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Crise de l’eau en Pyrénées-Orientales : un arrêté pour remplir le barrage de Vinça

FRANCE - Pyrenees-Orientales, Vinca, 2 mars 2023, face a la secheresse record du departement, comment reagissent les maires et mairies des villages rurals et de montagne du departement du sud de la France. Situation du fleuve Tet, fleuve majeur du departement, photographie prise depuis le lit du fleuve, dans la zone de retention d eau ou lac du barrage de Vinca. Tet inhabituellement si faiblement fournie en eau. Sols secs. Trace de secheresse dans le lit du fleuve.

Article mis à jour le 8 juin 2023 à 16:35

C’était une des idées proposées par les maires et divers syndicats réunis à l’initiative du Préfet Rodrigue Furcy : remplir le barrage de Vinça. Compte tenu des prévisions météorologiques, la préfecture des Pyrénées-Orientales a pris ce mercredi 5 avril un arrêté en ce sens «afin de sécuriser les usages pour les prochaines semaines.»

Cette décision vise à restreindre «les volumes d’eau lâchés dans la Têt à l’aval du barrage de Vinça afin d’augmenter le remplissage de cette réserve. Cette décision porte le débit réservé sur la Têt de 1 500 l/s à 1 000 l/s au niveau du point T6 pour une période d’un mois.» Retour sur deux semaines de concertation sur le front de la ressource en eau. Photo de Une : JC Milhet / Hans Lucas.

«Nous ne rattraperons jamais la normale»

Mercredi 24 mars, le secrétaire général de la préfecture et sous-préfet de Perpignan, a réuni les maires de l’arrondissement perpignanais au Soler. La réunion, solennelle – au vu de l’urgence – a laissé place à de vifs échanges de points de vue quant à la gestion locale de l’or bleu. En annonce à ces réunions par arrondissements, la préfecture de Perpignan avait communiqué : «Il (le préfet Rodrigue Furcy) a demandé à chaque sous-préfet de réunir les élus locaux pour les sensibiliser et trouver à leur écoute, les possibilités d’accentuer les économies d’eau dans chaque commune.»

C’est dans une des salles de l’Idem, au Soler, que le sous-préfet de Perpignan, Yohann Marcon, a reçu une cinquantaine de maires et représentants de divers syndicats. Vincent Darmusey, chef du service eau et risques de la Direction départementale des territoires et de la mer, était à ses côtés pour présenter l’État de la situation.

Et elle n’a pas beaucoup bougé depuis le début d’année. Vincent Darmusey, entre-autres, de rappeler : «La pluie a été déficitaire sur la majeure partie des Pyrénées-Orientales. Il y a un déficit hydrique de 300 mm pour les nappes, et il faudrait qu’il pleuve quinze fois plus que ce qu’il a plu en mars. Nous ne rattraperons jamais la normale. Depuis juin dernier, nous dépassons les records bas d’humidité des sols. C’est la sécheresse la plus longue, la plus intense et la plus étendue qu’on ait jamais connue.»
D’après Vincent Darmusey, le manteau neigeux devrait être normalement à six mètres ; il est actuellement à moins d’un mètre. «On ne peut donc pas compter sur la neige pour le remplissage du barrage de Vinça. La situation est inquiétante.»

Et de poursuivre dans les comparaisons : «Le lac de la Raho est à moitié vide. L’an dernier à la même époque il était plein. Si on n’a pas de pluies conséquentes entre-temps, on n’aura vidé le lac d’ici septembre.»

L’Agly et la Têt face à des niveaux d’alerte alarmants : quelles mesures d’urgence pour préserver l’eau potable ?

Toujours selon le chef Eau et Risques, l’Agly est entre les niveaux d’alerte renforcée et de crise ; c’est-à-dire les deux derniers stades de gravité. «Sur la Têt, on dépasse la crise, sauf à Serdinya. Nous sommes à débit réservé, pour avoir ne serait-ce qu’un filet d’eau.

La situation dépasse l’entendement : «L’an dernier à la même époque nous avions des réserves. En baissant la tête et en serrant les fesses ça passait. Là, nous attaquons une saison compliquée, avec des réserves vides.» Quant à l’eau potable, quatre communes des Pyrénées-Orientales sont dans l’obligation d’utiliser des citernes depuis l’automne dernier. La préfecture promet de travailler en pleine collaboration avec des secteurs consommateurs – comme les campings, le BTP, et les stations de lavage – pour un plan volontaire d’économie d’eau.

Plus concrètement, un plan de réduction des fuites sur le réseau d’eau potable doit, dans les semaines à venir, concerner quinze communes

«Notre sélection doit se porter sur les communes avec une masse démographique suffisante, et un rendement faible du réseau d’eau, de l’ordre de 40%» ; explique Yohann Marcon. «Nous espérons 2 à 3 millions de mètres cubes d’économie par an, et des gains visibles dès la fin de ce printemps.» Ces rénovations doivent être financées par l’État, le Département et l’Agence Régionale de Santé. Un plan similaire est prévu au sujet de la perméabilité des canaux.

