Article mis à jour le 24 juillet 2024 à 18:26
Les 7ème rencontres départementales d’archéologie se sont tenues en cette mi-juin 2024. Entre conférences et discussions, les chercheurs et archéologues du département ont présenté les dernières études réalisées sur les territoires des Pyrénées-Orientales.
Hermeline Malherbe, présidente du conseil départemental des Pyrénées-Orientales, et Léopold Maurel conservateur régional de l’archéologie à la Drac Occitanie ont ouvert cette journée. Période d’élection oblige, c’est tour à tour, et non ensemble, que les discours sont prononcés. « L’archéologie est un domaine pluridisciplinaire. C’est découvrir et appréhender le passé. Le programme de ces rencontres est transversal et démontre la richesse de cette discipline », annonce le conservateur régional.
« Le service départemental d’archéologie est parfois remis en question pour des raisons financières. Mais c’est un service nécessaire afin de permettre des fouilles, et d’assurer la préservation de notre patrimoine historique », exprime Hermeline Malherbe.
L’archéologie préventive : quésaco ?
Dans le cadre de travaux d’aménagement du territoire, certains vestiges inconnus peuvent être endommagés ou détruits. Dans le but de préserver un maximum ce patrimoine, une loi a été établie en janvier 2001. Celle-ci prévoit la réalisation de diagnostics, par des archéologues, sur les lieux d’aménagements territoriaux. Ceux-ci sont faits en amont des travaux afin de prendre les précautions nécessaires pour détecter, étudier et préserver ce patrimoine. C’est ce qu’on appelle l’archéologie préventive.
« À partir du moment où une prescription d’archéologie préventive est décidée, un arrêté est imposé au maître d’ouvrage des travaux qui se voit contraint de suivre les directives de l’Inrap (Institut national de recherches d’archéologie préventive) », précise Léopold Maurel.
Dans certains cas, cette archéologie préventive intervient après la démolition d’un bâti déjà existant, par exemple pour des fouilles telles que celles du quartier de Saint-Jacques à Perpignan, en cours de rénovation depuis plusieurs années. « Cette archéologie de ‘démolition’ apporte une difficulté supplémentaire dans la démarche préventive. Le niveau de démolition demandé n’est pas toujours bien respecté et peut impacter les recherches ensuite. Il se peut aussi que certains bâtiments trop insalubres nous soient refusés d’accès. Ce sont des mesures de sécurité mais qui nous empêchent de guider les travaux comme le stipule les prescriptions établies », explique Isabelle Remy, archéologue de l’Inrap.
Des découvertes en montagne
Cette année les découvertes sont nombreuses, notamment en Cerdagne. Après la réalisation d’une dizaine de diagnostics, cinq fouilles ont été prescrites. La première à Bolquère est déjà achevée. Deux sont encore en cours à Font-Romeu-Odeillo-Via, et deux attendent d’être débutées. Les résultats des explorations établies apportent des preuves de la présence humaine en Cerdagne depuis le Mésolithique. Ces traces humaines se présentent sous formes diverses : des fosses creusées, des restes de structures en pierres, des céramiques, ou encore un système d’irrigation agricole.
« Des traces de végétaux datées de l’âge de bronze ont été retrouvées : du genévrier nain. Cet arbre se développe dans les régions boréales d’Eurasie et d’Amérique et en haute altitude dans les montagnes d’Europe. Mais pas à Bolquère ou Font-Romeu. Cela nous indique que les conditions météorologiques à l’époque étaient beaucoup plus dures et froides que de nos jours », indique Florian Milesi, l’un des archéologues participant au projet.
Toujours dans les montagnes, le second sujet de la journée est l’extraction du fer au fil de l’histoire. Ces recherches sont menées depuis 2014. Le but est d’identifier les lieux d’excavation et de production des métaux, des Pyrénées-Orientales jusqu’en Ariège. De 2019 à 2022 elles ont bénéficié d’un FEDER (Fonds européen de développement régional) pour financer les fouilles. De plus, tous les résultats de ces recherches sont accessibles au public via un SIG web dédié.
550 nouveaux sites découverts dans les Pyrénées-Orientales
Gaspard Pages, chercheur spécialisé sur le thème de la métallurgie a présenté les résultats de ces dix dernières années. » 250 personnes ont apporté leur aide pour identifier des mines de fer et des forges dans les Pyrénées et sur le Canigou. Cela représente 550 nouveaux sites découverts, pour un total de plus de 700 anciennes forges. On recense huit mines principales. Pour beaucoup de ces sites ce sont les scories, des déchets de l’épuration du métal, qui ont permis de trouver et dater les forges autrefois présentes. Il ne reste que peu de vestiges réels », a-t-il expliqué.
Des fouilles en ville
À Prades, en 2021, des fouilles se sont déroulées près du palais de justice. C’est en prévision de l’élévation d’un immeuble et de la destruction d’un autre qu’Odile Maufras, de l’INRAP, a été appelée à réaliser ces fouilles. Plusieurs restes de bâtiments et un cimetière ont été trouvés dans les sous-sols de la ville. » On date les traces les plus anciennes au Ier siècle environ. Ce sont trois bâtiments, mais ils sont trop détériorés pour savoir à quoi ils servaient. Ensuite, la nature du sol indique que du IIeme au XIIIeme siècle il y aurait eu des champs à cet emplacement. Puis, on retrouve des scories, et un canal rempli de particules de fer. Ce quartier de forgerons situé le long de la rue du palais de justice semble dater de la fin du XIIIeme siècle. » annonce Odile Maufras
C’est sans surprise que les fouilles réalisées à Elne ont fait l’objet d’une présentation. A l’occasion d’un remplacement des réseaux d’eau dans la ville basse, une prescription d’archéologie préventive avait été décidée. L’intégralité des travaux s’est déroulée sous la supervision d’une équipe d’archéologue. « En 1963, pendant la pose des égouts, Robert Grau découvre une nécropole dans la ville basse d’Elne. En 2015 la fouille du Planiol permet de dénicher deux tombes. C’est ce qui a motivé cette décision en parallèle des travaux. » présente Camille Mistretta-Verfaillie, archéologue. « Au cours de ces fouilles de 2021, quatre sarcophages en pierre calcaire ont pu être sortis des profondeurs de la ville. De plus, nous avons établi une cartographie des vestiges, par profondeur. Cela a permis de renouveler les connaissances sur l’histoire d’Elne. Néanmoins, certains résultats sont toujours en cours d’analyses. » ajoute-t-elle.
Pour le quartier de Saint Jacques, les résultats ne sont pas au rendez-vous. « Le but des fouilles du quartier de Saint Jacques est d’en apprendre plus sur la manière dont le quartier était construit avant 1600. Date à laquelle le quartier a subi une destruction. Malheureusement très peu de traces persistent. Les recherches continuent, au rythme des travaux dans le quartier, mais elles ne donnent pour l’instant rien de concluant. » précise Isabelle Remy.