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Hommage à Pierre Sergent l La polémique après le vote du conseil municipal de Perpignan

Manifestation anti-OAS - Toulouse 1961 - Crédit Antoine Cros

Article mis à jour le 5 mai 2023 à 08:02

Ce fut la première délibération du conseil municipal de rentrée de Perpignan. Près d’une heure pour débattre de l’opportunité de rendre hommage à ce personnage controversé de l’histoire. Malgré le vote de l’ancien maire, de nombreuses voix s’élèvent contre l’hommage de Louis Aliot à l’un des fondateurs de l’OAS. Mais au conseil municipal du 22 septembre, seuls trois membres de l’opposition ont voté contre ; six se sont abstenus et la majorité s’est exprimé en faveur de la future esplanade Pierre Sergent à Perpignan.

Extrême droite contre extrême gauche

L’adjoint à la culture André Bonet a voulu répondre à certains « esprits chagrins ». Avant de rappeler le passé de résistant de Pierre Sergent qui a « tendrement aimé la France », André Bonet a fait une longue liste de toutes les rues portant le nom de personnages historiques. « Ces mêmes esprits chagrins n’ont pas moufeté lorsqu’une avenue Robespierre a été inaugurée à Cabestany, une autre à Montreuil, une avenue de l’URSS à Toulouse, une avenue Staline, le petit père des peuples et ses 25 millions de morts à Nanterre, Saint-Denis ou Saint-Étienne, une rue Lénine à Évry ou une rue Saint-Just à Paris, une avenue Marx à Narbonne, une rue Trostsky à Montpellier ». 

Le fondateur du Centre Méditerranéen de Littérature est également revenu sur « l’écrivain » Pierre Sergent. « La réussite de son implantation roussillonnaise est manifeste. J’ai le souvenir de salles combles lorsque l’écrivain présentait son ouvrage au public à Perpignan en présence des personnalités locales et de la bonne société perpignanaise ». Cette image n’est pas sans rappeler un autre écrivain devenu polémiste et candidat malheureux de l’élection présidentielle puis des législatives, Éric Zemmour. Ce dernier, alors qu’il était encore ami avec Louis Aliot, avait fait, lui aussi, salle comble au Palais des Congrès devant le tout Perpignan.

L’adjoint à la culture a également listé les décorations et faits d’arme du soldat Pierre Sergent. « Fidèle patriote qui s’est démarqué pendant la Seconde Guerre Mondiale pour ses hauts faits de résistance. Combattant insatiable de la liberté et de la France ». Un parcours qui détonne avec les propos tenus un peu plus avant dans le conseil municipal.
En effet, André Bonet prenait ombrage du fait que l’opposition avait la fâcheuse tendance de « couper » les membres de l’équipe municipale sur ses publications. Lui-même s’honorant de ne jamais faire de même sur Facebook. Les époques changent et les outrages aussi.

Plaque de rue Ivry
Rue Lénine à Ivry-sur-Seine

Louis Aliot entend « œuvrer au rétablissement de l’histoire à Perpignan »

Le maire d’extrême droite, et l’ancien maire Jean-Marc Pujol partagent la nostalgie de l’Algérie française et se rêvent en redresseurs de « la gauche, l’extrême gauche et la bien-pensance qui peuple nos écoles et nos universités ». Après le rappel historique et culturel dévolu à André Bonet, Louis Aliot s’est chargé de rappeler les réhabilitations de Pierre Sergent et son parcours politique. « Il était militant de Valéry Giscard d’Estaing avant de participer à la liste commune des droites menée par Simone Veil aux élections européennes de 1984.

C’est dire si le personnage était accepté par tous les milieux, du centre à toute la droite ». Sur son passé de cadre fondateur de l’OAS, et ses condamnations, Louis Aliot justifie : « Si Charles de Gaulle, Valéry Giscard d’Estaing et Mitterrand ont par ces différentes amnisties fait le grand pardon, j’estime que ce chapitre est clos et qu’il n’y a aucune raison de ne pas donner le nom d’une rue à une personnalité perpignanaise, un patriote et un officier français ».

