20 places.
Maintien à domicile, le remède miracle à la dépendance ?
Pour faire face à cette explosion du nombre de seniors, de nouvelles formes alternatives de prise en charge devront être développées. Un moyen de favoriser le maintien à domicile pour ceux qui le souhaitent et le peuvent, et de compléter l’offre en institution pour ceux qui n’ont pas d’autre choix. En 2015, 74% des personnes âgées sont prises en charge à domicile grâce à un ensemble de prestataires sanitaires. Dans les départements où l’offre en institution est moins importante, les Pyrénées-Orientales et le Gard, l’accessibilité aux soins infirmiers prodigués à domicile est plus développée.
La hausse du nombre de seniors nécessiterait un besoin plus important d’emplois, notamment des aides-soignants et des infirmiers, quel que soit le mode de prise en charge. Au sein des établissements, la priorité serait donnée aux personnes les plus dépendantes car elles nécessitent le plus d’aide. À domicile, pour conserver le même niveau de prise en charge, le nombre d’heures des professionnels devrait augmenter de 1,4% d’ici 2040.
La place de l’entourage est également très présente lorsqu’un maintien à domicile est souhaité. Mais la population des aidants potentiels progresserait trois fois moins vite que les seniors de plus de 75 ans.
Entrée en vigueur au 1er janvier 2016, la loi relative à l’adaptation de la société au vieillissement a pour objectif d’anticiper et tenir compte l’augmentation du nombre de seniors dépendants en leur proposant des solutions adaptées à leurs besoins. Même si l’ARS de la région a déjà mis en place différentes actions notamment en favorisant le maintien à domicile des personnes âgées ou en renforçant les moyens des structures d’accueil, beaucoup de questions et de doutes subsistent. Ces propositions seront-elles suffisantes pour relever les défis de demain ?
*EHPAD : Établissement d’Hébergement pour Personnes Âgées Dépendantes
**USLD : Unité de Soins de Longue Durée
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