Article mis à jour le 10 mars 2023 à 14:08
Élisabeth Moreno – ministre déléguée auprès du premier ministre, chargée de l’égalité femmes-hommes, de la diversité et l’égalité des chances – était à Perpignan ce jeudi 25 mars. Une journée hautement symbolique, passée du Mémorial de Rivesaltes au collège Jean Moulin de Perpignan ; dans un contexte piégé entre Rassemblement National et affaires de sexisme et de non-mixité. Retour sur le programme de la Ministre.
♦ La ministre entourée de collégiens tout ouïe
Dans le cadre de la semaine de lutte contre le racisme et l’antisémitisme, la ministre Élisabeth Moreno a passé la matinée au Mémorial de Rivesaltes. Elle y a rencontré ses équipes et pris connaissance des projets du mémorial.
En début d’après-midi, Élisabeth Moreno se rend dans les locaux de la Canopé 66 auprès de six élèves de troisième du collège Jean Moulin de Perpignan. Au menu : questions-réponses et participation à leur programme web/radio organisé par l’atelier Canopé 66 et la Cité Éducative. Le thème « Vivre fraternité » anime les discussions face à des élèves bien préparés au plus grand plaisir de leurs encadrants. Les mots-clés rebondissent : déterminisme social – éducation – discrimination – sexisme.
♦ Morceaux choisis des échanges élèves-ministre
Comment une femme peut-elle concilier vie professionnelle ambitieuse et vie personnelle ? « Je suis née dans une famille très patriarcale et j’ai été élevée pour ne devenir qu’une bonne épouse. La beauté de notre pays, c’est qu’il n’y a pas de déterminisme social. Mes deux parents étaient illettrés. C’est une de mes profs qui m’a prise sous son aile. Elle m’a donné le goût de la lecture, cela m’a fait découvrir que le monde était bien plus vaste. Et que l’on pouvait réfléchir autrement que par le prisme de ses parents. C’est l’éducation qui a changé mon destin.
L’éducation est-elle un rempart contre les discriminations ? « Les Français les plus patriotes que je connaisse sont mes parents. Alors qu’ils ne sont pas nés en France. Ils ont choisi de s’y installer pour fonder une famille. La France a toujours tendu la main aux étrangers qui veulent s’en sortir et accéder à des opportunités et à des droits. Peu de pays sont autant dans la fraternité humaine que la France. »
♦ La dangerosité des réseaux sociaux ?
Élisabeth Moreno bénéficie de son estrade du jour pour apostropher les élèves quant aux réseaux sociaux. « Je suis catastrophée de voir ce qu’ils deviennent ; et tout ça sous le prétexte de l’anonymat. Cette haine déversée. Ces appels à la violence. En 2021, j’y vois encore des appels aux meurtres de Chinois par exemple, sous prétexte du Coronavirus. Les jeunes, ne vous laissez pas aspirer par les défauts des réseaux sociaux !«
Que pense la chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes de cette annonce d’embauche non-mixte publiée sur Facebook par un commerce de Perpignan ? Un scandale né à Perpignan il y a une semaine, et qui a été repris par la presse nationale. « Je rappelle que toute discrimination à l’embauche est illégale et que c’est puni par la loi. J’ai été choquée de voir qu’une annonce pareille a été publiée ».
Depuis le ministre de l’Intérieur a demandé l’ouverture d’une enquête précise la Ministre. « Nous ne devons pas tolérer ce genre de choses dans notre pays ».
Sur l’importance de la modération sur les réseaux sociaux ? « Cela doit se faire au niveau européen » ; un sujet porté au niveau Européen et traité dans le cadre du Digital Service Act. « A-t-on envie de vivre dans une société qui véhicule la haine car nous ne sommes pas d’accord avec ce que l’autre dit ? Mais ça montre ô combien notre société ne va pas bien dans ce domaine« . Et au sujet des complots qui ont notamment explosé depuis la pandémie ? « C’est une question prise à bras-le-corps dans le Plan national de lutte contre l’antisémitisme et la xénophobie« .
♦ Quid de l’absence du maire perpignanais Louis Aliot ?
Aux côtés de la ministre lors de son déplacement du jour à Perpignan, étaient présents les différents élus et acteurs du territoire traditionnellement invités pour ce genre d’événement. De citer notamment : les députés Laurence Gayte ou Catherine Pujol, respectivement En Marche et Rassemblement National, le préfet des Pyrénées-Orientales Étienne Stoskopf, la présidente du département Hermeline Malherbe.
Hier, lors d’une conférence de presse, le maire de Perpignan Louis Aliot a partagé son souhait d’obtenir un entretien avec Élisabeth Moreno en plus de l’invitation au sujet de l’accueil des Mineurs non-accompagnés, la sécurité dans la ville, la drogue, ou encore la prostitution. Entretien qui n’a jamais eu lieu semble-t-il. L’absence de l’édile de Perpignan, en conseil municipal cette même après-midi, s’est faite sentir lors de la visite à la Canopé 66. Interrogée sur ces échanges protocolaires, Élisabeth Moreno n’a pas souhaité réagir.
♦ Élisabeth Moreno soutient le rapport Benjamin Stora
La ministre Élisabeth Moreno rebondit sur la cancel culture* qui fait actuellement les gros titres de la presse internationale : « L’historien Benjamin Stora, à la demande du président Emmanuel Macron, a fait un travail magnifique avec la publication de son rapport sur la guerre d’Algérie« . Et de poursuivre : « Il y a dans notre histoire des moments dont nous sommes tous fiers et d’autres plus sombres. Mais c’est important de s’en souvenir aujourd’hui. Il faut raconter toutes ces choses pour éviter de reproduire, à l’avenir, l’esclavage, le colonialisme, les oppressions, etc« .
Interrogée par une élève si être une femme politique, en 2021, était encore difficile, l’interviewée acquiesce et se confie : « C’est dur, car c’est violent, alors qu’on sert l’intérêt général ».
Le déplacement de la ministre s’est bouclé par une table ronde avec « l’Association de la fondation étudiante pour la ville (AFEV66), des élus et des personnes en services civiques qui travaillent sur la lutte contre le racisme et les discriminations en milieu scolaire« .
*La cancel culture (culture de l’annulation), ou call-out culture (culture de la dénonciation), est une pratique née aux États-Unis consistant à dénoncer publiquement, en vue de leur ostracisation, les individus ou les groupes responsables d’actions ou de comportements perçus comme problématiques.
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