Article mis à jour le 5 février 2020 à 16:15
Avant l’élection des 15 et 22 mars prochain, la rédaction a fait le choix de rencontrer un à un chacun des candidats. Ces entretiens seront publiés simultanément deux par deux. Nous avions choisi l’ordre alphabétique. Un choix sur lequel nous avons dû revenir faute de disponibilité de certains candidats. Vous pouvez retrouver, dans nos précédents articles, la présentation de Louis Aliot, Olivier Amiel, Alexandre Bolo, Caroline Forges, Romain Grau, Agnès Langevine, Jean-Marc Pujol, Clotilde Ripoull.
♦ Jean-Marc Pujol quelle est être votre stratégie pour cette campagne ? Allez-vous défendre votre bilan et continuer sur la même lancée ou donner de nouvelles orientations pour répondre aux nombreuses critiques ?
Bien sûr que nous allons défendre notre bilan, je crois qu’il est exceptionnel ! C’est à la fois un bilan dont je suis fier, et nous allons continuer. Vous savez, le développement d’une ville ne s’arrête à aucun moment. Je vois la campagne comme un événement démocratique au milieu d’un projet.
Quand on regarde le bilan, je vous demande qui aurait investi 25 M€ pour faire revenir l’université en centre-ville ? Et puis, ce n’est pas terminé, il y a aussi l’installation du Palais de justice. Là aussi, c’était un débat car certains voulaient créer une cité judiciaire à l’extérieur de la ville.
Le musée est enfin terminé, mais nous avons de nombreux projets que nous portons dans les quartiers. Donc, oui, je pense avoir la crédibilité pour présenter un nouveau projet municipal.
♦ Vous avez lu l’article sur Perpignan dans la presse nationale* ? En lisant le tableau dressé, personne n’aurait envie de s’installer à Perpignan. Le constat peint est sans appel : pauvreté, chômage, quartiers défavorisés ? Que répondez-vous à ces propos ?
Tout cela dépend de l’État et du gouvernement ! Certes, je ne me satisfais pas de cette réponse. La preuve, j’ai obtenu de l’État le déblocage de 130M€ pour la rénovation urbaine. Car, déjà en 2014, j’avais vu les nombreuses problématiques, entre autres, du quartier Saint-Jacques ! Je l’ai pointé du doigt tout de suite. Mais depuis l’État a fermé le poste de police de la place Cassanyes, alors que moi j’ai ramené la faculté de droit ! La ville est le seul service public encore dans ce quartier.
Concernant la rénovation urbaine et la restructuration, qui a arrêté le chantier de l’îlot du Puig ? Que chacun prenne ses responsabilités. Je n’ai pas lu l’article de Libération qui fait toujours dans le misérabilisme. La réalité, c’est que dans ma fonction de maire, j’ai apporté à Perpignan ce que le gouvernement n’a pas apporté. Et ça, j’en suis fier !
♦ C’est votre équipe qui pourrait être sanctionnée dans les urnes et ce sont les habitants de ces quartiers qui sont sanctionnés au quotidien ?
D’abord je ne serai pas sanctionné, parce que Saint-Jacques ce n’est pas tout Perpignan. Et parlons aussi de ce qui va bien à Perpignan. Moi, ce que j’ai fait, c’est mettre le doigt sur les problématiques de Saint-Jacques. Et alors que les immeubles s’effondrent à Marseille, j’ai réussi à financer un projet de rénovation. Et aujourd’hui, si l’État n’avait pas été défaillant sur la sécurité, j’aurai continué sur mes chantiers.
Voilà, la réalité, elle est là ! Mais je continuerai, je vais mettre en demeure l’État. Parce que c’est facile de faire du cinéma, mais la sécurité publique est quand même la compétence de l’État. Et quand il y a des voyous qui manifestent pour empêcher la restructuration d’un chantier, c’est la responsabilité de l’État, pas la mienne ! C’est pour ça que le maire que je suis est très à l’aise là-dessus.
♦ Jean-Marc Pujol, quel est votre projet pour pallier la désertification du centre-ville en matière de commerce ?
C’est faux, il y a plus de commerces dans le centre-ville qu’il y a 30 ans. Si je prends l’exemple du boulevard Clémenceau ; 20 ans en arrière, il y avait 17 commerces fermés. Aujourd’hui, il n’y en a plus. 54 commerçants se sont installés. Cette rumeur de la désertification est pourtant facile à vérifier. Mais personne ne le fait, alors qu’il suffit d’aller à la Chambre de commerce et de reprendre les listes.
