Article mis à jour le 14 mars 2024 à 09:15
Après la convention citoyenne qui a planché sur la fin de vie, c’est le Président de la République qui dévoilait l’axe de la loi qu’il souhaite voir débattue par les parlementaires. Alors que les Pyrénées-Orientales ne disposent toujours pas d’unité dédiée aux soins palliatifs, accompagnement, sédation profonde et continue, comment se passe la fin de vie dans notre département ?
En 2024, toujours pas d’unité de soins palliatifs dans les Pyrénées-Orientales
Si l’hôpital a mis en place une unité mobile, les Pyrénées-Orientales sont l’un des 21 départements français à ne toujours pas être doté d’une unité de soins palliatifs. Annoncée lors du Ségur de la santé en 2022, cette aile dédiée de l’hôpital de Perpignan n’est toujours pas opérationnelle. D’un budget de 1,6 million d’euros, elle devrait permettre de créer 12 lits de soins palliatifs. En 2022, l’hôpital ne comptait que cinq lits pour la fin de vie disséminés dans les services les plus concernés de l’hôpital Saint-Jean.
Danielle Ferrando préside l’association ASP (pour Accompagnement en soins palliatifs) l’Olivier. Depuis 30 ans, les bénévoles militent pour le développement des soins palliatifs et accompagnent dans le deuil les habitants de Perpignan et de la plaine du Roussillon. En 2023, les 40 accompagnants bénévoles ont assuré plus de 4.000 heures de présence auprès des personnes en fin de vie dans les Ehpad, les établissements de santé ou encore à domicile.
«Dans nos accompagnements, la demande est surtout de ne plus souffrir, et très peu d’une aide à mourir», constate Danielle.
Quant à l’état des lieux dans le département, Danielle déplore l’absence d’unité territoriale de soins palliatifs et le manque de moyens accordés à la fin de vie. Malgré le manque de ce lieu dédié, la présidente de l’ASL l’Olivier veut mettre l’accent sur le travail important de toutes les équipes en charge des soins palliatifs ; «dans le privé comme dans le public», insiste Danielle.
«Je trouve cette loi terrible»
Selon cette psychologue qui a fait le choix de l’accompagnement à la fin de vie, la loi Claeys-Leonetti n’est pas assez connue et pas suffisamment appliquée. «Personne de confiance», «sédation profonde» «directive anticipée» sont autant de dispositifs que cette loi prévoit déjà, mais que la présidente ne constate pas assez sur le terrain. Et Emmanuel Macron abonde dans le même sens. Selon le Président de la République, la nouvelle loi prévoira de mieux faire connaître ce texte et sa mise en œuvre.
La loi Claeys-Leonetti prévoit déjà la sédation profonde et continue. Danielle nous explique, «quand vous avez des douleurs réfractaires, la sédation profonde et continue peut soulager le malade avec son accord et/ou celui de sa famille. Le malade peut être soulagé sans forcément mourir. C’est pour cela qu’on ne dit pas « aide à mourir ». Les médecins pratiquent cette sédation pour faire disparaître la douleur, mais sans la volonté de mettre fin à la vie de la personne.» C’est là qu’est toute la nuance avec le dispositif dévoilé par le chef de l’État précise Danielle.
« Je trouve cette loi terrible », s’insurge Danielle avant de citer le cas de cette malade atteinte d’un cancer. «Elle dit stop, elle ne veut plus se nourrir ou s’hydrater, mais on ne la laisse pas mourir dans des conditions terribles, on l’accompagne jusqu’au bout. Les traitements font que même déshydratée elle ne va pas souffrir.» Pour Danielle, les seuls mots « aide à mourir » sont un glissement sémantique vers l’euthanasie et le suicide assisté.
Quant au 83% des Français qui se disent favorables à l’aide active à mourir, Danielle insiste, «honnêtement, nous avons des demandes pour arrêter de souffrir, mais pas des demandes d’euthanasie.» Et puis, selon Danielle, les avis sur la mort changent selon l’âge. «Quand vous avez 30 ans et que vous avez toute la vie devant vous, vous êtes parfois favorable à l’euthanasie. Mais quand vous êtes âgé, vous vous contentez de projets à très court terme.»
Une convention citoyenne et un chef de l’État qui ouvrent la porte à l’aide active à mourir
En avril 2023, les 184 Français tirés au sort de la convention citoyenne se prononçaient favorablement pour une «ouverture de l’aide active à mourir sous conditions». Ce 10 mars, dans les quotidiens Libération et La Croix, Emmanuel Macron dévoilait sa position sur la fin de vie. Selon l’Élysée, l’aide à mourir n’est ni un droit nouveau, ni une liberté nouvelle, mais un chemin possible dans une situation déterminée et avec des critères très précis.
Le projet de loi qui sera présenté à la fin du mois de mars devant les parlementaires déclinera ces critères : être majeur, capable de discernement plein et entier, atteint d’une maladie incurable, dont le pronostic vital est engagé à court ou à moyen terme et accompagné de souffrances réfractaires. Après le recueil de la volonté du patient, dans un délai maximum de 15 jours après une réponse favorable d’au moins deux médecins, la prescription du produit létal sera valable trois mois.
Pour Emmanuel Macron, «cette loi est nécessaire, parce qu’il y a des cas qu’on ne peut pas accepter humainement dans notre pays aujourd’hui, qui font souffrir des familles, des patients, des équipes médicales. Mais créer un dispositif ne suffit pas : il faut qu’il se décline concrètement partout dans le pays. Il y a un immense travail à faire. Cette loi marque le début d’une nouvelle phase. J’espère vraiment qu’elle va permettre à notre société de grandir dans le sens de la dignité humaine, et de regarder la mort différemment là où nous l’avons trop souvent reléguée aux confins.»
Au-delà de cette aide active à mourir inédite, le projet de loi prévoit deux autres volets. Un pour le droit des patients et des aidants et un autre pour élargir la notion des soins palliatifs et combler les retards sur les territoires pas encore équipés. Selon l’Elysée, ce dernier point sera soutenu par un investissement de 1 milliard d’euros.
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