Article mis à jour le 21 février 2024 à 09:37
Du 22 juin au 29 décembre 2024, le musée Rigaud présente sa nouvelle exposition temporaire. Après Richard Guino, ce sont les œuvres du peintre et céramiste Jean Lurçat qui seront exposées. Échange avec Pascale Picard, commissaire de l’exposition et conservatrice du Musée Rigaud de Perpignan.
Profondément marqué par les deux guerres mondiales, Lurçat investit ses œuvres de messages forts, dont le sens ne peut échapper à l’homme du 21e siècle. L’exposition propose, au travers de 200 pièces jalonnant sa carrière, d’entrer dans un univers esthétique singulier, au discours précurseur. Au cœur d’une actualité marquée par les conflits et le bouleversement climatique, l’engagement de l’artiste, à la fois amoureux et détracteur d’un Monde dont il décrit inlassablement les paradoxes, nous permet d’entrevoir le noir d’un chaos dont sa vision de l’Apocalypse sera l’épilogue (Le Chant du Monde, 1957-1966, Angers).
Des oeuvres d’art à la portée du plus grand nombre
Grâce à l’exploration de fonds d’archives inédits et à la présentation d’une centaine de céramiques, l’exposition fait le point sur ce domaine moins familier de son œuvre. Lurçat y aborde un nouvel espace de liberté qu’il a su enrichir par ses autres pratiques et réalisations, elles-mêmes nourries de ses rencontres avec les milieux du spectacle et de l’avant-garde artistique.
« Durant la Première guerre mondiale, Jean Lurçat était dans les tranchées. Durant la Seconde guerre mondiale, il fut un très grand résistant qui a pris beaucoup de risques », raconte Pascale Picard. Lurçat n’aura pas d’enfants, son seul enfant, qui était adoptif, meurt dans de terribles conditions durant le conflit mondial. « C’est une personne qui a vécu cette première moitié du 20e siècle, dans une dimension de violence dramatique. Et en même temps, si vous regardez son œuvre, il utilise une palette colorée absolument exceptionnelle. Il y a toute une poésie dans cette vie qu’il aborde, aussi bien dans ce qu’elle a d’extraordinaire que dans ce qu’elle a d’extrêmement dramatique. »
Jean Lurçat se promet d’abord à une carrière d’artiste peintre. Dès les années 30, il s’intéresse à la tapisserie et à la céramique. « Il s’écarte de cette carrière d’artiste peintre pour pouvoir se mettre à la portée du plus grand nombre et pour vraiment démocratiser l’art », explique Pascale Picard. L’artiste va complètement réactualiser la pratique de la tapisserie, totalement obsolète au moment où il s’y intéresse. Cette pratique va le conduire à considérer l‘œuvre d’art en tant que médium d’art total. C‘est-à-dire renvoyer l’œuvre d’art à l’architecture et au quotidien de tout un chacun.
L’exposition du musée Rigaud met en lumière la céramique de Lurçat
Même si Pascale Picard reste subjuguée par le tableau de la Femme turque, la céramique de Lurçat a été une découverte très enrichissante pour la commissaire. « J’ai tout de suite eu envie de faire une exposition sur le sujet, car c’est justement quelque chose que l’on connait peu, que l’on a moins étudié mais qui est très important puisque cela révèle une partie de la carrière de Jean Lurcat. » Durant 16 ans, l’artiste se rend régulièrement à Perpignan pour travailler aux ateliers de céramique de Firmin Bauby, à San Vicens. « Nous allons présenter près d’une centaine de vases issus de ce corpus », annonce la conservatrice du musée Rigaud.
Jean Lurçat – Femme turque, 1925, huile sur toile, 83×100 cm
L’exposition relève de la tutelle de Pascale Picard et de son équipe. Celle-ci partage le commissariat scientifique avec Salima Hellal, conservatrice en chef au musée des Beaux-Arts de Lyon. Ce travail scientifique est basé sur des recherches documentaires très poussées. « Nous essayons de faire la lumière sur la connaissance des œuvres », indique-t-elle. « L’exposition raconte un récit basé sur des faits historiques. »
Pour ce faire, il est nécessaire de rassembler des matériaux d’archives. Lors de l’exposition sur Georges Daniel de Monfreid, organisée au Musée Rigaud en 2022, Pascale Picard et son équipe ont racheté tous les carnets journaliers de la vie de l’artiste. « Ces agendas sont rentrés au musée et nous les avons tous étudiés. Toutes les expositions sont accompagnées d’un dispositif scientifique. »
Si chaque programmation est inventée de toutes pièces, la conservatrice s’appuie sur le potentiel du musée Rigaud, avec toujours comme fil rouge la valorisation des artistes du territoire.
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