Article mis à jour le 13 novembre 2023 à 17:09
Le fondateur de Payote, Olivier Gelly se souvient du petit Olivier écolier à Saint-Paul-de-Fenouillet. « Un élève 99% du temps dans la lune ou à dessiner ».
Mais Olivier avait d’autres compétences dans son cartable. Et il a emprunté un chemin différent de la ligne tracée par l’éducation nationale. Créatif et entrepreneur, Olivier Gelly a tout misé sur l’espadrille. Cette chaussure à la semelle en corde originaire des Pyrénées et pourtant fabriquée en majorité dans les ateliers asiatiques.
Aujourd’hui, les espadrilles Payote comptent 18 salariés pour un chiffre d’affaires d’un million d’euros en 2020. L’objectif d’Olivier ? Fabriquer en France un million d’espadrilles par an. Rien que ça ! Cet été, l’atelier Payote de Perpignan accueillait les clients qui pouvaient réaliser eux-mêmes leur propre espadrille. Échange avec Maggie et Brigitte, fidèles clientes des Payote d’Olivier Gelly.
« Voir ces petites mains s’affairer autour du tissu est précieux »
Maggie et Brigitte connaissent déjà les espadrilles Payote. L’une est parisienne et passe ses vacances dans la région quand son amie habite dans les Pyrénées-Orientales. Toutes les deux aiment la success story d’Olivier et surtout cette chaussure ancestrale avec un air de nouveauté. Olivier Gelly le confie : « ma force, c’est le coup de fraîcheur que j’ai donné à l’espadrille traditionnelle ». Car oui, alors qu’elles étaient hier utilisées aux champs, elles sont aujourd’hui devenues tendance. De nos jours, l’espadrille se décline en plus de 500 modèles ; de l’uni à la marinière en passant par la Joconde, l’espadrille Payote est personnalisable à l’envie.
Maggie voulait vraiment découvrir l’envers du décor. « J’adore visiter les ateliers connaître les dessous d’un objet. J’aime découvrir cette fabrication artisanale. On est tellement soumis à tout ce qui est industriel que de voir ces petites mains s’affairer est précieux ». Maggie s’est convertie en voyant les espadrilles de Brigitte. Cette dernière connaît même certains modèles par leur prénom. Car oui, ici on ne parle plus de chaussures, mais des « Aubert », des « Roxane » ou des « Laetitia ». Car, pour s’y retrouver parmi les 500 motifs disponibles, Olivier et ses équipes ont fait le choix de baptiser les modèles avec des prénoms différents.
Bientôt un atelier de 5.000m2 pour les espadrilles Made In Perpignan
Durant l’été 2022, la marque tricolore a voulu ouvrir grand les portes de son atelier perpignanais. Et le succès de cette initiative fut au rendez-vous, « une heure après l’annonce des visites d’atelier, tous les créneaux pour l’été étaient complets ». L’objectif des visites d’atelier ? De « rencontrer les clients, qu’ils échangent avec les salariés et voient comment sont fabriquées nos chaussures. Mais aussi renforcer la fidélité, et faire évoluer l’expérience client ». Après le succès de cette démarche, le chef d’entreprise réfléchit à faire perdurer ces rencontres au-delà de l’été.
Olivier voit plus loin, il souhaite réaliser un million d’espadrilles par an, contre 80.000 à ce jour. Pour ce faire, le jeune entrepreneur imagine une usine de 5.000m2 dans les Pyrénées-Orientales, et le projet est en bonne voie. Une usine qui sera visitable et équipée d’un cinéma. Objectif ? Conter l’histoire de l’espadrille Payote. Une success story sur le modèle des bonbons Haribo ou les bières Guinness confie Olivier. Plus près de chez nous, les chocolats Cantalou, devenus Cémoi ou le Grenat de Prades organisaient également des visites d’atelier.
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La force des réseaux sociaux des espadrilles Payote
Dénicheur de tendance, Olivier Gelly compte sur la force de sa communauté. Une communauté fidèle qui, à chaque fois, répond présente. Ce fut notamment le cas en avril 2021, alors que Payote lançait un financement participatif pour ouvrir une 2e boutique à Toulouse ; la première étant à Perpignan. Là aussi, le crowdfunding fut un succès. Payote proposait au grand public d’investir 120.000€ pour ouvrir une nouvelle boutique. « En moins de 3 semaines, nous avions récolté 130.000€. Nous avons fait le choix de fermer le financement participatif avant la fin » déclare avec fierté Olivier.