Il y a de nombreux paramètres à prendre en compte, c’est la mutation du commerce. Il y a une bascule par rapport à l’époque. Aujourd’hui, on est plus sur du commerce autour de l’alimentaire. Il y a 20 ans, il n’y avait aucun commerce de ce type boulevard Leclerc ; aujourd’hui il n’y a que cela. Et puis les Halles sont aussi des commerces, non ?
Le commerce se transforme, et il y a des difficultés dans certains endroits. Et la rue des Augustins en est un exemple. Mais il faut penser que dans cette rue, il y avait essentiellement des commerces de textile et d’habillement. Désormais, les gens achètent beaucoup sur internet. L’an passé, les Français ont dépensé 104Milliards d’euros sur internet. Il y a 20 ans, c’était seulement 7 milliards. Il s’agit d’une évolution considérable.
Mais sur la rue des Augustins, il faut prendre des décisions. C’est pour cela que j’ai décidé de faire une Délégation d’Utilité Publique pour mettre à disposition des commerçants des locaux à des loyers abordables. Parce que payer 700€ par mois pour 40M2, ce n’est pas possible !
♦ Jean-Marc Pujol, pourquoi ne pas l’avoir fait plut tôt ?
Mais je l’ai fait avant, mais les procédures en France sont très lourdes, et nous subissons systématiquement des recours. J’ai été attaqué sur le Plan du secteur sauvegardé, sur la rénovation du théâtre, sur le retour de l’université en centre-ville…
♦ Les Dames de France sont-elles en passe de devenir une nouvelle friche commerciale comme l’ancienne usine Comteroux ?
Le projet Comteroux avait abouti ; mais il s’agit là d’une polémique politicienne, qui ne visait qu’à m’affaiblir ! Pour les Dames de France, la FNAC souhaitait se rapprocher du centre-ville. Et puis on ne peut pas parler de friche commerciale, ça ne fait que 3 mois qu’ils sont partis. Alors que je travaille sur le dossier depuis 2 ans. On a déjà réussi à faire venir Bureaux&Co, mais ça ne suffit pas. Je négocie avec un opérateur national qui veut installer un hôtel 4 étoiles.
Après, je vais vous dire, ce sont des décisions que les opérateurs prennent. Comme nous ne sommes pas dans une économie administrée, ce n’est pas le maire qui décide. Je ne peux que mettre en place les meilleures conditions d’accès possible. Ça va même au-delà. Juste pour vous donner une idée, les opérateurs avec qui je parle aujourd’hui vous disent : « je veux ça à tel prix ». Vous ne pouvez même pas discuter avec eux. Si vous saviez les exigences qu’ils ont ! Ils vous disent, on vient, mais on ne paiera que 6 euros le M2 ; c’est ça la réalité du monde. Et c’est à nous de nous adapter à l’économie, l’inverse n’est pas possible.
Ce que nous pouvons faire, c’est travailler à un élargissement de l’offre. C’est la seule chose que je puisse faire, parce que je ne peux agir sur l’impôt sur les sociétés ou les charges sociales.
♦ Comment faire pour que l’État pense plus à Perpignan ? Que peut faire le maire ?
Mais ce n’est pas qu’à Perpignan, c’est partout. En attendant, à Perpignan, on peut aller dans tous les quartiers. À Montpellier, on ne peut plus aller à la Paillade ; à Grenoble, il y a des quartiers abandonnés, idem à Nîmes … Perpignan est la seule ville de plus de 100.000 habitants où on peut aller dans tous les quartiers ! On a fermé deux collèges au Mirail à Toulouse, pas à Perpignan.
Mon analyse c’est que les maires doivent faire face à la défaillance de l’État. Je trouve cela scandaleux, et je m’en suis indigné avant tout le monde.
C’est pour cela que je milite pour que les policiers municipaux aient l’habilitation police judiciaire. Est-il normal qu’un ancien gendarme, ou un ancien du GIGN, qui étaient officiers de police judiciaire, perdent cette habilitation ? Pourquoi, en tant que maire, je ne peux pas fermer un commerce délictueux ?
