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Réforme des retraites – Reprise des audiences dans un tribunal déstabilisé après 9 semaines de grève des avocats

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Article mis à jour le 12 janvier 2024 à 11:32

Plus de 83% des affaires familiales et 61% des dossiers au pénal renvoyés, parfois en février 2021 ; la juridiction de Perpignan est déstabilisée après 9 semaines de grève des avocats. Pierre Viard, président du Tribunal de Perpignan, confie « n’avoir jamais connu ça en 30 ans d’exercice de magistrature ».

♦ Les avocats de Perpignan reprennent le chemin des prétoires

Depuis samedi, le premier Ministre a décidé d’utiliser l’article 49-3 de la constitution. Particulièrement décrié, ce texte permet de faire passer la réforme des retraites sans débat ni vote à l’Assemblée nationale. Cette nouvelle donne a contraint les avocats à changer leur stratégie ; même si certains barreaux choisissent de poursuivre leur grève dure. Le barreau de Perpignan considère, quant à lui, « que 2 mois de grève ont permis de faire passer un message fort de détermination, de solidarité et d’unité ». 

Raymond Escale, le bâtonnier du barreau du département déclare néanmoins : « Tant que le projet de loi est en discussion, nous restons mobilisés. Il ne s’agit pas d’un arrêt, mais d’un changement de forme ». Les avocats vont maintenir leur interpellation des élus pour qu’ils prennent position. Le bâtonnier évoque aussi la possibilité de nouvelles actions sous forme de manifestations devant les marches du palais ou du tractage.

Questionné à propos de la stratégie pour rattraper le retard dans les dossiers renvoyés, Raymond Escale nous confie : « Je vais organiser tout cela pour être clair, net et efficace.

♦ « Ça va être quasiment impossible de rattraper le retard dans des délais raisonnables »

Pierre Viard nous confirme que la juridiction est déstabilisée par ce mouvement. Pour le président du Tribunal, la problématique « est de savoir quand on va pouvoir purger ces dossiers. ; puisque nous allons traîner le retard créé comme un boulet ».

Le président juge très sévèrement ce mouvement. « Une profession qui se saborde elle-même » ; faisant référence au fait que si les dossiers ne sont pas traités, les avocats ne peuvent facturer.

« Nous, nous sommes fonctionnaires et nous sommes payés tous les mois que les dossiers soient sortis ou pas. Même si ça nous fait mal au cœur pour les gens parce qu’on aurait pu juger leur affaire et les tranquilliser dans la suite de leur procédure. Mais les avocats, non seulement ils posent des difficultés à leurs clients, mais ils se mettent eux-mêmes en difficulté financièrement ».

De même sur le lien fait par les avocats entre la réforme des retraites et la qualité de la justice rendue. « Je suis assez sceptique sur le lien qu’on fait entre la fragilisation de la défense des justiciables et le système de retraite des avocats. Après, que cela complique la gestion de leur cabinet, c’est compréhensible. Mais de là à empêcher une défense, je ne sais pas comment ils déduisent cela ».

♦ Un décalage entre un impact local et une revendication nationale sur la réforme des retraites

Le Président du Tribunal déplore un réel déphasage. « La difficulté est que les avocats s’adressaient à nous en disant on fait un mouvement au niveau local pour un problème national qui ne relève absolument pas de nos compétences au niveau local. Nous n’étions pas au courant de ce qui se passait à Paris. Et localement, les avocats nous renvoyaient le fait que c’était un problème avec leur retraite. Alors que c’est un sujet qui n’est absolument entre nos mains, nous n’y pouvons rien ! ».

Pierre Viard aurait voulu avoir de la part de son ministère « un peu plus d’informations concernant les démarches entreprises au niveau national avec les représentants des avocats. Il y avait un décalage entre ce qui se passait localement et une revendication nationale sur laquelle nous n’avions ni les informations, ni aucun pouvoir d’agir. »

♦ Les avocats toujours contre la philosophie même de la réforme des retraites 

Nous avions questionné Raymond Escale au lendemain de la dernière assemblée générale du barreau des Pyrénées-Orientales qui avait voté la reconduction de la grève dure pour une semaine.

Il nous déclarait : “Ce projet prévoit de loger tout le monde à la même enseigne ; les salariés du privé, ceux du public, mais aussi les professions indépendantes. Sauf que nous n’avons pas tous les mêmes contraintes, ni les mêmes garanties. Nous, nous n’avons par exemple pas les garanties en matière de chômage ou encore la garantie de l’emploi que peuvent avoir les salariés du public. Si on se casse la pipe demain, on n’a ni droit au chômage, ni à la garantie de l’emploi. De prime abord, c’est sympathique de mettre tout le monde sur un pied d’égalité ; mais encore faut-il regarder les choses d’une manière globale et non pas seulement sous le seul angle des retraites“.

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Maïté Torres