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François Molins livre sa vision de la justice lors d’une conférence à l’université de Perpignan

Article mis à jour le 24 février 2025 à 19:47

Natif de Banyuls-dels-Aspres, François Molins a été procureur général de la Cour de cassation et directeur de cabinet pour deux gardes des Sceaux. Retraité depuis juin 2023, après 46 ans consacrées au parquet, l’ancien magistrat livrait son « Regard sur la justice » ce vendredi 21 février à l’université de Perpignan. Photo archives 2017 MiP.

Une centaine d’étudiants est venue assister à la conférence de François Molins à l’université de Perpignan. Une rencontre qui aura duré près de deux heures, avec plusieurs thèmes abordés. L’ancien procureur général a exprimé son sentiment face à la gestion du narcotrafic. Il a aussi rappelé les défis auxquels fait face la justice ainsi que l’importance de son indépendance.

Au fil de ses 46 années dans la magistrature, François Molins a été témoin d’évolutions majeures de la criminalité. « J’ai vu des changements importants dans les comportements criminels, avec une montée des violences, notamment chez les jeunes », constate-t-il. Il évoque ainsi des phénomènes nouveaux. « Je pense à tout ce qu’on a vu ces derniers temps sur Marseille. Des tueurs à gage qui vont supprimer des vies pour quelques milliers d’euros alors qu’ils n’ont que 16 ou 17 ans », déplore François Molins.

« Ce n’est certainement pas avec les opérations Place nette qu’on va y arriver »

L’ancien procureur évoque aussi l’augmentation de la consommation de drogues, un autre phénomène marquant. Il a pu constater que même dans des petites villes comme Carcassonne, où cette problématique était inexistante à son époque, le narcotrafic est désormais présent. Pour lutter contre ce phénomène, Gérald Darmanin met en place le dispositif « Place nette XXL » fin 2023, quand il était encore ministre de l’intérieur. Mais pour le procureur général, cette grande opération est loin d’être la solution.

« Si on veut identifier des commanditaires et identifier les avoirs, ce n’est certainement pas avec des opérations Place nette qu’on va y arriver », martèle François Molins. Il estime qu’il est plus important de réaliser des enquêtes de fond. « Elles serviront à démanteler les réseaux, à identifier les commanditaires et enfin à identifier leurs avoirs », explique l’ancien magistrat.

L’indépendance de la justice au cœur du débat

François Molins met un point d’honneur à l’indépendance de la justice, qu’il voudrait voir renforcée. Il souhaite un système dans lequel un procureur est choisi « à raison de ses qualités personnelles et professionnelles ». « Aucun autre critère ne devrait venir interférer dans ces choix-là. Et surtout pas les connaissances ou les amitiés d’un tel ou d’un tel », insiste-t-il. Le procureur général souhaiterait aussi que la Cour qui juge des hommes politiques cesse d’être composée « aux trois quarts de députés ou de sénateurs ».

François Molins poursuit, « Il n’y a aucune raison qu’un ancien ministre ne soit pas jugé de la même façon qu’un citoyen à partir du moment où on s’est entouré des garanties nécessaires sur la recevabilité de la plainte ».

Entre 95 000 et 110 000 décisions judiciaires non exécutées

François Molins aborde ensuite la multiplication des normes et la complexification du droit. Un phénomène qui complique davantage la tâche des magistrats et des avocats. « Nous faisons face à une explosion des missions confiées à la justice. Mais les moyens pour les accomplir efficacement ne sont pas toujours au rendez-vous », note le procureur général. Il déplore l’augmentation des compétences des procureurs et juges, sans qu’une réévaluation parallèle des ressources humaines et matérielles n’ait eu lieu.

La non-exécution des décisions judiciaires est aussi un problème, que François Molins estime difficile à résoudre. « Aujourd’hui, il y a entre 95 000 et 110 000 non-exécutions des décisions judiciaires », se désespère le procureur général. Même si des efforts ont été entrepris par des responsables comme Éric Dupond-Moretti, ancien ministre de la Justice, selon lui, ces mesures restent encore insuffisantes.

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Clément Bassot