Article mis à jour le 11 juillet 2023 à 09:57
Il a passé des semaines à assembler l’énigmatique ossature de bois qui abrite le Mer Cat. Aujourd’hui, Grégory Cortes lève le rideau sur sa création, signée Gzilépoc.
De loin, vous ne le verrez peut-être pas. Mais regardez de plus près. Là, juste un peu plus haut, à gauche : c’est marrant, mais cette porte de buffet ravinée par le temps, elle ressemble quand même beaucoup à celle d’un vieux souvenir… Se promener dans l’œuvre de Grégory Cortes, c’est voyager dans un univers inconnu, et pourtant tellement familier. Sa matière première ? Les planches érodées, les volets tordus, les lambris fatigués de leurs jours passés*. Peintre du bout de bois, il façonne ces morceaux désaccordés en une harmonie aérienne. Et ne lui parlez pas de bois neuf : « Franchement, je serais désemparé, je ne saurais pas quoi en faire. Je me fiche que le bois soit noble, je veux qu’il ait une histoire, qu’il ait été utilisé ».
Faire émerger un autre monde
Son truc à lui, c’est de faire émerger des mondes à partir de nos rebuts, à grands coups de poésie. Chacune de ses créations est une danse entre l’imagination et la réalité brute. « Je veux montrer par le biais de l’émotion que l’écologie, ce n’est pas la tristesse, c’est pas le moins, ce n’est pas la réduction du bonheur, mais plutôt l’amplification d’un imaginaire, de notre capacité à nous réapproprier le monde et à en créer un nouveau ».
Un plaidoyer en réponse à la marche anxieuse du monde actuel, qui lui vient d’une vieille photo de la Sagrada Familia datant de 1925. « On y voit, de loin, le bâtiment s’ériger depuis un terre-plein, comme quelque chose qui soudainement émerge, arrive. Elle m’a profondément touchée parce qu’elle montre quelque chose qui vient, elle montre à celui qui la regarde que son présent est en train de se construire, qu’il y participe. Et je me suis demandé comment reproduire ça ici, quelque chose qui émerge dans une époque où tout semble fermé, où toutes les portes semblent closes ».
Poser des gourmandises
D’Antoni Gaudí, il s’est aussi inspiré pour dépasser les clivages entre sculpture et architecture, entre matériau noble et matière modeste. « Au Parc Güell, ce qui me fascine, c’est sa capacité à avoir pris des rochers, c’est-à-dire des objets dont la forme est totalement inadaptée à produire de l’architecture, et soudainement, à en faire des colonnes. Il a fait pousser sa capacité à embrasser le monde avec sa technique et son regard au point que même des cailloux sans vertu, il en a fait des colonnes à l’élégance incroyable ». Mais là s’arrête la filiation. Grégory Cortès n’a pas la prétention de concevoir des œuvres pour la postérité. Même si l’archi-sculpture monumentale imaginée à Saint-Cyprien lui a donné l’audace de penser encore plus grand, à l’avenir.
« Moi, je pose des gourmandises, répète-t-il à l’envi, dans ce halo de sciure qui l’accompagne partout. Si d’aventure, par cette gourmandise formelle et chromatique, je parviens à décrocher un sourire aux gens, c’est gagné. S’il y a de la joie, de l’émotion, c’est gagné. Si je parviens à montrer que la beauté peut être drôle et avenante, c’est gagné. C’est pour ça que j’ai pensé ce lieu comme un décor de théâtre : par cette porte que l’on franchit, on entre dans une narration, dans laquelle tout est inventé. Parce que la culture est une fiction, ce n’est pas la nature, c’est artificiel, et c’est ce que j’essaye de montrer : tout naît de l’imaginaire et du travail ». Pour une fois qu’on nous encourage à être gourmands…
*Tout le matériau utilisé a été collecté par l’entreprise Sabaté et Boutan Valorisation.
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