Article mis à jour le 1 octobre 2023 à 03:18
En temps normal, le département des Pyrénées-Orientales est l’un des plus pauvres de France. Rien d’étonnant donc à ce que le confinement aggrave sa situation sociale. Une partie de l’économie liée à la débrouille s’est effondrée, tout comme les petits boulots ; une alternative qui permet, pour certains, de gagner 20 ou 30€ ici ou là.
La nécessité de faire des courses de précaution, d’augmenter l’achat de produits de nettoyage et l’absence de ces micro-rentrées d’argent rendent la misère sociale insoutenable dans certains quartiers de Perpignan. D’ores et déjà, les travailleurs sociaux du Conseil Départemental ont sollicité le Secours Populaire pour organiser une distribution alimentaire en cœur de ville.
♦ Familles monoparentales, retraités, chômeurs… la valse de la pauvreté à Perpignan
Les familles monoparentales sont lourdement impactées par la crise sanitaire du Covid-19. Jeune maman de deux jeunes enfants contactée par les travailleurs sociaux du département, Claire* est venue chercher les produits secs pour 15 jours à la distribution du Secours Populaire. Elle remercie chaleureusement les bénévoles et est aujourd’hui en stand-by concernant son avenir professionnel.
Le confinement empêche la « course aux bonnes affaires » pratiquée dans les magasins discounts ou lors des expéditions mensuelles à la Junquera. L’addition est aussi alourdie par l’achat majoré de produits désinfectants ou ménagers. Malgré le versement des allocations avancé d’une journée, les difficultés sociales des plus pauvres sont manifestes.
Selon les chiffres révélés par l’universitaire David Giband, le taux de pauvreté monétaire de Perpignan est de 30%. « Un niveau de pauvreté supérieur aux autres agglomérations régionales ; et deux fois supérieur à la moyenne nationale.
♦ La situation particulièrement critique du quartier Saint-Jacques
L’un des patriarches Nick Gimenez nous alertait sur la situation de la communauté gitane du quartier Saint-Jacques ; un des quartiers les plus pauvres de France rappelait l’universitaire David Giband. Lors d’une récente conférence, il rappelait que ce quartier cumulait les difficultés. “Au-delà de la pauvreté, on est au-delà de l’économie de la pauvreté qui s’auto-entretient”.
- Un revenu annuel par foyer fiscal de 2.310€. À titre de comparaison, le quartier voisin Saint-Mathieu affiche un revenu annuel de 6.745€ ; et celui de Perpignan est de 13.939€ par an et par foyer.
- Un taux de foyers monoparentaux de 39%, près du double de la moyenne nationale.
Gino Cargol, bientôt prédicateur évangélique de l’église Vie et Lumière, nous déclarait : « En temps normal, ils arrivent à arrondir un peu les fins de mois. Mais là, ils sont coincés chez eux, et n’ont plus rien à manger ». Gino organisait lui-même la collecte et la livraison pour 4 familles du quartier Saint-Jacques, remerciant les bénévoles du Secours Populaire.
♦ « Merci de ce que vous faites ! Un verre d’eau ce n’est rien, mais pour quelqu’un qui est dans le désert, c’est beaucoup ».
Gino ne se ménage pas non plus à l’heure de récupérer des attestations de sortie dérogatoires. Il déplorait néanmoins le manque de présence policière sur le quartier , mais aussi l’attitude de ceux qui ne prennent pas la mesure de la crise. « Vous savez, on a eu très peur. Nous avons eu 10 décès entre le centre-ville et le Vernet. Mais là, comme ça va un peu mieux, on dirait que le confinement se relâche un peu ».
En effet, le soleil aidant, les places Cassanyes et du Puig ainsi que les rues adjacentes voient ressortir les familles sur le pas-de-porte des maisons. Comme pour illustrer son propos, un couple passe devant nous en se targuant d’avoir été contrôlé sans attestation par un détachement militaire. « Ils m’ont demandé mon attestation, je ne l’avais pas. Ils peuvent toujours me mettre un PV, je ne le paierai pas, je n’en ai jamais payé ».
Pour ce qui est de la pratique religieuse, les choses se sont mises en place. Plus de rassemblements, plus de prêches publiques ; mais des groupes Facebook sur lesquels les prédicateurs disent la parole de Dieu.
♦ Le Secours Populaire et le Département en première ligne face à la précarité
Alors que d’autres départements ont fait le choix de fermer les Maisons Sociales, la présidente du Conseil Départemental des Pyrénées-Orientales a décidé au contraire de les maintenir pour répondre aux situations les plus urgentes.
