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Dans les Pyrénées-Orientales, quel bilan trois ans après le début du conflit en Ukraine ?

Dans les Pyrénées-Orientales, quel bilan trois ans après le début du conflit en Ukraine ?

Article mis à jour le 28 février 2025 à 09:55

Trois ans après le début du conflit en Ukraine, près de 1 200 Ukrainiens vivent désormais dans les Pyrénées-Orientales. L’occasion de faire le point sur l’accueil de ces familles contraintes de fuir la guerre. L’association Alliance Occitanie Ukraine et l’Association Catalane d’Actions et de Liaisons (ACAL) nous dressent le bilan de leurs actions.

Aujourd’hui, certaines voix s’élèvent contre la solidarité envers le peuple ukrainien, qui se ferait au détriment des Français. Selon l’Ipsos 66% des personnes interrogées estiment tout de même que le soutien européen à l’Ukraine doit continuer.

Créée en 1961, l’ACAL (Association Catalane d’Actions et de Liaisons) est une association qui a pour objectif de lutter contre les exclusions. « Elle est organisée en trois pôles : le pôle asile, le pôle familles et isolés et le pôle insertion par le logement », nous explique Camille Grau, directrice adjointe. Dans les Pyrénées-Orientales, l’ACAL accompagne chaque année 5 000 personnes. Quant à l’Alliance Occitanie Ukraine, l’organisation a 17 ans, et est la plus ancienne association ukrainienne en France. Jeanine Lesko a créé cette association pour faire connaître son pays. « Au début, c’était des échanges culturels et sportifs, puis on a basculé dans un contexte humanitaire assez rapidement », nous explique Guillaume Lopez, trésorier de l’association. 

Dans les Pyrénées-Orientales, les donations pour l’Ukraine s’essoufflent

Depuis 2022, l’association Alliance Occitanie Ukraine a organisé le convoi de 115 camions d’aide humanitaire. « Nous sommes passés de quatre camions par semaine au début du conflit, à un camion tous les quatre mois aujourd’hui », observe Guillaume Lopez. L’aide a diminué, en même temps que les dons financiers et matériels. « Nous livrons essentiellement du matériel médical. Nous équipons les hôpitaux, les centres médicaux, les maisons de retraite et les orphelinats situés dans la partie rurale de la région de Lviv », énumère-t-il.

Avant le conflit, l’association équipait déjà ponctuellement des hôpitaux en matériel basique. La déclaration de guerre prononcée, les convois se sont multipliés et les bénévoles ont commencé à livrer des produits alimentaires, d‘hygiène, des vêtements et de l’ameublement. « Il y a eu beaucoup de déplacés », se souvient Guillaume Lopez. « Des habitants du Donbass sont partis du côté de Lviv. Ils étaient dépassés, et n’avaient plus de quoi se nourrir. »

Soutien aux réfugiés ukrainiens dans les Pyrénées-Orientales_-12

L’association bénéficie de subventions des collectivités, mais son modèle économique repose essentiellement sur les dons de particuliers. « En 2022, au moment de la guerre, les donations rentraient tous les jours, à flot. Les gens ont donné beaucoup d’argent pour aider l’Ukraine », assure le trésorier. Pour chaque convoi humanitaire, l’association déboursait en moyenne 3 500 euros.

« Depuis, il y a eu tellement d’autres événements importants, d’autres catastrophes qui sont arrivées que les donations se sont essoufflées », constate Guillaume Lopez. En 2022, l’association comptait 150 points de relais sur tout le territoire, contre seulement dix aujourd’hui. 

Que s’est-il passé depuis mars 2022 dans les Pyrénées-Orientales ?

Tout juste arrivées dans les Pyrénées-Orientales, les familles ukrainiennes ont été prises en charge par les autorités et logées par l’ACAL. Les associations Solidarité Pyrénées, La Croix-Rouge et Habiter en Terre Catalane participent également à trouver des logements pour les réfugiés. « C’était la première fois que le dispositif de protection temporaire, prévu par l’Union Européenne, était mis en place », souligne la directrice adjointe de l’ACAL.

Durant le second trimestre 2022, l’État sollicite l’ensemble de ces opérateurs afin d’ouvrir des places en « Intermédiation Locative. » « Ce sont des logements mis en sous-location avec la mise en place d’un accompagnement social. Par l’intermédiaire de l’ACAL, un certain nombre de familles sont logées au sein de ces logements d’urgence. « À ce jour, à travers ces différents dispositifs, l’association accompagne 364 personnes, ce qui représente 178 familles. Depuis le début du conflit, nous avons accompagné 2 000 personnes », soutient Camille Grau. 

Cela fait maintenant trois ans que certaines personnes sont sur le territoire français. « L’accompagnement social est tourné vers l’insertion par l’accès à une formation ou un emploi, mais également l’accès à un logement. Certaines démarches restent encore complexes, mais les équipes font de leur mieux pour rendre ce public autonome », nous explique Camille Grau.