Aujourd’hui, la boutique toulousaine est un succès et les paires d’espadrilles se vendent comme des petits pains, grâce notamment à la notoriété de la marque et l’emplacement choisi sur une artère commerciale de la ville rose. Maggie conseille d’ouvrir également une boutique à Paris.
« Si vous aviez une antenne à Paris, ça marcherait ». Et Olivier de confirmer, « 40% de nos acheteurs sont à Paris ». Maggie de relancer, « depuis 3 ans, nous n’avons que très peu de pluie. Le temps idéal pour mettre des espadrilles. Je ne suis pas surprise par l’engouement des parisiens envers vos espadrilles« . Olivier acquiesce, « quand il fait beau à Paris, nos ventes s’envolent ».
Quelles sont les Payote les plus vendues ?
« Chaque année, j’essaye d’avoir des motifs pour tous les goûts. On a eu les animaux, des choses plus graphiques. À ce jour, le modèle le plus vendu est celui aux couleurs de l’équipe de France de rugby. Nous conservons dans notre bibliothèque tous nos modèles ». Au-delà du partenariat avec le musée du Louvre ou l’Élysée, Olivier Gelly va créer les espadrilles des Dragons Catalans. Pour l’été 2022, les modèles avec les Calaveras mexicaines font fureur pour les hommes ou pour les femmes. Les équipes créatives de Payote ont décliné les Calaveras sur 6 modèles, couleurs, unies ou noirs et blanc. Le modèle à l’effigie du sauveur de la galaxie Goldorak a aussi fait fureur.
Olivier se souvient du déclic qui l’a amené à créer Payote. « Un matin, je pars à mon boulot de vendeur dans une boutique de prêt-à-porter de Perpignan et je me retrouve avec une paire d’espadrilles dépareillée, une en 41 et une en 43. Le soir, je décide de personnaliser ma paire à coups de peinture, de couleurs et de feutres. Une fois à mes pieds, je fais un carton le lendemain auprès des clients. C’est cette petite anecdote qui me donne l’idée de lancer ma propre marque d’espadrille ».
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De la difficulté de faire renaître une filière complète
À la faveur de la mondialisation, et surtout après la crise du Covid, certains Français se sont rendu compte de la dépendance que la France avait vis-à-vis des pays asiatiques. Semi-conducteurs, principe actif du paracétamol, masques chirurgicaux, autant de produit que la France ne produit plus et qui, en cas d’arrêt de production, entraînent des pénuries importantes. Certes, la filière de l’espadrille est moins vitale que celle du paracétamol, mais alors que la France ne produit presque plus de textile, Olivier Gelly ambitionne de relancer le secteur.
« Quand, il y a 30 ans, les espadrilles venues de Chine ou du Bangladesh ont débarqué, elles ont cassé le marché français. Et, le prix était devenu la seule motivation d’achat. Tout le secteur de l’espadrille français a périclité, il ne restait plus que 6 ou 7 ateliers. Aujourd’hui sur 12 millions d’espadrilles vendues par an, 9 viennent de Chine et seulement 3 millions sont fabriqués en Europe. Depuis janvier et à ce jour, Payote a eu 3 millions de paires commandées alors que je ne peux en fabriquer que 60 à 80.000 par an ! »
La fabrication de chaque espadrille nécessite 14 étapes. De l’encollage de la semelle, à la couture à l’italienne, en passant par la pose de la toile et de l’étiquette. Il faut vraiment analyser chaque étape, et surtout le flux. Quand vous fabriquez une paire d’espadrilles, les premières étapes sont très rapides. Olivier prend l’exemple de Marie qui réalise la couture à l’italienne : elle fabrique 100 paires par jour, alors que vous pouvez imprimer le tissu pour 1.500 paires en une demi-journée.
« Aujourd’hui on est dans une situation d’entonnoir et on voudrait un boulevard. Il nous faut calculer le flux de chaque étape pour trouver un juste milieu entre l’innovation et le savoir-faire pour automatiser certaines étapes et accélérer la cadence. Par exemple, nous découpons manuellement 1.500 paires en 48 heures, alors que certaines machines font de même en 5 ou 10 minutes ! Sur la couture à l’italienne, nous travaillons aussi avec des ingénieurs pour tenter de trouver un système pour faire 1.500 paires par jour et par couturière ».
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