Article mis à jour le 30 avril 2024 à 16:18
L’information est remontée sur les réseaux sociaux hier soir : plusieurs conseillers de la majorité municipale de Perpignan ont dévoilé un nouveau blason pour la ville. Une nouvelle qui n’est pas passée inaperçue. Il faut dire que le style est radicalement différent. Quitte à douter de sa crédibilité à la veille d’un 1er avril.
Fini le visuel épuré utilisé jusqu’à présent pour la communication, le Castillet qui s’y dévoilait fièrement, et le slogan « Perpignan la Catalane« . Place désormais à « Perpignan la rayonnante« , écrit d’un bleu clair rappelant celui utilisé pour la campagne électorale de Louis Aliot. Place à l’introduction des couleurs du drapeau national et à un Saint-Jean-Baptiste illuminé et tenant un agneau.
Pour la mairie, « c’est la Lumière qui fonde Perpignan »
La municipalité explique la présence centrale du dessin de St-Jean-Baptiste : « Le blason rappelle l’histoire de notre ville, son identité catalane par ses couleurs, sa culture et ses traditions; notamment par la présence de Saint Jean Baptiste qui est fêté tous les 24 juin ; avec la flamme du Canigo qui finit son parcours ici à Perpignan à l’occasion du solstice d’été ».
Et quant au choix du slogan : « (…) c’est la Lumière qui est l’élément majeur, central qui fonde Perpignan et ceci depuis des siècles. Une tradition séculaire reconnue par tous et ceci bien au-delà des croyances particulières qui appartiennent à chacun« .
La présence de la catalanité de Perpignan a été amputée dans le slogan. Chose qui n’a pas échappé à nombre d’internautes. La mairie écrit sur ses réseaux sociaux : « La catalanité de Perpignan est une évidence que nous vivons tous d’ailleurs quotidiennement et librement aussi selon les sensibilités de chacun. (…) Cette catalanité s’inscrit d’ailleurs dans la République française et ceci sans ambiguïté ». Citoyens et politiques de réagir à ce sujet.
Pour l’opposition municipale, « Sant Joan en gaulois mal fagoté »
Dans un communiqué, le groupe d’opposition municipale LR se demande si « c’était l’urgence du moment ? ». Avant de regretter ce changement : « Il brade à bon compte ce qui faisait la fierté de Perpignan : son affirmation catalane. Nulle autre cité d’importance ne pouvait la revendiquer. Cette affirmation « Perpignan La Catalane » inscrivait notre ville dans un territoire (…). Perpignan devient « la rayonnante ». Qualificatif tout à fait impersonnel et interchangeable. L’incompétence en la matière de la mairie frontiste rend là un bien mauvais service à Perpignan« .
Les conseillers municipaux d’opposition de conclure sur l’aspect esthétique du logo : « Sant Joan a ici des airs de gaulois mal fagoté, pour ceux qui l’ont reconnu. Les autres moins initiés se demandent ce que fait Jésus sur le logo de la ville, dans un pays laïc, en 2021. Le bâton qui vient remplacer sa croix (attribut usuel, avec l’agneau, des diverses représentations artistiques du saint) démontre l’absurdité de la démarche : faire de Sant Joan un symbole laïc pour tous les Perpignanais« .
Slogan, représentation et esthétique : ledit logo donne matière à discuter à l’heure de l’apéro.
Jonathan : « Un exemple de tout ce qu’il ne faut pas faire »
Jonathan est expert en communication et infographiste depuis une dizaine d’années sur Perpignan. Interrogé sur ce nouveau logo officiel, il réagit par un rire appuyé. « C‘est très moche ! C’est un exemple de tout ce qu’il ne faut pas faire. Plus je le regarde et plus il y a des choses qui ne vont pas« .
