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Récit d’un voyage en train de nuit de Perpignan à Paris

Récit d'un voyage en train de nuit de Perpignan à Paris

Article mis à jour le 27 juin 2024 à 14:08

Empreinte carbone inférieure à la voiture ou l’avion, désenclavement des territoires ruraux… Depuis quelques années, le train de nuit a le vent en poupe. Et le gouvernement compte bien dessus pour permettre à la France d’atteindre la neutralité carbone en 2050. Selon le ministère de l’écologie, en plus d’avoir ouvert de nouvelles lignes en 2021, 44 millions d’euros ont été investis pour rénover 71 voitures des deux lignes Paris-Gap-Briançon et Paris-Rodez / Latour-de-Carol / Cerbère. Alors à quoi ressemble un voyage en train de nuit ? Notre journaliste Alice Fabre raconte son embarquée.

Le train entre en gare de Perpignan, je mets mon sac sur le dos

Il est 19h21 ce vendredi 24 février, et avec mes deux amis nous montons dans notre wagon pour découvrir l’espace où nous passerons la nuit. C’est la première fois que j’essaye l’intercités de nuit jusqu’à Paris. Mon expérience en matière de train de nuit est plutôt maigre. Une fois, j’ai fait un Marseille-Toulouse sur un siège à peine inclinable. C’était très inconfortable. Une autre fois un Paris-Berlin en couchette, et je n’en gardais pas un souvenir mémorable. Dans notre cas, le train de nuit nous permet un gain de temps précieux en nous évitant de voyager en journée, notre destination finale étant Lille.

Nous voilà donc dans l’étroit couloir. Tout le monde se marche un peu dessus pour atteindre sa cabine. On galère pour faire passer notre grosse valise remplie de déguisements (on monte dans le Nord pour un joyeux et célèbre carnaval). Finalement, on réussit à la ranger sous la couchette du bas. Le lieu est exigu, mais honnêtement je m’attendais à pire. Six couchettes se font face, trois de chaque côté. L’ami qui voyage avec moi est un peu perplexe. Il faut dire qu’il mesure 1m92, ça va être drôle pour se glisser sur la banquette. On déduit qu’il vaut mieux qu’il prenne la couchette du haut, peut-être aura-t-il plus de place.

Pour moi et l’autre personne qui nous accompagne, ce seront les deux couchettes du milieu. On se croirait dans un bateau. Chacun installe son lit pour la nuit, avec le duvet et l’oreiller fournis par la SNCF ; ainsi qu’une petite boite en carton contenant une pastille de dentifrice, un masque de nuit et des boules Quies, l’essentiel du voyageur ferroviaire. Contents d’être installés, nous partons en exploration… En fait, on remonte les wagons via l’interminable couloir étriqué jusqu’à arriver à celui comportant uniquement des sièges. La déception passée après avoir compris qu’il n’y avait pas de wagon bar, on s’installe pour pique-niquer rapidement. Les contrôleurs nous conseillent de regagner nos couchettes, le train étant annoncé complet. En effet, l’essentiel des voyageurs monte à Toulouse.

Derrière la fenêtre, c’est la nuit la plus complète, on se croirait dans un tunnel infini. Parfois, le train s’arrête de longues minutes en gare, pour effectuer des manœuvres.

Vers 22h17, on rejoint nos couchettes. La nuit commence pour nous

Notre cabine est pleine, trois personnes s’y sont installées pendant notre absence. C’est drôle de partager un si petit espace avec de parfaits inconnus. Je me faufile dans mon duvet, troque mes boucles d’oreilles contre des bouchons, et tente de trouver le sommeil. J’avais entendu certains dirent qu’ils adoraient le train de nuit car ils se sentaient bercés par les mouvements du wagon… Et bien pas moi. À chaque à-coup ou ralentissement, mon corps se raidit. Il faut dire qu’allongé et bringuebalé ainsi, il n’a plus trop de repères. L’anxieuse en moi imagine le pire du pire, des déraillements si absurdes que je me moque de moi-même.