Les épiceries illégales ? Mais que font les députés ? Je sollicite depuis des années pour que le maire ait le droit de délivrer un permis d’habiter, ou d’ouvrir un commerce, et de le fermer ! En ce qui me concerne, je prends mes responsabilités et je supplée à la défaillance de l’État. Pour le reste, il faut faire intervenir le gouvernement. Je n’ai pas les compétences, on ne m’a pas élu Président de la République.
♦ Pour vous, il n’y a pas d’autres solutions ? Les riverains doivent-ils se contenter de cela ?
Il y a des solutions, bien sûr qu’il y a des solutions. Mais elles dépendent du Parlement, des députés élus et du gouvernement. J’ai donné des solutions très précises, pourquoi ne pas les mettre en place ? L’habilitation officier de police pour la police municipale. Le permis d’habiter, d’ouvrir ou de fermer un commerce. Moi, il me faudrait 1 heure pour dicter le décret !
Pourquoi ne le fait-on pas ? Je pense qu’il y a une volonté d’organiser une sorte de débat en tête-à-tête avec le RN sur ces sujets-là au plus haut niveau de l’État.
Je propose des choses simples, et j’ai même demandé que Perpignan soit une ville pilote en la matière. Mais il faut me donner les moyens. Parce que ce n’est pas en allant à BFM tous les matins que l’on va régler les problèmes. Sinon, ça se saurait !
♦ Pourquoi Perpignan est-elle la ville de 100.000 habitants la plus proche d’élire un maire Rassemblement National ?
Parce qu’il y a une tradition de vote Front National à Perpignan depuis 30 ans. Personne ne l’a analysé mais, alors que ce vote était bien identifié il y a 30 ans, aujourd’hui il est partout en France. Pourquoi personne ne s’interroge pour savoir comment ce qui était marginal il y a 30 ans est partout aujourd’hui. Il faudrait savoir pourquoi 70 départements ont mis le Rassemblement National en tête. Pourquoi, aux élections européennes, le RN est arrivé en tête dans l’Aude, l’Hérault, l’Ariège ?
Le RN est en moyenne à 21% à Marseille, à Lyon ; le RN sera élu au premier tour dans certaines villes, et pas qu’à Béziers, ou à Fréjus. Et on ne se pose toujours pas la question ?
Pourquoi ? Parce que je pense que les gouvernements successifs n’ont pas fait face à la crainte du déclassement, au sentiment d’insécurité… Et le RN répond par le populisme. La réalité, c’est qu’il y a un RN fort à Perpignan, mais il est fort partout. Malgré tout cela, je l’ai quand même battu en 2014.
♦ Béziers, Fréjus, la gestion du Rassemblement National est-elle efficace ?
Mais pas du tout ! Béziers, je connais bien. Robert Ménard va être réélu parce qu’il y a une inquiétude forte de déclassement et d’insécurité. Et les gens croient que là où les partis classiques ont échoué à régler leurs problèmes, le RN va les régler. Mais il ne les réglera pas non plus !
Mais Robert Ménard a réussi à fédérer autour de lui. À l’heure actuelle, on ne sait même pas s’il y aura une liste En Marche à Béziers. Il a réussi à fédérer en faisant du populisme.
Oui, parce que je me suis toujours opposé à la lecture extrême droite. L’extrême droite, c’est 3% de tarés. Mais eux, ils font du populisme. Et le populisme, et les populistes veulent parler au peuple. La question est de savoir quelle réponse on doit apporter au peuple. Quand on voit Monsieur Aliot qui fait 34,5% en 2014 alors qu’il n’est jamais là, c’est parce que les gens croient qu’il peut changer les choses. Moi, je sais qu’on ne les change pas si facilement. Mais c’est à moi de les convaincre.
Monsieur Ménard, c’est bien ; sauf qu’à la Devèze, on lui a brûlé une école. Pas à Perpignan ! Parce que faire des affiches 4X3 avec un 9mm dessus… Moi, ma police est armée depuis bien longtemps, et ça, ce n’est pas de la com’. Ce n’est pas par hasard que nous avons la première police municipale de France. Ce n’est pas arrivé d’un coup, nous y travaillons depuis longtemps. Il nous faut convaincre de cette vision de long terme.
♦ Pourquoi ne pas avoir fait une liste commune avec vos anciens adjoints, devenus adversaires pour cette élection ?
