Article mis à jour le 2 mars 2022 à 19:39
En France, les services publics sont essentiels : ils relient chacun à l’Etat. Pourtant, de nombreux Français se sentent exclus et expriment des difficultés liés aux services publics. Un premier rapport du Défenseur des droits intitulé Dématérialisation et inégalités d’accès aux services publics publié en 2019, soulignait les difficultés liées à la suppression de tout contact humain. 3 ans plus tard, où en est-on ? La situation s’est-elle améliorée ou dégradée ?
♦ Un bilan en demi-teinte
Depuis 3 ans, malgré la volonté d’améliorer l’accessibilité et de faciliter les démarches effectuées sur Internet, des difficultés sont encore présentes.
Des investissements ont été réalisés pour améliorer l’inclusion numérique et la qualité de service. L’Etat a réduit les « zones blanches » sur le territoire. La couverture numérique est donc meilleure, passant de 72,7% en 2019 à 85,4% en 2021. Toutefois, la couverture du réseau internet haut débit est encore imparfaite. En zones rurales et en Outre-Mer, le réseau internet est toujours insuffisant.
Les Maisons des services au public ont été transformées en espaces France Services. Les usagers peuvent s’y rendre pour rencontrer un agent et faire leurs démarches sur place. Mais là encore, ces dispositifs d’accueil physique ne couvrent pas tous les besoins. Les médiateurs ne possèdent pas toutes les compétences pour répondre aux demandes des usagers.
Par ailleurs, c’est l’usager qui est acteur de la dématérialisation. C’est lui qui doit se procurer un équipement lui permettant d’accéder à Internet ; mais c’est également lui qui doit s’informer sur ses droits, répondre à des questionnaires, numériser des documents… Et si l’usager ne réussit pas, ses droits peuvent être suspendus.
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♦ Qui sont les exclus de l’administration numérique ?
La dématérialisation des services publics a facilité la vie de ceux qui sont à l’aise le numérique et qui se retrouvent dans des situations administratives simples. Pourtant, près d’un Français sur quatre éprouve le sentiment de vivre dans un territoire délaissé par les pouvoirs publics. Et cela est notamment dû à la fermeture des guichets de proximité.
3 ans après le premier rapport du Défenseur des droits, les personnes en situation de handicap sont encore majoritairement exclues de l’administration numérique. Le service public cherche à améliorer les sites en tenant compte des expériences des utilisateurs. Claire Hédon, la Défenseure des Droits, souligne l’urgence à répondre aux difficultés auxquelles sont confrontées les personnes handicapées.
Pour les personnes en détention, il est impossible de réaliser des démarches en ligne. En effet, l’accès à internet en détention n’est toujours pas autorisé. Bien que les personnes détenues soient privées de leur liberté, elles ne doivent pas être privées de leurs autres droits fondamentaux. La Défenseure des droits souhaite donc que les personnes en détention puissent être accompagnées vers l’autonomie numérique afin de réaliser leurs démarches administratives courantes.
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♦ Des personnes mises à l’écart toujours plus nombreuses
Les plus précaires sont, eux aussi, les exclus de l’administration numérique. Pourtant, la dématérialisation avait été présentée comme un moyen d’améliorer l’accès aux droits, notamment sociaux, de ces personnes en situation de précarité. Elles n’ont pas accès à Internet à leur domicile et ont une mauvaise maîtrise des outils numériques.
Les personnes âgées sont aussi pénalisées par cette dématérialisation. Près d’un quart des personnes âgées de 65 ans et plus sont confrontées à des difficultés dans leurs démarches administratives. Parmi les problèmes évoqués pour effectuer une démarche administrative, les personnes âgées évoquent la difficulté à contacter quelqu’un (28%), le manque d’information (19%), la mauvaise information (18%) et enfin, l’absence de réponse (18%).
Enfin, les majeurs protégés constituent le dernier groupe des exclus du numérique. Aucun site internet public ne propose un accès distinct pour eux ou pour les personnes en charge de leur protection. La Défenseure des droits rappelle que le fait de bénéficier d’une mesure de protection ne devrait pas restreindre de façon injustifiée la possibilité pour le majeur protégé de réaliser ses démarches en ligne.
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♦ Focus – Le téléphone sonne du 18 février 2022 sur France Inter
« Services publics : les limites du tout numérique ». Les démarches dématérialisées peuvent pénaliser une partie de la population, et ce, pour diverses raisons. Dans « Le téléphone sonne », des experts sont revenus sur ce rapport du Défenseur des droits.
Pour Daniel Agacinski, délégué général à la médiation du Défenseur des droits, « ce qu’on remarque avec le numérique administratif c’est que très souvent, c’est difficile de rectifier une information erronée ». Il ajoute « Le numérique c’est l’endroit où l’on peut se corriger ou on peut effacer et rectifier ». Daniel Agacinski précise que même les agents du service public ne maîtrisent pas tous les outils et rencontrent des difficultés pour corriger des erreurs.
Pour lui, « le service public ne parvient plus lui-même à organiser sa propre accessibilité », « le message de ce rapport est de repartir du droit pour assurer cette accessibilité et de ne pas faire reculer les droits des usagers au nom de principes d’organisation, de simplification, de rationalisation et d’économies ».
Il dénonce : « ceux qui ont le plus besoin du service public, […] sont ceux qui sont le plus en difficultés avec le numérique et le plus victimes de la dématérialisation ».
Pour Tom-Louis Teboul, responsable du développement chez Emmaüs Connect, « le numérique peut être facile d’accès pour toute une partie de la population mais ce n’est pas magique […] et pour plus de 35% de la population, cela va créer de grandes difficultés ». Il met l’accent sur une vérité : « les personnes en situation de précarité sont davantage exclues parce qu’elles ne savent pas maîtriser le numérique […] on va les renforcer dans l’exclusion à cause de cette dématérialisation des services ».
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