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En photos. Les agriculteurs catalans en colère bloquent Perpignan et l’A9

Perpignan, les agriculteurs catalans en colère bloquent l'A9 et tout le département

Article mis à jour le 27 janvier 2024 à 09:03

Ce vendredi 26 janvier, les agriculteurs du département ont joué au chat et à la souris avec les automobilistes des Pyrénées-Orientales. Une manifestation qui s’inscrit dans le cadre d’une grogne nationale, et internationale. Sauf qu’en plus, les agriculteurs locaux doivent composer avec l’énorme crise de la sécheresse.

Du nord au sud du département, ces hommes et ces femmes souvent invisibles étaient bien présents, et les automobilistes et camionneurs coincés dans les embouteillages les ont bien vus. Sur la barrière du péage Sud, sous un soleil de plomb surréaliste pour cette fin janvier, nous avons rencontré Benoît, Émilie et Marjorie. Malgré la lassitude et la colère, ils espèrent encore. L’espoir d’une certaine reconnaissance de ceux qu’ils aspirent à nourrir, ces consommateurs qui parfois leur préfèrent des produits de moindre qualité mais moins chers. Malgré les difficultés, tous déclarent aimer leur métier, une passion qu’ils entendent transmettre à leurs enfants.

Entre espoir et lassitude, les agriculteurs catalans mettent leur énergie dans la bataille 

Bruno Vila, patron du principal syndical d’agriculteur, attendait de pied ferme le discours du Premier ministre. Sur l’autoroute A9 bloquée, celui qui est aussi maraîcher et arboriculteur à Saint-Cyprien attend des mesures «fortes et rapides» de Gabriel Attal. Et «surtout une vraie politique de long terme qui mette l’accent sur la souveraineté alimentaire.» Les agriculteurs se disent excédés, écrasés de normes et de contrôles.

Non loin de là, Christine et son mari confirment, «tous les ans, nous sommes contrôlés». La plupart des agriculteurs toutes filières confondues doivent, à la faveur d’une nouvelle norme, investir dans du nouveau matériel. «En moyenne, tous les deux ans», insiste Christine. Elle et son mari sont arboriculteurs dans les Aspres. Depuis quelques années, ils ne peuvent plus utiliser de désherbants, ils ont donc dû s’équiper pour désherber mécaniquement. Autant d’investissements financés à crédit. Avec une perte de 80% de production sur ses oliviers, Christine imagine mal une nouvelle saison aussi mauvaise.

Parmi les mesures exigées par la FNSEA, la réduction des coûts salariaux pour le secteur agricole. Pour Bruno Vila, la concurrence est déloyale, entre les produits agricoles français et ceux produits dans des pays (Espagne ou Maroc) où la main d’œuvre est bien moins chère qu’en France.

«Nous voulons vivre de notre métier»

Benoît, viticulteur à Estagel, Émilie à la tête d’une ferme piscicole ou Marjorie arboricultrice à Espira-de-l’Agly tiennent le même discours : ils en ont marre de devoir quémander des subventions, de subir ces charges et ces lourdeurs administratives. Ils veulent vivre de leur production et non des subventions françaises ou européennes.

Partout, les agriculteurs sont en colère contre cette Europe qu’ils jugent trop technocratique, compliquée et bien éloignée de leurs problématiques. Benoît a 29 ans et s’indigne, «on en a marre de la hausse des taxes, des contraintes pour l’accès à l’eau, la lourdeur administrative, tous les dossiers prennent des années ! On nous avait promis qu’avec la dématérialisation, ça irait plus vite, mais c’est pire.» Benoît déclare avoir perdu 40% de sa récolte et n’avoir rien reçu pour compenser ses pertes.

Émilie et son mari sont à la tête de la seule ferme piscicole privée des Pyrénées-Orientales. La pisciculture du Canigou produit des truites arc-en-ciel ou fario, et du saumon de fontaine. Autant de poissons que le couple vend, en majorité, vivants pour repeupler les milieux aquatiques de plusieurs départements d’Occitanie.

«Les charges sociales nous plombent. Nous ne sommes pas considérés dans la filière, mais malgré tout nous payons les charges agricoles. On  n’a aucune aide ni nationale, ni de l’Europe, mais on nous demande de produire toujours plus de poisson de qualité. On arrive tout juste à se sortir un salaire de 750 euros et pour vivre, ce n’est pas suffisant. Nous aimerions une modification de notre statut. Et comme tout le monde, nous subissions la hausse de l’essence et des matières premières, sans pour autant pouvoir augmenter nos prix. Nous sommes face à une concurrence déloyale avec les truites de Hongrie. On produit de plus en plus de poisson, mais nous n’arrivons pas à en vivre.»

Perte de récolte, perte de fond, les subventions ne sont pas à la hauteur

Marjorie est petite-fille d’agriculteur et, malgré les difficultés, elle espère pouvoir transmettre la flamme à ses enfants. Agricultrice depuis 2014 à Espira de l’Agly, la représentante des Jeunes agriculteurs cultive abricots, nectarines, pommes, figues et de la vigne. «J’ai dû diversifier pour subvenir aux besoins.» La sécheresse dans l’Agly a un fort impact sur les arbres de Marjorie. «J’attends encore un peu avant d’arracher certains arbres, mais je sais que certains ne reprendront pas.»

Sur les aides, Marjorie est amère. Elle faisait partie des agriculteurs qui ont reçu le ministre au printemps 2023. À l’époque, Marc Fesneau était venu pour entendre les inquiétudes des agriculteurs frappés de plein fouet par la sécheresse. Mais les aides ne sont pas à la hauteur selon Marjorie. «On a eu une petite aide sur la perte de la récolte, mais comme ça se base sur la moyenne des années où la production était déjà très basse, nous n’avons pas reçu grand-chose.»

La sécheresse, la goutte d’eau qui fait déborder la colère des paysans catalans 

Depuis le printemps 2023, tous les médias ont un œil sur le niveau d’eau dans les Pyrénées-Orientales. Nombre d’agriculteurs ont répondu à tous ces journalistes qui s’enquièrent de leur façon de gérer ce manque d’eau. Et comment, sans eau, ils réussissent malgré tout à faire tourner leurs exploitations. En 2024, la coupe est pleine, ou vide selon l’angle. Quoi qu’il en soit, l’eau n’est toujours pas au rendez-vous pour arroser les terres catalanes. Et les agriculteurs sont las d’attendre des solutions. Eux, ils en ont, et celle qui est le plus souvent avancée consiste à installer un tuyau pour les connecter à l’eau du Rhône. «Il y a de l’eau partout, il suffirait d’installer un tuyau.» Peu importe le temps ou l’ingénierie nécessaire pour ce genre d’ouvrage, pour les agriculteurs, le message est simple : «quand on veut, on peut.»

Bruno Vila évoque la mission interministérielle venue pour étudier les mesures contre la sécheresse. Une étude qui devrait révéler ses conclusions ce 30 janvier. «On a aussi besoin d’avoir cette connexion pour amener l’eau du Rhône dans les Pyrénées-Orientales. Il nous faut des réponses à court, moyen et long terme», insiste Bruno Vila. Le maraîcher espère des autorisations pour des retenues d’eau, des moyens de la stocker ou des dérogations pour réutiliser les eaux des stations d’épuration.

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Maïté Torres