Jean-Marc Pujol s’interroge sur la légitimité de la Ve République de 1962

Pour l’ancien maire de Perpignan, Pierre Sergent qui a défendu l’Algérie française en créant l’OAS peut-être comparé au Charles de Gaulle de 1940, « celui qui a dit non ». Jean-Marc Pujol rappelle sa propre naissance dans cette Algérie département français. Avant de questionner la valeur et la légitimité du régime de Charles de Gaulle en 1962. Pour Jean-Marc Pujol, il ne fallait pas respecter ce régime qui abandonnait les Français.

« Fallait-il respecter la légalité nazie ? Hitler a été élu légalement et les lois étaient votées. Fallait-il respecter la légalité Pétain, puisque le maréchal Pétain avait été porté au pouvoir par le vote de la chambre populaire (…). Pendant ces périodes troublées, il y a des hommes qui disent non. De Gaule en 1940 a été celui qui a dit non (…). Pierre Sergent a été celui qui a dit non à l’abandon de l’Algérie Française. Et cela s’appelle l’honneur ».

Les régimes de Pétain ou de Hitler étaient-ils légitimes ?

Sur ce point, l’historien Nicolas Lebourg conteste les affirmations de Jean-Marc Pujol : « Ni Hitler ni Pétain n’ont été élus et n’ont joui d’un pouvoir légalement conquis. Hitler a été nommé légalement chancelier sans avoir reçu la majorité absolue des voix. À partir de là, il détruit la démocratie et instaure la dictature nazie en violant les cadres légaux de l’Allemagne. Pétain a lui reçu les pleins pouvoirs, avec de très nombreux députés absents pour cause de guerre, afin, selon le texte voté, de rédiger une nouvelle constitution de la République, devant être adoptée par référendum et appliquée par les assemblées. Pétain se contente des pleins pouvoirs (même s’il travaillera sur ce projet de constitution encore début 1944) et c’est bien pourquoi le général de Gaulle a toujours considéré qu’il n’y avait pas de légalité du régime de Vichy ».

L’élu d’opposition Bruno Nougayrede s’est également interrogé sur cette différence entre légalité et légitimité d’un régime. « Le Général de Gaulle de 1962 et 1965 est-il seulement légalement chef d’État ou est-il légitimement le chef d’État ? Pour moi, la réponse est celle de la légitimité. Par conséquent, dès le moment où le Général de Gaulle est légitime, certains combats ne sont plus acceptables. Car ils remettent en cause les fondements de l’ordre républicain ».
Une position partagée par Christine Gavaldat Moulenat, également membre de l’opposition. « La violence politique ne doit jamais être valorisée et c’est ce que vous faites aujourd’hui avec ce choix. Des innocents, des élus ont été tués pour leurs idées, des attaques aveugles ont semé la terreur, et il s’agit là d’une tache indélébile dans notre histoire ».

Les condamnations se multiplient

Pour l’Alternative, liste citoyenne aux municipales 2020, l’hommage à Pierre Sergent est « une provocation » de Louis Aliot. La mairie RN « ne cesse d’instrumentaliser Perpignan pour réécrire l’histoire de l’Algérie française. L’Alternative ! Endavant condamne le procédé qui nuit à l’image de la ville et à sa cohésion sociale ». Pour l’écologiste Agnès Langevine qui avait fait le choix de ne pas maintenir sa liste au second tour des Municipales pour ne pas être rendue responsable de l’accession de l’extrême droite à la mairie de Perpignan : avec cet hommage, « Louis Aliot défigure encore plus notre ville en l’obligeant à honorer Pierre Sergent (…). Cette décision terrifiante signe une fois encore la relation malsaine qu’alimente Louis Aliot avec le passé colonial de la France ».

SOS Racisme a de son côté adressé au Préfet des Pyrénées-Orientales un courrier sollicitant l’annulation de la délibération.

« Au regard de la personnalité à laquelle l’hommage public est rendu et du sens donné à cet hommage, la délibération du conseil municipal de Perpignan attribuant le nom de Pierre Sergent à une esplanade de la ville ne paraît ni poursuivre un quelconque intérêt public local, ni protéger l’ordre public, ni préserver l’image de la ville, ni respecter la sensibilité des personnes, ni, selon la portée qu’on leur accorde, respecter les principes d’égalité des citoyens et de neutralité. ».

Photos historiques d’illustration © Wiki Commons

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