Article mis à jour le 9 septembre 2022 à 08:24
Comment répondre aux difficultés des personnes vivant dans la rue ? Au-delà des causes, des besoins, de l’évolution des politiques mises en place, l’écart entre les discours et la situation sur le terrain nous a semblé incommensurable. En effet, au-delà d’une réelle volonté politique, un regard sur la situation montre que les choses sont bien plus complexes qu’il n’y parait. Et surtout que le fameux « Yakafokon » voudrait bien le laisser penser.
♦ La réponse d’hébergement suite à une demande au 115
Selon les tableaux hebdomadaires (de la semaine 15 de 2018 et 2019) fournis par la Croix-Rouge des Pyrénées-Orientales, la situation s’est améliorée quant à la réponse apportée aux demandes d’hébergement d’urgence. En effet, en 2018, les demandes d’hébergements non satisfaites par manque de place étaient de 89 ; contre 25 en 2019. Entre 2018 et 2019, 37 places ont été conventionnées.
Mais la difficulté est moins la mise à l’abri d’urgence que l’hébergement pérenne. Une situation qui se complique au moment de ce virage social. Selon Jean-Michel Fedon, parmi les personnes hébergées en urgence, certaines ne sont pas en capacité de s’adapter à un logement. Il faut donc des dispositifs d’accompagnement. Autre problématique, celle des logements mis à disposition des demandeurs d’asile déboutés de tous leurs recours et sous le coup d’une mesure d’éloignement du territoire, et malgré tout, toujours présents sur le sol français.
Le directeur départemental de la cohésion sociale nous a également évoqué la problématique des logements sociaux. À une époque pas si lointaine, la solidarité intra-familiale prévalait et faisait que, dans un même foyer, pouvaient cohabiter plusieurs générations. Aujourd’hui, les jeunes, non-autonomes financièrement et qui en font la demande, sont prioritaires pour l’obtention d’un logement social. D’où le manque récurrent de capacité d’accueil.
Jean-Michel Fedon se réfère au cas d’école devenu amer constat. S’il y avait besoin de 30 places d’hébergement demain et qu’elles soient créées, le surlendemain, il y aurait un besoin similaire. Un phénomène qu’il explique par un « appel d’air » de personnes venues d’autres zones géographiques ; mais aussi par le manque de solutions apportées aux déboutés du droit d’asile ou au manque de logements pérennes.
Pour conclure, le responsable local, dépité par la situation insoluble, conclut en se confiant : « Malheureusement, les droits de l’Homme ne font pas une politique publique ».
♦ De l’Aide Sociale à l’Enfance (ASE) à la rue ?
Afin d’éviter ce destin funeste, une nouvelle loi a pris effet dans le cadre du plan pauvreté. Une loi qui prévoit l’accompagnement des jeunes entre 18 et 21 ans. Jusque-là, l’ASE s’occupait de 300.000 enfants au niveau national. Dont 21.000 étaient concernés par ce que l’on nomme une « sortie sèche ». En clair, au lendemain de leur 18ème anniversaire, ces jeunes adultes n’avaient plus de logement. Monsieur Fedon, Directeur départemental de la cohésion sociale, nous confirme que le département est en cours de signature pour intégrer ce nouveau dispositif.
Or, les services du Conseil départemental nous indiquent que ce dispositif (Contrat Jeune Majeur) était déjà prévu dans le Code de la famille et de l’aide sociale. « Le Conseil Départemental des Pyrénées-Orientales l’a toujours proposé aux jeunes majeurs confiés à l’ASE ». Ainsi, parmi les 1308 enfants confiés à l’ASE à fin 2018, 85% des jeunes ayant atteint la majorité dans l’année ont signé un Contrat Jeune Majeur.