Et puis les premiers ronflements s’élèvent. Mon sommeil est au mieux léger, au pire inexistant selon les heures de la nuit. L’écolo que je suis est désespérée : je me faisais une joie de prendre le train de nuit et de me vanter de dormir profondément, de nouvelles perspectives s’ouvraient à moi. À la place, je me tourne et me retourne. Je finis par allumer la petite lampe de chevet et à bouquiner. Mon esprit finit par s’apaiser dans le calme nocturne, les ronflements se sont calmés. Je ne sais pas quelle heure il est, mais ça faisait longtemps que je n’avais pas lu la nuit et je me rappelle combien j’adore ça. Je finis par m’assoupir.

Récit d'un voyage en train de nuit de Perpignan à Paris
La gare de Cerbère de nuit © Maïté Torres / MiP

C’est une voix grésillante dans le haut-parleur qui me sort de ma torpeur

Nous arrivons dans 20 minutes. Je suis complètement dans le gaz, j’ai besoin d’un café mais je n’ai pas compris où on pouvait en acheter dans le train. De toute façon, il faut ranger sa couchette, fermer son sac, et sortir la valise. De nouveau, on se marche un peu dessus, ce couloir est décidément trop étroit. Mes deux compères ont aussi passé une nuit en pointillé : l’un s’est extirpé de la couchette vers 5h pour aller trouver un coin de lumière pour écrire…

Il a fini au milieu des vélos, car tout le train était plongé dans la plus grande obscurité. L’autre (le grand) a aussi eu un sommeil très léger. 6h50, nous arrivons en Gare d’Austerlitz, le jour n’est même pas levé. Pour nous, le voyage continue car nous devons attraper notre correspondance pour Lille. Nos regards sont un peu hagards et nos démarches fatiguées. Je suis un peu déçue du voyage. Heureusement que le retour est venu adoucir cette première impression.

Car oui, nous aimons les challenges et avons décidé de voyager aussi de nuit pour rentrer à la maison

En ce lundi soir, nous arrivons vers 21h15 à Austerlitz et nous retrouvons par hasard des amis qui étaient venus passer quelques jours à Paris. L’une d’entre eux a l’habitude de dormir en couchette et me donne ses bons plans : choisir le lit du bas car tu as plus de place pour t’asseoir, régler le thermostat de la cabine pour ne pas avoir froid… Quand elle voyage seule, elle aime choisir des cabines réservées aux femmes, une option qu’on peut sélectionner au moment d’acheter son billet.

C’est le même rituel qu’à l’aller, « bonjour, bonjour », couloir étroit, valise trop grosse, espace exigu. Mais cette fois, nous sommes fatigués avec deux jours de fêtes dans les jambes. Et je tombe de sommeil très rapidement après le repas du soir. Et cette fois, pas de raidissement ou d’esprit qui cogite trop sur les mouvements du train : je dors comme un bébé pendant plusieurs heures. C’est comme si je m’habituais peu à peu aux soubresauts des roues ferroviaires.

Mes amis aussi me confient au réveil avoir mieux dormi. Vers 8h30, alors que nous repartons de Narbonne, notre compagnon de cabine repli la couchette du milieu pour la transformer en banquette. Je ne pense pas qu’on ait le droit de faire ça, mais l’assise est bienvenue pour la dernière heure de trajet. Quelques rayons de soleil traversent le ciel nuageux, et au loin, par-delà l’étang de Leucate, le Canigou est baigné de lumière.

Dans le train, l’ambiance est plus conviviale qu’à l’aller : on se reconnaît, on discute, on rit, le cerveau encore embrumé par la nuit. Pour le café, il faudra attendre d’être à la maison. À Perpignan, nous disons au revoir à notre ami qui reste jusqu’à Elne. Une heure plus tard, le terminus atteindra la frontière espagnole, et Cerbère.

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Alice Fabre