Si la protection temporaire est prolongée jusqu’en mars 2026, les équipes de l’ACAL constatent que nombre de ressortissants ukrainiens ont fait une demande d’asile. Celle-ci permet notamment l’accès à un statut de réfugié et une carte de séjour de 10 ans. « Les personnes qui font cette demande ne s’imaginent pas rentrer en Ukraine », nous explique Camille Grau, qui observe une diminution sur l’année 2024 du nombre de retour en Ukraine. Entre 2022 et 2023, 34% des personnes prises en charge par l’ACAL ont pu bénéficier d’une insertion. Cette proportion est montée à 54%, en 2024.

« S’insérer, c’est très difficile »

« Dès qu’une mairie nous informe qu’elle peut loger trois ou quatre familles, nous contactons l’ACAL », assure, de son côté, le trésorier d’Alliance Occitanie Ukraine. Pour accompagner ses bénéficiaires, l’association met, entre autres, en place des cours de français. « Nous essayons d’insérer ces personnes dans le monde professionnel », ajoute Guillaume Lopez. Selon lui, les Ukrainiens arrivés dans les Pyrénées-Orientales se sont essentiellement tournés vers le milieu agricole. « Il n’y avait pas besoin de parler la langue. Mais quand vous faites face à des clients français, c’est plus compliqué… » 

Pour ces familles qui ont dû réorganiser leur vie dans l’urgence, l’intégration est loin d’être évidente. Susanna, l’une des bénéficiaires de l’association, est arrivée d’Ukraine il y a deux ans et demi. Âgée de 54 ans, cette coiffeuse n’a pas trouvé de travail. Elle et ses deux enfants rentreront au pays, à la fin de guerre. « S’insérer, c’est très difficile,  il y a toujours la barrière de la langue. Ensuite, le mode de vie n’est pas le même. Certains nous disent qu’ils resteront là tant qu’ils peuvent, mais qu’ils repartiront. D’autres, ont pu apprendre le français et se sont intégrés plus facilement, ils ont fait la démarche de louer un appartement et ils ont un travail. »

Les drapeaux Français et Ukrainiens disposés par Maryna

En mars 2023, l’association Habiter en Terre Catalane accueillait Olga, Igor, Anastasia, Yarsolav, Galina et Lisa dans son équipe. « Il y a seulement quelques mois, ils arrivaient démunis dans les Pyrénées-Orientales. Aujourd’hui, ils participent bénévolement à des petits chantiers. Ils nous aident à aménager des intérieurs destinés à d’autres familles, fuyant aussi le conflit en Ukraine », décrivait le collectif. Peu à peu, une entraide ukrainienne se crée autour du logement.

Sur les personnes hébergées à ce jour par l’ACAL, 18 % ont déjà obtenu une protection internationale suite à une demande d’asile, et 23% ont une demande d’asile en cours de traitement. « Soit plus de 40% qui souhaitent pour l’instant rester en France », précise Camille Grau. « En revanche, une grande proportion reste indécise sur un retour en Ukraine. » Depuis le début du conflit, près de 1 000 Ukrainiens auraient quitté le département entre 2022 et 2025. « Certains ont peut-être changé de département, d’autres ont préféré aller en Espagne où vit une grosse communauté ukrainienne, notamment à Barcelone », suppose Guillaume Lopez. 

En France ou en Ukraine, les familles ukrainiennes sont dans le flou 

Suite à une décision gouvernementale de diminuer les dotations versées aux associations, 43% des réfugiés ukrainiens accueillis dans le département devront, avant la fin 2025, quitter les lieux d’hébergement d’urgence. Cette coupe budgétaire pourrait avoir des conséquences dramatiques pour de nombreux réfugiés, dont les loyers sont partiellement couverts par des aides publiques, via les associations. « S’il n’y a plus de possibilité de payer ces logements, ces gens vont se retrouver à la rue », déplore Guillaume Lopez. Comme au Mas Blanc, à Alénya, où environ 200 réfugiés ukrainiens sont hébergés.

« Ceux qui sont logés par les mairies ne sont pas concernés pour le moment », complète Guillaume Lopez. C’est par exemple le cas à Pézilla-la-rivière, où trois familles sont logées gracieusement. « On ne leur demande pas de loyer, mais ils participent à la vie associative de la ville par exemple », souligne le trésorier. 

Côté Ukrainien, le gouvernement souhaite le retour des réfugiés au pays. « Il y a un problème dont on ne parle pas souvent, c’est le manque de main-d’œuvre en Ukraine », nous confie Guillaume Lopez. « Pour relancer son économie, le pays a besoin de monde pour travailler. » Selon les Nations Unies, la reconstruction du pays pourrait coûter 500 milliards d’euros : Les secteurs les plus touchés sont le logement, les transports, le commerce et l’industrie, l’énergie et l’éducation.

« Environ 13 % du parc immobilier du pays a été endommagé ou détruit, au détriment de 2,5 millions de ménages. Le secteur de l’énergie a également connu une augmentation de 70 % des dommages et destructions d’actifs, notamment les infrastructures de production, de transmission et de distribution d’électricité et le chauffage urbain », peut-on lire sur le site de l’organisation intergouvernementale.

D’après Camille Grau, la plupart des Ukrainiens n’imaginaient pas que le conflit durerait autant de temps. « Lorsque nous les avons accueillis en 2022, nous pensions que cela ne serait que pour quelques mois. Il reste complexe pour certaines familles de se projeter dans l’avenir, qu’il soit en France ou en Ukraine. »

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