Par ailleurs, le Conseil départemental accepte ce qu’il qualifie de « droit à l’erreur » pour les majeurs de moins de 21 ans. Parmi les jeunes anciennement pris en charge, quand certains reviennent vers les services de l’ASE, un accompagnement adapté à leurs besoins leur est alors proposé et un CJM peut être signé. Le service de l’ASE nous informe que dans le département des Pyrénées-Orientales : « La proportion de « sorties sèches » est donc très faible ».
Il est à noter que le Département, chef de file quand il s’agit des solidarités, alloue 18,2% du budget total des solidarités (415,3 M€) à la protection de l’enfance et des familles. L’enveloppe de l’État pour accompagner les jeunes sortants de l’ASE est de 50.276€.
♦ Une charte pour l’inclusion sociale à l’initiative du département
Eu égard à nos recherches, il semble évident que malgré une volonté politique, la diversité des acteurs, des dispositifs et des mesures qui s’empilent, manque de coordination pour avoir la meilleure efficience dans l’aide aux personnes les plus fragiles. Celles qui n’ont plus de toit, de foyer, ou de lieu sécurisé pour se reposer.
C’est donc à l’initiative du Conseil départemental qu’une charte qui vise à améliorer la situation a été signée entre l’ensemble des acteurs. 27 signataires, parmi lesquels le Département, l’État, l’Agence régionale de santé, le Secours populaire, Pôle Emploi, les Restos du cœur, les hôpitaux de Perpignan et de Thuir, mais aussi ATD Quart monde ou les Présidents des centres communaux d’action sociale.
Objectif pour la présidente du Conseil départemental, Hermeline Malherbe, être plus efficace. « L’important est de co-construire notre politique d’intervention avec l’objectif de répondre à la situation avec des choses concrètes ». La présidente de gauche rappelait « que le département est confronté à des réelles difficultés socio-économiques […] On a structurellement une économie basée sur deux gros piliers saisonniers que sont l’agriculture et le tourisme ». Et malgré l’engagement des acteurs de terrain, « on se rend compte que ce n’est pas encore suffisant ».
♦ Vers plus de simplicité ?
Pour Hermeline Malherbe, il faut « simplifier les modalités d’accès au droit pour être plus efficace« , mais aussi « articuler nos différentes actions pour qu’elles soient plus lisibles et plus faciles à comprendre pour tout le monde« . Pour Ségolène Neuville, Secrétaire d’État chargée des Personnes handicapées et de la Lutte contre l’exclusion sous la présidence de François Hollande, il faut que les associations qui luttent au quotidien contre l’exclusion aient des interlocuteurs dans toutes les structures officielles.
Malgré tout, la patronne des socialistes catalans rappelait l’efficacité du système social français. Un système qui, selon elle, permet de ramener le taux de pauvreté en France à 14%. Pour Ségolène Neuville, le taux de pauvreté serait de 24% sans aucun système social. Mais, il est trop complexe, « incompréhensible pour le commun des mortels dont ce n’est pas le métier« . Selon la vice-présidente au conseil départemental, le principal reproche que l’on peut faire au système social français est « sa complexité ».
Mais aussi l’absence de lien entre les différents acteurs des solidarités. « Le logement, la recherche d’emploi, la formation, le déplacement, la garde d’enfants, la sécurité sociale« , tous ceux qui agissent concrètement mais chacun dans leur champ de compétence et parfois sans concertation. Ségolène Neuville rappelle que le but de ce Conseil départemental de l’inclusion est d’arriver à « des solutions concrètes qui amélioreront le quotidien ». Jean-Michel Fedon d’ajouter que la pluralité des acteurs est « un gage pour un meilleur diagnostic » dans l’optique de « faire mieux ».
♦ Rappel de la méthode de travail du CDI
Les travaux sont architecturés autour de 3 groupes :
- Charte de l’accueil inconditionnel / Architecturer les lieux d’accueil
- Création d’un outil partagé / Répertoire de ressources
- Cartographie des lieux de ressources numériques
// Au cœur du sujet :
- Reportage | Une nuit avec les confinés de la rue à Perpignan
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