Dans les Pyrénées-Orientales, sont concernées : la Communauté de Communes Agly-Fenouillèdes, Conat, Fillols, Fontpédrouse, Ille-sur-Têt, Le Perthus, Matemale, Millas, Olette, Perpignan Méditerranée Métropole Communauté Urbaine, Puyvalador, Ria-Sirach, SIAEPA du Cambre D’Aze, Thuès-Entre-Valls.

La préfecture propose aux maires une charte d’engagement pour la réduction de l’utilisation de l’eau chez les usagers

Yohann Marcon d’expliquer : «Les contrôles sont très compliqués à effectuer aujourd’hui. La DDTM ne dispose que d’une petite équipe. Nous proposons d’adopter des arrêtés préfectoraux pour s’appuyer sur les polices municipales pour des opérations de contrôles conjointes avec les forces de l’ordre. Tout cela doit se faire avec les maires volontaires et prêts à adopter des arrêtés municipaux en ce sens.»

Des contrôles qui concernent notamment toutes les interdictions actuelles : arrosage des pelouses et des potagers particuliers de 8 à 20 heures, lavage des voitures (hors station), remplissage des piscines individuelles, nettoyage des terrasses, façades. Et le sous-préfet de Perpignan de rassurer : «Nous souhaitons repérer les particuliers qui ont une utilisation abusive de l’eau, pour, dans un premier temps, les sensibiliser.» 

Remplir le barrage de Vinça et ne laisser aucune goutte des fleuves finir dans la mer

Toutes ces pistes ont semblé ne pas répondre aux nombreuses inquiétudes des maires présents. Notamment face à la pression des agriculteurs aux premières loges de la crise hydrique locale. Une crise hydrique qui peut pousser aux pires des craintes : «J’ai les agriculteurs qui toquent à ma porte pour de l’eau. Mais j’ai une cinquantaine de caravanes sur ma commune. Ils nettoient leurs véhicules devant mes administrés. Face à cette image, ça monte, et j’aimerais qu’on agisse rapidement.»

Plusieurs élus catalans se retrouvent sur deux idées phares : remplir le barrage de Vinça et ne laisser aucune goutte des fleuves finir dans la mer. D’autres solutions sont proposées par les édiles ; comme l’achat d’économiseurs d’eau pour les foyers, ou mitigeurs. Une idée à laquelle le sous-préfet a semblé partant : «On pourrait en partie les financer.»

Ou encore des investissements à faire quant à la réutilisation des eaux usées. Priorité du Plan Eau d’Emmanuel Macron, aujourd’hui seulement 1% de cette eau est réutilisée. L’objectif est de 10%. Et la France est très en retard par rapport à ses voisins du sud ; comme l’Espagne, où 14% des eaux usées sont réutilisées. Mais les maires présents à la réunion au Soler ont tapé du poing quant à la question des législations strictes et dictées par l’ARS. Celles-ci doivent notamment être assouplies avec le Plan Eau.

Opoul-Périllos, Pyrénées-Orientales. Le 29 juin 2022. Premier grand incendie de forêt de la saison en France. Cet incendie géant, très dangereux de par sa proximité des résidences et sa vitesse de front, a ravagé 1200 hectares et a mobilisé 500 pompiers, un hélicoptère, un avion bombardier Dash et six Canadairs sur plusieurs jours. Photographie de Idhir Baha / Hans Lucas.

Face à la sécheresse et aux incendies, un plan d’actions pour protéger les ressources en eau et soutenir les pompiers en Pyrénées-Orientales

Conséquence directe de la sécheresse des sols, des feux de végétation ont déjà surpris les pompiers dans les Pyrénées-Orientales depuis début février. «Les incendies sont plus fréquents et plus violents, comme celui de Torreilles et Sainte-Marie-la-Mer, commente le sous-préfet de Perpignan. C’était un feu estival en plein hiver.»

Or, quid de la disponibilité de l’eau communale pour les pompiers et face à l’urgence des incendies ? La préfecture veut réfléchir à un réseau de stockage stratégique et d’urgence pour le Sdis ; et «pour ne pas se brancher sur les réseaux communaux en période de grosse tension hydrique.» Yohann Marcon poursuit : «Avec la Chambre d’Agriculture, on veut récupérer des anciennes cuves de caves coopératives pour en faire des réserves d’eau.» Interrogé sur la provenance de l’eau pour les remplir, ce dernier n’a pas su comment répondre.

Mardi 4 avril à Opoul-Périllos – commune traumatisée par l’un des premiers méga-feux de la saison 2022 en France – un nouveau plan d’actions contre les incendies de végétation a été présenté par le préfet Rodrigue Furcy, et la présidente du Département Hermeline Malherbe.

«Ce plan se décline en 43 mesures planifiées, dont 21 sont déjà réalisées ou en cours de réalisation» explique la Préfecture dans un communiqué. Par exemple : «La création d’une nouvelle réserve communale de sécurité civile (Opoul) ; ce qui porte à 22 le nombre de communes engagées dans la démarche de protection des massifs.»

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Idhir Baha