Article mis à jour le 23 juillet 2024 à 12:07
« Derrière les murs de la prison de Perpignan » (2/3). Il ne se passe pas une semaine sans que les boîtes mail des médias ne reçoivent un message des syndicats de surveillants de la prison de Perpignan.
Dernièrement, Ufap-Unsa justice s’alarmait des conséquences de la surpopulation sur le moral des surveillants. Ce 2 juillet 2023, un message dénonçait l’invasion de punaises de lit ; ces nuisibles qui ne font guère de différence entre détenus et surveillants. Ce 4 juillet, c’est le syndicat Force Ouvrière qui dévoilait une livraison par drone au quartier des mineurs ; et demandait l’installation de dispositifs de brouillage pour lutter contre ce nouveau fléau qui met en danger surveillants et détenus.
Le centre pénitentiaire de Perpignan «maillot jaune» des prisons de France ?
C’est ainsi que le syndicat Ufap-Unsa justice interpellait les médias ce 16 juin. Le syndicat dénonce la surpopulation carcérale de l’établissement construit en 1987 dans le quartier Maillol de Perpignan. Pierre Grousset, secrétaire départemental du syndicat de surveillants indiquait que dix nouveaux arrivants avaient été incarcérés, «portant le nombre de personnes détenues à la Maison d’arrêt pour hommes à 341 détenus pour 132 places, affectés dans des cellules de 9 M2 sans douches.» Ce jour-là, 84 détenus dormaient sur des matelas au sol.
Ce 5 juillet, c’est le contrôleur général des lieux de privation de liberté qui publiait un rapport accablant sur la détention endémique et inacceptable dans le centre pénitentiaire de Perpignan. Un phénomène qui se répercute immanquablement sur les conditions de travail des surveillants.
Pour les détenus, entassés dans moins de 10M² avec matelas au sol, la cohabitation vire à la dispute et à des actes de violence sur autrui dans la grande majorité des cas. Une surcharge de détenus mais aussi une surcharge de travail pour les surveillants parfois en sous-effectif. Les syndicats de surveillants dénoncent le manque de moyen ; des conditions de travail dans lesquelles assurer la sécurité de la population pénale devient mission impossible.
Le métier est en peine, «il y a un problème d’embauche, surveillant pénitentiaire c’est un métier qui est en souffrance. On n’a jamais donné les moyens et avec l’inflation en plus, c’est compliqué de recruter», estime Pierre Grousset. Pour lutter contre la précarisation de la fonction des surveillants, les syndicats prônent une revalorisation indiciaire, statutaire et salariale. Actuellement, le statut des surveillants est en cours de négociation pour passer en catégorie B pour les agents du Corps d’Encadrement et d’Application (CEA) avec l’embauche de contractuels, et en catégorie A pour les agents du Corps De Commandement (CDC).
Au 31 décembre, le centre pénitentiaire de Perpignan comptait 218 personnels dont 206 surveillantes et surveillants. Malgré un taux d’absentéisme faible, et un établissement le plus demandé lors des mutations, la direction évoque 17 postes non pourvus.
Le centre pénitentiaire de Perpignan, site pilote pour un dispositif de brouillage
Rien n’y fait, malgré le rehaussement des filets anti-projections, téléphones, stupéfiants ou autres objets interdits en détention franchissent régulièrement les hauts murs du centre pénitentiaire de Perpignan. Après plusieurs alertes infructueuses, ce sont désormais les drones qui «livrent» ces colis aux détenus. En 2022, les fouilles ont ainsi permis de saisir 151 téléphones mobiles ; sans compter les nombreuses confiscations de drogue, résine de cannabis, herbe ou cocaïne. La direction évoque une récente saisie record de 1,1kg de résine de cannabis projeté depuis l’extérieur.
Le syndicat Force Ouvrière diffusait un communiqué de presse. «Dans la nuit de dimanche à lundi 03 juillet, un drone a survolé le ciel de la prison de Perpignan pour livrer à « domicile » le pensionnaire d’une cellule sur le Quartier Mineur.» Après l’incendie, une fouille a été organisée qui a permis la saisie d’un iPhone, d’un chargeur, d’une paire d’oreillette. Durant l’inspection, les agents ont aussi découvert deux lames de scie, une pour le bois et l’autre le métal. Le syndicat révèle que Perpignan a été retenu pour le déployer un dispositif pour parasiter les fréquences des machines afin de les rendre inertes.
Plus de moyens pour des conditions de travail satisfaisantes ?
Le 11 juin dernier, le Sénateur Jean Sol avait visité le centre pénitentiaire de Perpignan. Peu de temps après son élection, il avait déjà fait le choix d’exercer son devoir de contrôle des lieux de privation de liberté en tant que parlementaire. Le sénateur avait alors répondu aux inquiétudes des organisations syndicales sur les difficultés professionnelles. Un changement de direction plus tard, Jean Sol se dit rassuré par la rencontre du nouveau directeur Dimitri Besnard. La préoccupation de l’époque était liée au recours massif aux heures supplémentaires et à la surpopulation carcérale.
«Moi je sens une évolution non seulement dans la vision managériale basée sur l’humain de cette direction. Avant, on sentait des agents dans un état de mal-être. Même si tout n’est peut-être pas rentré dans l’ordre j’ai le sentiment que les choses ont évolué.»
Dimitri Besnard, directeur du centre pénitentiaire de Perpignan lors de la visite du sénateur Jean Sol.
De son côté, Dimitri Besnard se félicite de la baisse des incidents en détention. Une baisse qu’il attribue à la création de brigades dédiées et à la professionnalisation des agents. Le rapport d’activité du centre pénitentiaire de Perpignan fait apparaître de 2021 à 2022, une baisse de près de 50% des agressions envers le personnel. Quant aux menaces, elles ont chuté de 106 en 2021 à 25 en 2022. «Nous travaillons beaucoup sur la professionnalisation de nos personnels. Nous avons créé des brigades dédiées aux quartiers mineurs, arrivants, disciplinaire, ce qui permet un suivi au niveau de la prise en charge. Ce sont des agents qui connaissent bien les publics et qui participent à une prise en charge de qualité.»
Le directeur de rappeler la grande différence entre le système pénitentiaire américain et français. «Aux États-Unis, on enferme les détenus, on arme les personnes, et on gère la sécurité périmétrique. Nous, nous sommes au milieu des détenus et nous sommes non armés. Cela fait toute la différence. Nous travaillons sur la légitimité du commandement et de l’autorité des personnels.»
Article réalisé en collaboration avec Maëlle Beaucourt, étudiante en journalisme.
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