Ces travailleurs sociaux du département suivent certaines familles depuis très longtemps. Ils ont fait appel au Secours Populaire pour tenter d’apporter une réponse à l’urgence qui se noue dans certains foyers. Sur la base d’une évaluation sociale rapide par téléphone, ils peuvent fournir des bons alimentaires ; un sésame qui permettra de récupérer un colis alimentaire de produits secs pour 15 jours.
Le Secours Populaire poursuit quant à lui ses missions de solidarité en les adaptant notamment sous forme de livraison ou de drive. L’association a également mis en place une nouvelle distribution en centre-ville. Cette répartition permet d’éviter les déplacements et de répondre à l’aggravation sociale des quartiers de cœur de ville de Perpignan, nous confiait Aurélie Robic, la directrice du Secours Populaire 66. « L’habituel ne suffit pas. Nous commençons à voir venir de nouveaux publics. Des travailleurs, dont le chômage partiel ne suffit pas ; ceux qui faisaient des petits boulots et qui ont vu ce moyen de subsistance disparaître. Nous nous inquiétons pour la suite… »
Parmi les bénévoles au soutien de l’action du Secours Populaire, Marjorie 23 ans : « Mon père est médecin en réanimation et ma mère est médecin au centre Covid Jean-Moulin. Je me sentais inutile de ne rien faire à la maison et de les voir partir pour aider… »
♦ La Caisse d’Allocations Familiales couvre 47% des habitants des Pyrénées-Orientales
Le dernier rapport de la CAF des Pyrénées-Orientales révélait une hausse du nombre d’allocataires de 2,1% ; compte tenu de la typologie des foyers, cela représente 227.047 personnes. Plus alarmant, 24% de ces allocataires ne percevaient pour seul revenu que ces subsides.
Au niveau de l’emploi, la situation n’est guère meilleure. Pour rappel, avant la crise du Coronavirus, les Pyrénées-Orientales affichaient un taux de 6 points au-dessus de la moyenne nationale. Même si le recours massif au chômage partiel a permis de différer, voire d’empêcher, que certains salariés du privé ne viennent grossir les rangs des inscrits à Pôle Emploi. Parallèlement, la situation des chômeurs qui voient dans les emplois saisonniers une solution provisoire qui malheureusement dure n’est guère enviable ; notamment avec la perspective d’une saison touristique à blanc.
♦ L’aide alimentaire en temps de Coronarivus ?
⊕ Colis alimentaires du Conseil départemental et du Secours Populaire :
- Téléphoner pour une évaluation sociale rapide et un rendez-vous à la Maison sociale de Proximité, rue Foch au 04.68.86.69.00
- Après remise du bon, la collecte se fait le mardi ou le vendredi de 14h à 17h Place Jean Moulin à Perpignan
⊕ Le Secours Populaire poursuit ses missions sur Perpignan et sur tout le département :
Les demandes urgentes d’aide alimentaire sont traitées par téléphone ; la distribution se fait ensuite sur rendez-vous au local les après-midis. Une permanence téléphonique départementale est assurée du lundi au vendredi de 9h à 12h et de 14h à 17h au 04 68 34 03 75.
⊕ Les Restos du Cœur donnent aussi des colis alimentaires sans formalité :
- Site Cuvier (au 7 rue Cuvier – Perpignan) (se situe derrière la Gare) :
- Les mardis de 13h30 à 17h et Les mercredis de 9h à 12h30 : 07 et 8 avril 21 et 22 avril // 5 et 6 mai 19 et 20 mai
- Site Renan (au 2 rue Ernest Renan – Perpignan). quartier Saint Gaudérique :
- Les mardis de 13h à 16h et Les mercredis de 13h à 18h30 : 07 et 8 avril 21 et 22 avril // 5 et 6 mai 19 et 20 mai
- Site Bergès (au 665 rue Aristide Bergès – Perpignan (se situe vers l’hôpital le cimetière nord) :
- Les mardis et samedis de 13h30à 16h30 : 07 et 11 avril 21 et 25 avril // 5 et 9 mai 19 et 23 mai
- Site Cassanyes (au 30 rue Joseph Denis à Perpignan). rue adjacente à la place Cassanyes.
- Les mardis et samedis de 12h30 à 14h30 environ : 14 et 18 avril 28 avril et 2 mai // 12 et 16 mai 26 et 30 mai
// Au cœur du sujet :
- Reportage | Une nuit avec les confinés de la rue à Perpignan
- Plan pauvreté – La misère est-elle moins pénible sous le soleil des Pyrénées-Orientales ?
- Enquête sur les sans-abris à Perpignan – D’une maraude à l’impossible constat chiffré (Volet 1/2)
- Enquête sur les sans-abris à Perpignan – Quelles réponses sociales ? (Volet 2/2)
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