J’ai essayé jusqu’au bout de les convaincre. Après, vous savez, ce sont des décisions individuelles. Je suis profondément démocrate, et cela m’amuse beaucoup que Monsieur Amiel se soit découvert plus gaulliste que tout le monde. Il a oublié l’époque où il était au cabinet du socialiste Christian Bourquin ?
Je me souviens encore quand je suis allé en 2017 défendre la candidature de Monsieur Grau aux législatives, et ensuite il passe chez Macron. Vous savez, chacun prend ses responsabilités ; moi j’ai toujours pris les miennes.
Ce sont des ambitions personnelles. Parce Monsieur Amiel expliquait partout que si je me présentais, il ne se présenterait pas. Il a adhéré aux Républicains en faisant la bascule gauche droite. Maintenant, il nous explique qu’il était avec Chevènement, et qu’il est un gaulliste historique, moi ça m’amuse beaucoup.
♦ Cette configuration fait de vous la cible de Louis Aliot, mais aussi de vos anciens adjoints… Cela va vous compliquer la tâche, non ?
Mais où est le problème ? Ce n’est pas une tâche pour moi, c’est un enjeu de société. Aujourd’hui, mon équipe est totalement solidaire. Certains sont partis pour des raisons politiciennes, mais ils sont restés jusqu’au bout. S’ils n’étaient pas d’accord, il fallait partir plus tôt ! Au lieu de cela, ils ont tout voté. Tout cela m’amuse beaucoup, mais après tout ce sont des ambitions personnelles que je peux comprendre.
Mon analyse aujourd’hui est que cela se joue entre le travail fait par l’équipe et ce que représente Monsieur Aliot. Le reste n’est que des épiphénomènes. Je vais dire ce que j’ai fait et les gens pourront comparer avec ce que propose Monsieur Aliot. Les autres, je ne sais pas ce qu’ils proposent, ils sont restés avec moi durant des années. Ils sont restés jusqu’au bout, je les ai aidés, certains pour être élus au département. Aujourd’hui vont-ils m’aider pour être réélu ? Peut-être.
J’ai toujours fait de l’ouverture. Et particulièrement aux gens de la société civile, ou à des gens qui venaient de la gauche comme Monsieur Amiel en 2014. J’ai toujours dit que mes listes seraient très ouvertes ; d’ailleurs ce n’est pas très original, tous les maires le font. Ma liste sera très ouverte, à dominante société civile.
♦ Un de vos axes de campagne est l’écologie. Pourtant, on vous connaît peu dans ce domaine ?
Et pourtant, j’ai un vrai bilan sur le sujet. Nous sommes la première ville à produire du biogaz à partir de notre centrale d’épuration. C’est tout de même un investissement de 2M€. Nous sommes aussi l’une des premières villes de France à desservir son territoire avec la chaleur fractale. C’est la chaleur tirée de la centrale de combustion de déchets de Calces. Nous avons construit un tuyau de 12 kilomètres qui permet d’apport cette chaleur à la zone de Torrémila et bientôt à l’hôpital.
En termes de solarisation des bâtiments publics, nous sommes, là encore, en avance. Et ça, ce sont des choses concrètes, je ne parle pas de planter 500.000 arbres.
Pour la végétalisation, là aussi je l’ai entamé avant tout le monde. Les places minérales, vous noterez que ce n’est pas moi qui les ai créées. En revanche, j’ai créé trois choses : le Parc Saint-Vicens avec son extension en cours d’aménagement, la restructuration du Parc Maillol et celle du Parc Bir Hakeim. Et sur les plantations, c’est moi qui ai décidé de remplacer les palmiers par des essences locales.
♦ Pour le volet culturel de votre projet ?
En 2014, j’avais dit que je ne baisserai pas le budget de la culture ; aujourd’hui je vais même demander à aller plus loin. Dans la ville, il y a des personnes éloignées de la culture et qui n’ont pas l’idée d’aller au théâtre ou au conservatoire.
Je demande aujourd’hui aux acteurs culturels d’aller chercher les gens. Alors, on n’installera pas un musée dans chaque quartier, mais nous devons mener une réflexion à partir des mairies de quartier et des centres sociaux. Nous devons identifier les personnes que nous allons amener vers ces éléments de culture. Nous l’avons fait pour le sport, et ça a bien fonctionné. Pour la culture, je veux qu’on aille plus loin, que les acteurs culturels aillent dans les quartiers pour aller chercher tous ceux qui sont loin de la culture.
*Article payant paru dans le journal Libération le 15 janvier
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