Il appuie ses propos et ne se retient pas : « L‘utilisation du dégradé ne se fait plus esthétiquement parlant. C’est proscrit. Nous faisons des aplats de couleur. Des choses précises et bien délimitées entre les couleurs et les formes. Ici, le bleu et le rouge sont très durs, et on les emmène vers le blanc. J’ai l’impression que ces deux couleurs sont modifiées : elles ne ressemblent pas à celles du drapeau. C’est un énorme contraste avec le style ‘fait main’ du dessin et du blason central. Dans le logo, il y a un effet artificiel à côté d’un effet naturel : un horrible paradoxe. C’est du fouillis « .
Pour Jonathan, un bon logo officiel ne dépasse pas trois couleurs. « Une identité visuelle doit être reconnaissable et analysable dès le premier coup d’œil. Il y a ici neuf couleurs en comptant le blanc et les gris« . Il semble que le logo fasse défaut à sa profession. Le Perpignanais est naturellement de cet avis.
Est-ce un nouveau loupé pour la communication de la ville ?
Après une campagne de communication loupée en faveur des artistes – qui titrait « Chaque homme de Culture à deux patries : la sienne et la France » – la mairie serait-elle retombée dans ses travers ?Jonathan semble être d’accord. Interrogé si ce nouveau logo était crédible pour une commune de la taille de Perpignan, il répond :
« Je pense que la mairie de Perpignan n’est pas passée par un infographiste professionnel. Mon métier est de conseiller et de guider en communication visuelle. Mais ça ne s’improvise pas. Créer un logo à partir de rien est un métier. Ici il n’y a pas eu de recherche graphique derrière. Il n’y a pas la touche du professionnel qui les a accompagnés. J’ai l’impression qu’ils ont en fait un peu à leur tête« .
Et l’infographiste de nuancer : « Mis à part l’agneau, le dessin n’est pas mauvais en lui-même. Dans ce logo, ce ne sont pas les techniques qui sont mauvaises ; mais ce sont toutes ces juxtapositions et utilisations mélangées qui sont catastrophiques« . Et de conclure son jugement en avouant qu’il ne serait pas « surpris si ce nouveau logo était un poisson d’avril. Il est assez mauvais ! Et j’ai l’impression de pas être le seul à douter que ce soit un poisson d’avril« .
Interrogée sur la méthode de création du logo et son coût – ainsi que pour confirmer qu’il n’était pas un poisson d’avril – la mairie n’a pas répondu. Il semble qu’elle officialisera l’adoption du nouveau logo demain.
Entre soutiens et agacements : un logo qui ne laisse pas de marbre
L’annonce de la nouvelle sur les réseaux sociaux a fait un carton. Sur Facebook à 17 heures, entre les pages publiques de la mairie et de Louis Aliot, c’est près de mille réactions, trois cents commentaires, et cent soixante re-partages. Parmi tout ça ? Des internautes énervés, surpris, joyeux, satisfaits, choqués, etc. Petite sélection tirée telle quelle de Facebook :
- « Notre nouveau logo sera un cas d’étude dans toutes les écoles de graphisme de ce qu’il ne faut surtout pas faire ! »
- « Ça fait trop Catho, vraiment, et pas assez Catalan… Et puis la « rayonnante », ça fait prétentieux et inadapté… C’est copié sur « Montpellier la surdouée ». Donc, il faut se creuser un peu plus le ciboulot !!! C’est le premier vrai faux pas du maire… »
- « Bravo, je vois que vous avez suivi les recommandations de feu les Patriotes Catalans ! C’est une modernisation du logo traditionnel (moi j’aurais laissé La Fidelisima mais je peux comprendre cette revisite). En tout cas, c’est plus respectueux de notre culture et de nos traditions que le ridicule papier peint de l’ancienne municipalité ! Continuez vous êtes sur la bonne voie, manque plus qu’à travailler les noms de quartiers (virez les ridicules noms comme quartier Sud , Nord et mettez des noms historiques !). »
- « Tant d’artistes à Perpignan, et pondre un logo à l’iPad qui ressemble à un sticker de frigo. Je ne veux même pas savoir le prix ».
- « Rien de moderne dans ce logo, il est d’une ringardise absolu ; tout droit sorti de l’imaginaire d’un fanatique religieux des années 1950. Au secours… On est en 2020. »
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